Romain Bendavid - IFOP : « Le sentiment de faire un travail qui fait sens a pris beaucoup d’ampleur »

« Le sentiment de faire un travail qui fait sens a pris beaucoup d’ampleur »

MANAGEMENT RH / QVT || Risques psychosociaux
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08/02/2021
Romain Bendavid  - IFOP
Romain Bendavid
Directeur de l’Expertise Corporate et Climat Social - Opinion & Stratégies d’Entreprise
IFOP

2020 a été vécue comme une année de bouleversements et notamment celui du rapport des salariés français à leur travail. L’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) a compilé plusieurs enquêtes menées auprès des acteurs clés du monde du travail (salariés, cadres, dirigeants…). Romain Bendavid de l’IFOP revient pour nous sur les résultats de cette synthèse.

2020 a été synonyme de changements, mais est-ce que cela a impacté la relation des salariés français a leur travail ?
Nous constatons que la confiance des salariés envers leur employeur s’est maintenue tout au long de l’année écoulée. Cette confiance est historiquement assez forte, l’engagement des salariés à l’égard de l’entreprise est fort. Mais ce qui nous a plus surpris c’est que cette confiance fasse quasiment consensus sur des enjeux assez périlleux, comme le maintien de l’emploi et le respect des gestes barrière en entreprise. Ces enjeux auraient pu susciter des doutes ou des inquiétudes.
La confiance des salariés se porte davantage sur les performances externes de l’entreprise. Les salariés pensent que leur entreprise offre des services de qualité, ils ont confiance dans la manière dont l’entreprise est pilotée, dans sa performance, son lien avec ses clients. Cette confiance est tout de fois moins soulignée sur les enjeux internes.

Votre enquête revient sur le poste de manager qui a été assez éprouvé. Quel rôle a-t-il eu dans cette crise ?
Le rôle des managers a vraiment été central. Si je schématise, je dirai qu’ils ont fait le lien entre la direction et l’ensemble des salariés. Avec le télétravail, il y avait une obligation de maintenir une espèce de lien qui n‘est plus naturel, même avec ceux qui sont restés présents sur site et qui ont besoin d‘encouragements et de certaines garanties. Il y a eu une extension du rôle de manager – qui n’était plus seulement organiser le travail -, il devient psychologue du quotidien pour connaître le moral des troupes et les rassurer.
Le manager n’était plus forcément en position leader mais plutôt en psychologue du quotidien, il est au centre de son équipe, plutôt que devant. Il est aussi garant du bien-être de ses collaborateurs.
En contrepartie, tout ceci a suscité chez eux aussi une fatigue et une charge mentale assez lourde à la fin de l’année. Ils ont fait preuve de beaucoup de résilience, ils sortent de 2020 épuisés. C’est donc important qu’ils se voient reconnaitre la fonction qu’ils ont eu.

Est-ce que les salariés aussi s’attendent à une reconnaissance ?
Oui, les salariés veulent notamment une reconnaissance de leur travail, et que l’entreprise se préoccupe de leurs enjeux.
Mais les études montrent surtout que les salariés mettent en avant la prise en compte de leur bien-être par leur employeur. Ce qui comprend les conditions matérielles, le sens que l’on donne à son travail, la possibilité de s’épanouir à travers son travail… La qualité de vie au travail est un enjeu qui monte et plus spécifiquement auprès des jeunes générations. A partir du moment où un salarié passe une partie de son temps en entreprise, il a envie d’avoir le sentiment de faire un travail dans lequel il s‘épanouit. Et ce, notamment parce que l’épanouissement autre, par les voyages, les sorties, etc, devient impossible.

Cette volonté de donner du sens à ce que l’on fait n’est pas nouveau, si ?
Non, mais la crise sanitaire a été un catalyseur de cette tendance. Le sentiment de faire un travail qui fait sens qui a pris bcp d’ampleur. On le voit surtout chez les jeunes générations pour qui ce critère est au-delà des aspects salarial, hiérarchique… Ils sont plutôt sur des enjeux sociétaux : à quoi je sers ? Est-ce que je suis utile ?