Faire face à de nouveaux enjeux

DOSSIER
SECURITE DES LIEUX DE TRAVAIL || Sécurité des lieux / 13/02/2014

La question de la sécurité, année après année, connaît des évolutions ambivalentes sur l’échelle de préoccupations des Français. Le ressenti de nos concitoyens en la matière est étroitement dépendant de la complexité des temps qu’ils traversent, et notamment des événements qui leur sont donnés à vivre. Il l’est aussi plus fondamentalement influencé par les événements qui les touchent au quotidien, même s’ils sont d’une portée géostratégique plus limitée voire inexistante.

Ainsi la perception des menaces et des risques qui fondent nos dispositifs de prévention ou de riposte obéit à des logiques qui procèdent d’une sensibilité souvent éloignée des réalités complexes qui les fondent. Car les menaces et les risques n’ont cessé de muter depuis deux décennies, sans que nous fassions preuve de la même ductilité.



Modifier nos modèles stratégiques

Ainsi, parce que nous sommes confrontés à de nouveaux enjeux, devons-nous affronter de nouvelles interrogations, dégager de nouvelles stratégies et mettre en œuvre de nouveaux moyens. Par exemple et typiquement, les révolutions arabes ont pris à contre-pied les appareils diplomatiques européens au point de laisser les dirigeants des pays concernés dans un état d’indécision qui les a conduits, dans un premier temps, à observer plutôt que d’agir. Les grilles de lecture utilisées depuis des décennies se sont avérées inadaptées face à ces événements non anticipés. Au surplus, des attentes fantasmées sur la capacité des régimes autoritaires de la zone à étouffer la contestation et à maintenir la cohésion de leur société au profit d’une lutte contre les extrémismes religieux, source avérée d’un terrorisme menaçant, ont réduit encore plus notre champ de vision et d’observation. Et il n’est pas certain que la lecture qui est faite des événements concernés soit aisée et, en conséquence, pertinente.

La mort d’Oussama Ben Laden marque une victoire importante et attendue sur le terrorisme qui a occupé notre horizon depuis le 11 septembre 2001. Il faut bien reconnaître que cette disparition, pour symbolique qu’elle est, n’est qu’anecdotique au regard des risques et des enjeux liés au terrorisme dans le monde. Le terrorisme n’est pas mort et il reste le moyen le plus efficace pour mener une guerre asymétrique, une guerre sans arme stratégique traditionnelle. Penser que le terrorisme est en déclin serait une erreur.


Ont été également négligés l’observation des capacités de mobilisation offertes aux contestations par les réseaux sociaux et, de manière générale, le Web 2.0, dit « participatif ». Nouveau territoire de contestation et d’activisme démocratiques mais aussi de délinquance et de crime, le « cybermonde » n’a pas encore modifié nos modèles stratégiques : ce retard doit impérativement être rattrapé pour parvenir à une juste évaluation des situations de crise, en particulier sur la scène internationale.



Que dire des catastrophes naturelles et industrielles qui ont capté notre attention durant l’année 2011. Fukushima et Irène1 nous ont apporté matière à réflexion et il faut bien reconnaître que pour la première le monde a été surpris. Qu’un pays moderne, parmi les plus avancés sur de nombreux champs, ait pu se trouver ainsi pris au dépourvu pour n’avoir pas anticipé un tel événement montre combien il reste beaucoup à faire pour prévenir et agir. Mais sommes-nous certains d’en connaître les causes réelles au-delà des causes naturelles apparentes ? Le Japon est-il un pays organisé aux structures, y compris de gouvernance, efficaces et bien gérées par des experts ou des professionnels conscients de leurs responsabilités ? L’analyse du déroulement de la catastrophe de Fukushima remet en cause toutes nos certitudes à cet égard.

Enfin, et pour compléter cette énumération, les leçons que nous avons tirées de la crise de la grippe H1N1 ont conduit le gouvernement français à construire un modèle de gestion de crise dont la plasticité permet de penser que nous sommes en mesure d’affronter des événements de nature diverse avec plus de chance d’élever le niveau de résilience des organisations publiques et privées utiles à la vie de la Nation. Car s’il semble ne plus y avoir de menaces à nos frontières, il est certain qu’il n’y a plus de frontières aux menaces et aux risques.



Analyser les signaux faibles

Les difficultés d’analyse stratégique, qui renvoient souvent, pour ne pas dire toujours, à une difficulté de traitement de l’information, trouvent plus leur fondement dans des chaines causales intellectuelles et psychologiques que dans un déficit de moyens technologiques ou financiers. C’est donc vers une plus grande capacité à analyser correctement les signaux les plus faibles qui s’offrent à notre regard qu’il faut tendre. La question n’est pas de savoir ce que nous ne voyons pas mais d’accepter ce que nous pouvons parfaitement discerner. La solution à cette difficulté réside dans la fécondation des perspectives les unes par les autres, ce qui impose un travail commun entre des compétences et des spécialistes extrêmement divers.
Terrorisme, cybercriminalité, réseaux criminels de type mafieux ou rompus à l’hyper violence, catastrophes naturelles et sanitaires, vulnérabilités de nos organisations qui diminuent d’autant le niveau de résilience de notre société face à ces défis sont les enjeux principaux que doivent relever les pouvoirs publics dans leur rôle de protection des citoyens et, partant, de notre démocratie.

La volonté exprimée en 2008, dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, de s’affranchir des limites anciennes entre le national et l’international, le militaire et le civil, l’enquêteur ou le diplomate est plus que jamais d’actualité. Considérant la transversalité et l’interdépendance des composantes de la posture de sécurité par homothétie des formes prises par les menaces, les risques et les vulnérabilités qui se recombinent en permanence à la manière d’un virus mutant, le concept de sécurité nationale doit pouvoir évoluer dans ses objectifs. Il prend ainsi la succession de celui de sécurité globale dont les perspectives relevaient d’une époque révolue.
Puisque le monde se réorganise au sein de vastes interdépendances, il s’avère totalement artificiel de vouloir segmenter les problèmes, tant dans leur analyse que dans leur résolution. En effet, les évolutions constatées partout dans le monde et sur tous les champs, depuis 2008, plaident pour un réexamen permanent de la stratégie de sécurité nationale avec notamment pour objectif de donner à l’État la capacité, d’une part, de lire la conjoncture sans se reposer uniquement sur les leçons ou les normes du passé et, d’autre part, d’imaginer des outils adaptés.

Cette transversalité et cette interdépendance entre menaces, risques et vulnérabilités, interpellent sur la pertinence de stratégies de réponses de plus en plus exhaustives et complexes. Peut-on tout prévoir dans un monde où les dangers de toutes natures sont de plus en plus interdépendants et transnationaux ?

1 L’ouragan Irène est passé sur la côte est de l’Amérique du Nord à la fin du mois d’août 2011, faisant près de 40 morts.




Dossier extrait de la revue Préventique n°121 janvier/février 2012

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