La santé au travail en constante évolution

La santé au travail en constante évolution
DOSSIER
ORGANISATION DE LA PREVENTION || Management SST / 16/02/2024

En 1948, l’Organisation Mondiale de la Santé a défini la santé comme un état complet de « bien-être physique, mental et social », qui ne se limite « pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». C’est une avancée majeure car elle pose les bases d’une approche intégrant les paramètres socio-économiques et environnementaux dans la compréhension de l’état de santé.

Contexte et enjeux

Santé au travail

Comment définir la santé au travail ?

En 2006, l’Organisation internationale du travail adopte une convention sur la santé et la sécurité au travail. L’OIT fait du principe de prévention une priorité absolue. Dès l’article 1er, elle prône une culture de prévention où « le droit à un milieu de travail sûr et salubre est respecté » au moyen d’un « système de droits, de responsabilités et d’obligations » mis en place par le gouvernement, l’employeur et les salariés. Plus récemment, en 2022, l’OIT a fait du « travail sûr et salubre », un principe et un droit fondamental au travail. Aujourd’hui, on considère que la santé au travail regroupe l’ensemble des actions de prévention ainsi que la gestion des risques et maladies professionnelles.

Contexte actuel des défis liés à la santé au travail

À l’aune de la crise sanitaire de 2020, le 4e Plan Santé au Travail du gouvernement a fixé de nouveaux objectifs à atteindre qui s’articulent autour de 3 axes majeurs : encourager le développement d’une approche décloisonnée de la santé (santé publique, santé au travail, santé-environnement), anticiper les crises pour mieux les gérer et développer la recherche en améliorant les connaissances sur les risques émergents. En effet, la pandémie de Covid-19 a rebattu les cartes et a souligné l’importance de la gestion de la santé et de la sécurité au travail (S&ST). S’ajoutent de nouveaux facteurs à prendre en compte comme le changement climatique, la démocratisation du télétravail, l’attention portée au bien-être mental et le développement de modèles d’emplois flexibles.

Un cadre normé et législatif

Cadre législatif

Les normes ISO

Selon l’OIT, plus de « 7 000 personnes perdent chaque jour la vie des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ». Des normes références baptisées ISO définissent le cap à suivre dans le domaine de la santé. Elles ont été élaborées et définies par l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO). Il en existe de différentes natures : la norme ISO 45001 concerne les organisations « soucieuses d’améliorer la sécurité de leurs employés, de réduire les risques sur le lieu de travail et de créer des conditions de travail meilleures et plus sûres ». Mais la souffrance au travail peut se lire à d’autres niveaux. En effet, l’ISO 45003 est une norme internationale qui fournit des lignes directrices pour la gestion des risques psychosociaux. Moins visibles mais tout aussi délétères. Et en augmentation.

Le DMST, un outil de suivi essentiel pour les employés

Du côté du salarié, le dossier médical en santé au travail (DMST) constitue un outil essentiel de prévention et de traçabilité des expositions professionnelles rappelle l’INRS. Le travailleur a accès à son DMST à tout moment. « Pour exercer ce droit, il n’a pas besoin de motiver sa demande. Le salarié doit être informé, lors de la création de son DMST de son droit de s’opposer à l’accès de celui-ci ». Ainsi, l’employé est impliqué dans son propre suivi.

Quelles responsabilités pour les employeurs ?

En France, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des travailleurs (article L. 4121-1). Son action se joue à trois niveaux : actions de prévention, actions d’information et de formation, et, enfin, organisation adaptée. « En cas de non-respect de ses obligations, sa responsabilité civile et/ou pénale peut être engagée ».
Selon l’article L4622-2 du Code du Travail, les services de prévention des risques professionnels préservent la santé au travail des travailleurs. Ces SPST sont la pierre angulaire dans la bonne conduite d’une politique en matière de prévention des risques professionnels. Ils « accompagnent employeurs, employés et représentants dans cette démarche ». Pour les effectifs inférieurs à 500 salariés suivis, l’adhésion à un SPST est d’ailleurs obligatoire. À partir de 500 salariés et au-delà, l’employeur peut mettre en place un service autonome ou adhère à un SPST Interentreprises. Les actions menées (campagnes de vaccination ou dépistage, dispositif de veille sanitaire, promotion de la santé au travail…) sont consignées dans un rapport annuel d’activité rédigé par le chef de service comme le stipule l’article L. 4622-16 du Code du Travail. Pour les SPST dites autonomes, ce rapport est présenté au Comité Social et Economique en vertu de l’article D. 4622-55 du Code du Travail. L'employeur doit veiller à la santé de ses travailleurs. Mais pour ce faire il doit évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail. Cette évaluation figure parmi les principes de prévention énoncé dans le Code du travail (articles L.4121-2 et L.4121-3).

Evaluation des risques

Evaluer les risques

Evaluer les risques pour assurer la bonne santé de ses équipes

L'évaluation des risques professionnels (EvRP) identifie les risques auxquels sont soumis les salariés d'un établissement. Elle est à l’origine de toute démarche de prévention en santé au travail et englobe des actions d’identification et de classement des risques ainsi que la mise en place d’actions de prévention dans leurs dimensions « techniques, humaines et organisationnelles ». Les résultats de l’EvRP doivent être transcrits dans un "document unique" (articles R. 4121-1) aussi appelé DUERP. Ce document doit être mis à la disposition des travailleurs, des membres du CSE, de l'Inspection du travail et de la sécurité sociale ainsi que des inspecteurs de la radioprotection. Son affichage est obligatoire. L’absence de formalisation des résultats de l’évaluation des risques est « passible d’une amende de 1500 euros (3000 euros en cas de récidive) ». Pour les entreprises de moins de 50 salariés, le Duerp doit être suivi d’un calendrier de mise en œuvre.

