Comment définir la pénibilité

DOSSIER
ORGANISATION DE LA PREVENTION || AT / MP - Pénibilité / 22/10/2013

Un concept au cœur de la réforme des retraites

La réforme des retraites a donné une place particulière à la question sur la pénibilité du travail. Sa prise en compte dans les discussions a permis d’aboutir à un assouplissement de l’application de la réforme pour certaines catégories socioprofessionnelles.

En résulte l’Article L4131-3-1 du Code du travail créé par la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 déclarant les éléments suivants :

 « Pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l'employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l'employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période. »

Pénibilité et retraiteCette fiche est utilisée par le médecin du travail et complète le dossier médical du travailleur. Celui-ci peut en demander la rectification. Cette fiche est clairement établie selon le modèle fixé par arrêté du ministre chargé du travail.

La définition juridique de la pénibilité du travail repose donc sur trois critères :

  • des contraintes physiques marquées,
  • un environnement agressif,
  • des rythmes de travail difficiles.

La définition n’est pas clairement bornée, le gouvernement ayant fait le choix de laisser l’appréciation de la pénibilité au corps médical. En conséquence, il n’existe pas non plus de liste des professions dites « pénibles ». C’est à la médecine du travail d’établir si le travailleur possède une incapacité de travail d’au moins 10 % pour avoir la possibilité de partir à la retraite à 60 ans.

Cette appréciation pose toutefois le problème de la dimension psychologique de la pénibilité et des maladies qui se déclarent après le départ en retraite.

Plus récemment, le projet de réforme des retraites du gouvernement socialiste a dévoilé, fin août 2013, la mise en place, à partir de 2015, d’un « compte pénibilité » pour les salariés du secteur privé étant exposés à au moins un des dix facteurs de pénibilité répertoriés. Ces facteurs définis par les partenaires sociaux en 2008 sont les suivants :

  • Agro-alimentaire : pénibilité et posturepostures pénibles pour les articulations,
  • vibrations mécaniques,
  • travail en équipes successives alternantes,
  • bruit,
  • agents chimiques dangereux (poussières et fumées comprises),
  • manutentions manuelles de charges lourdes,
  • activités exercées en milieu hyperbare,
  • travail de nuit,
  • travail répétitif,
  • températures extrêmes.

Le gouvernement évalue à 20 % des salariés du privé ceux qui sont concernés par ce compte pénibilité. Chaque trimestre d’exposition ouvre droit à un point (ou deux s’il y a exposition) plusieurs facteurs). Le plafond sera de 1 000 points. Ces points peuvent être utilisés de la manière suivante :

  • bénéficier de trimestres de retraite pour partir plus tôt par exemple
  • financer un maintien de la rémunération lors d’un passage en temps partiel en fin de carrière
  • suivre des formations pour se réorienter vers un emploi moins pénible

10 points = 1 trimestre (de formation, de temps partiel ou de retraite)

L’Etat souhaite que ce plan aide les salariés à sortir de la pénibilité. Dans cet esprit, il oblige une utilisation des 20 premiers points pour des formations.

Les salariés qui sont proches de la retraite pourront eux aussi profiter de ce compte pénibilité grâce à un aménagement spécial. En effet, les points acquis sont doublés et l’utilisation des 20 premiers points ne doit plus obligatoirement être réservée à la formation.

Pénibilité physique, pénibilité vécue : la limite de l’objectivité

La notion de pénibilité peut renvoyer à des critères variables selon que l’on considère :

  • TMS Dos et pénibilitéla pénibilité liée aux gestes du travail effectué dans des conditions précises et sur un certain poste
  • ou la souffrance physique ou psychique, voire le mal-être global au travail

De la même manière, les indicateurs de pénibilité peuvent être tout à fait différents suivant les cas :

  • indicateurs d’usure,
  • indicateurs de vieillissement prématuré de l’organisme,
  • indicateurs de morbidité réversible ou irréversible,
  • indicateurs d’espérance de vie ou de mortalité.

Deux types de pénibilité peuvent être distingués :

  • les expositions professionnelles : on mesure leur impact sur l’espérance de vie sans incapacité et/ou la qualité de vie au grand âge (facteurs de risques professionnels à long terme pouvant provoquer des effets irréversibles sévères sur la santé, à l’origine d’incapacités ou de handicaps),
  • la pénibilité « vécue » au travail : cela concerne plutôt les situations à l’origine de symptômes d’usure physique et/ou psychique et d’incapacité pendant la vie active que les effets à long terme.

On sait aujourd’hui que les pathologies professionnelles les plus fréquentes sont multifactorielles. Généralement, les métiers jugés pénibles sont définis par les critères suivants, des critères ayant un impact mesurable sur la santé physique du travailleur :

  • critères physiques (port de charges, etc.),
  • critères environnementaux (exposition aux risques toxiques, etc.),
  • rythmes de travail (travail à la chaîne, etc.).


En marge de ces facteurs, on distingue aujourd’hui une pénibilité plus subjective qui se caractérise très souvent par ce que l’on appelle le stress. A la source se trouvent ceux que l’on nomme « risques psychosociaux », des risques responsables de troubles psychiques, comportementaux mais également physiques. Ces risques sont de plus en plus considérés mais ne font pas encore l’objet d’une législation particulière. Quelques accords ont vu le jour (comme vous pouvez le lire dans notre dossier Risques psychosociaux : un phénomène compris mais mal maîtrisé).

 

L’enquête Sumer 2010

Code du travail et pénibilitéComme en 1987, 1994 et 2003, la DARES et la Direction générale du travail (DGT) ont réalisé l’enquête Sumer pour 2010. Cette enquête avait pour objectif de dresser un état des lieux des expositions professionnelles aux nuisances ou aux situations possiblement néfastes pour la santé. Cet état des lieux peut ainsi servir trois objectifs :

  • offrir aux préventeurs la base nécessaire à l’instauration de mesures de prévention au niveau local, régional et national,
  • donner au législateur l’occasion de confronter la réglementation en hygiène et sécurité à la réalité,
  • aiguiller les chercheurs sur les champs à étudier en priorité.

Cette édition permet d’effectuer une comparaison avec les précédentes pour observer les évolutions dans le temps. Elle a également étendu les champs d’investigation par rapport aux autres années et intégré de nouveaux travailleurs : les salariés de la RATP, les gens de mer et une partie des agents de la Fonction publique de l’Etat et des collectivités territoriales, intégrant ainsi 92% des salariés (22 millions).
Une attention plus particulière a été portée sur les RPS grâce, notamment, à la possibilité pour tous les salariés (seulement 50% en 2003) de répondre à un auto-questionnaire en plus du questionnaire principal administré par le médecin du travail.

Cette enquête révèle d’importantes différences d’exposition aux risques professionnels selon les secteurs d’activité. Par exemple, les horaires atypiques concernent surtout les salariés du commerce, de la fonction publique hospitalière et des transports. Ces salariés, ainsi que ceux de l’industrie, sont également ceux qui sont le plus concernés par les contraintes de rythme de travail. Excepté ceux de la FPH, ces salariés disposent aussi de marges de manœuvre plus faibles que l’ensemble des salariés. Pour ce qui est des contraintes physiques, ce sont surtout les travailleurs des secteurs de la construction et de l’agriculture qui sont concernés. L’étude permet aussi des comparaisons par sexe et secteur (publique et privé).

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