La sûreté : un domaine partagé entre l'Etat et d'autres acteurs

DOSSIER
SECURITE DES LIEUX DE TRAVAIL || Sécurité des lieux / 13/02/2014

Longtemps le concept de sûreté n’a appartenu qu’à la seule sphère publique. Érigée en droit naturel et imprescriptible par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, droit défendu « par une force publique instituée pour l’avantage de tous » selon l’article 12 du même texte fondateur, la sûreté est d’abord cet équilibre voulu par les révolutionnaires entre, d’une part, la sécurité des personnes et des biens et, d’autre part, la préservation des libertés individuelles et des libertés publiques.

Le terme a ensuite longtemps désigné des institutions de puissance publique : « cour de sûreté de l’État », « direction de la sûreté nationale ». Ce n’est que dans la période contemporaine que la notion s’est progressivement imposée aux organismes « non régaliens » pour désigner une politique, une stratégie de limitation et de gestion des risques en rapport avec des comportements intentionnels malveillants. Les attentats du 11 septembre 2001 parce qu’ils ont à la fois redessiné le paysage et l’expression des menaces et qu’ils ont été à l’origine d’une nouvelle politique de sécurité intérieure largement influencée par les États-Unis, ont, à l’évidence, été un puissant accélérateur d’un processus par lequel la sûreté est entrée dans un domaine partagé entre l’État et les autres acteurs. Depuis le choc du 11 septembre 2001, le crime au sens générique du terme a, en quelque sorte, changé de statut : il a quitté, pour partie, la sphère de la déviance d’individus ou de groupes pour accéder à celui de phénomène collectif, rejoignant en cela « les grands risques » naturels ou industriels.

Marquée dans le même temps par la consécration du principe de précaution, notre société a vu s’estomper la frontière entre le crime et l’accident, la sûreté et la sécurité. Ceci s’est avéré dans de nombreux cas, soit que l’on ne puisse pas identifier avec certitude les causes d’une catastrophe (AZF), soit que les conséquences du fait criminel ou du fait accidentel soient les mêmes, régissant en amont des procédures de sûreté et de sécurité communes (risque de contamination d’un produit de grande consommation par exemple).

GendarmerieLes modalités du partage de la responsabilité et des moyens de sûreté entre le public et le privé sont souvent encore floues et se règlent fréquemment par le « blue drain », expression américaine pour désigner le transfert de compétences et d’influence de responsables policiers ou militaires reconvertis dans la sûreté des entreprises. Ce mouvement de « fertilisation croisée »ne résout cependant pas tout et l’entreprise doit faire un travail difficile et parfois à contre-culture pour prendre en compte une menace exogène, difficile à anticiper et qui plus est, relevant des « sciences molles » socio-politiques ou criminologiques et de leur cortège d’aléas. C’est donc un enjeu de taille pour les préventeurs que de percevoir les signaux parfois faibles de ces menaces qui sont souvent assez éloignées de la matrice des risques connus de l’entreprise.

Pour tenter d’analyser cette irruption de la sûreté dans le cercle de la « préventique » des risques nous nous attacherons, dans un premier temps, à décrire le processus qui a conduit à une coproduction de la sûreté. Dans un second temps, nous illustrerons par deux types d’exemples différents (le logement social et l’entreprise privée), les conséquences de cette nouvelle responsabilité de sûreté pour les opérateurs concernés.

Article extrait de la revue Préventique n°121 janvier/février 2012

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