Méthodes d'évaluation des risques

Préparer l’évaluation des risques, identifier ceux-ci, les classer puis proposer des actions de prévention sont les quatre axes principaux à mettre en place pour un diagnostic complet. Afin d’aider les petites entreprises à établir leur évaluation des risques, l’INRS développe des applications « guides » grâce au logiciel appelé OiRA (Online Interactive Risk Assessment). « Ces applications proposent des solutions de prévention adaptées pour construire un plan d’action efficace ». Des programmes régulièrement mis à jour et élaborés avec le concours de l’INRS et la CARSAT entre autres organismes.  

La santé mentale en quelques chiffres

La santé mentale est un indicateur d’un environnement de travail sain. Selon le dernier baromètre d’Empreinte Humaine de novembre 2023, 48 % des salariés interrogés sont en détresse psychologique, soit 4 points de plus qu’en février 2023. Plus inquiétant, 17 % d’entre eux sont dans un niveau de « détresse psychologique élevé ». Près de 70 % des salariés considèrent qu’il existe même un lien entre leur santé psychologique et leur travail. Chez les employés en recherche de sens dans leur travail (soit 70 % d’entre eux), on constate deux fois plus de détresse psychologique. Toujours selon l’étude, on distingue quatre segments fortement touchés par les risques psychosociaux (RPS) : les femmes sont les plus touchées (49%), les managers (44 %) et les jeunes de moins de 29 ans (55 %). Mais aussi les plus de 60 ans. Quant à la dépression, selon une étude OpinionWay de 2023, celle-ci touche près de 2,5 millions de Français. Le burn-out ou épuisement professionnel concernerait 12% des salariés interrogés.

Des entreprises en retard

Malheureusement, Empreinte Humaine observe que « la sécurité psychologique reste faible ». En effet, moins d’un salarié sur deux déclare que son entreprise a mis en place un plan d’action de prévention des RPS. Selon les salariés cet échec s’expliquerait par le manque d’intérêt des managers et de la direction générale. L’arsenal légal serait également trop faible et pas assez contraignant envers les employeurs pour protéger la santé mentale des salariés. De manière générale, « du point de vue des salariés, les mesures en matière de prévention des RPS ne sont pas suffisantes, alors qu'elles sont de plus en plus attendues par eux/elles », indique le baromètre.

Les bienfaits d’une meilleure prise en compte de la santé au travail

Qualité de vie au travail

De l’importance de la sensibilisation des employés

Il est établi que des effectifs informés sont mieux équipés pour prévenir et traiter les risques sur la santé. Dans le cas de la prévention des RPS, la sensibilisation et la formation des employés et managers revêtent un caractère crucial. Parmi les thématiques à aborder lors des formations en lien avec ce sujet on peut suggérer :  la gestion du stress, la communication interpersonnelle, la reconnaissance des signes précurseurs de troubles psychologiques.

La qualité de vie au travail (QVT), un volet essentiel

La qualité de vie au travail désigne les différents programmes mis en place par les entreprises pour améliorer le confort de leurs collaborateurs en vue d'accroître à la fois leur bien-être et leur performance professionnels. La QVT englobe « la qualité de vie au travail vise d’abord le travail, les conditions de travail et la possibilité qu’elles ouvrent ou non de faire du bon travail dans une bonne ambiance, dans le cadre de son organisation », comme le défini l’Accord National Interprofessionnel sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (ANI) du 19 juin 2013. La santé au travail est l’une des six dimensions de la QVT.
Un esprit sain dans un cadre sain ou équilibré génère satisfaction et motivation chez les salariés. Cet état produit une série de bienfaits pour l’entreprise : sa productivité peut s’en trouver améliorer, elle permet la fidélisation et une meilleure implication de ses salariés, elle contribue à lutter contre l’absentéisme et permet au salarié de se projeter au sein même de son entreprise. A noter que 40% des arrêts maladies sont liés à la santé mentale. Les entreprises ont donc tout à gagner à mieux considérer cette problématique.

Des outils pour améliorer l’environnement de travail

La productivité et la performance des équipes sont directement liées à la manière dont les employés sont traités. L’INRS fournit des outils précis comme le questionnaire « SATIN » destiné aux moyennes et grandes entreprises. Ce questionnaire collecte et identifie les tensions et pose des diagnostics. Il peut être utilisé « dans tous les lieux de travail (entreprises privées, services publics, collectivités), et dans tous les secteurs d'activité », garantit l’institut. L’INRS propose aussi un soutien avec la démarche d’intervention qui accompagne les structures de moins de cinquante salariés dans la mise en place d’une politique de bien-être et de réduction des risques psychosociaux. Cette démarche part des « tensions constatées au sein de l’entreprise ». Grâce à cette approche, elle replace les modes d’organisation et les rapports sociaux au centre de la stratégie.

Pour en savoir plus :

 

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