Expertise du CHSCT : panorama du contentieux 2012

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10/05/2012
Dans ce contentieux en plein développement, 4 décisions récentes illustrent l’importance grandissante du CHSCT dans la conduite de la politique sociale et organisationnelle de l’entreprise

 

Dans ce contentieux en plein développement, 4 décisions récentes illustrent l’importance grandissante du CHSCT dans la conduite de la politique sociale et organisationnelle de l’entreprise.

 

1. Mise en place d’un dispositif de contrôle des salariés (dépistage de stupéfiants) :
La Cour de cassation considère que l’introduction dans le règlement intérieur de dispositions permettant de procéder au dépistage (préventif et sans intervention médicale) de produits stupéfiants par test salivaire par l’encadrement avec une possibilité de contre-expertise constitue un « projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » au sens des articles L4612-8 du Code du travail, à partir du moment où il a pour objet de contrôler l’activité des salariés ou agents et à les exposer à des sanctions disciplinaires en cas de dépistage « positif » (Cass. Soc. 8 février 2012, 1er arrêt).
Dès lors, le CHSCT doit être informé et consulté et a la faculté de recourir à un expert agréé dont le coût de la mission est à la charge de l’employeur, peu important que l’expertise puisse présenter un caractère non pertinent ou inutile.

 

2. Réorganisation des outils technologiques (évolution d’un parc informatique) :
La qualification juridique du « projet important de nature à modifier les conditions de santé et de sécurité des salariés ou leurs conditions de travail » justifiant l’expertise du CHSCT est appréciée au cas par les juges, qui doivent ainsi caractériser l’impact précis en termes de santé, de sécurité et/ou de conditions de travail sans s’arrêter au seul nombre de salariés concernés.
Par exemple, un projet consistant uniquement à déployer de nouveaux logiciels et à fournir des ordinateurs portables aux consultants intervenant auprès de clients extérieurs, sans que ces modifications n’entraînent de répercussions importantes sur leurs conditions de travail en termes d’horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition, ne constitue pas un projet important au sens de l’article L4614-12 du Code du travail (Cass. Soc. 8 février 2012, 2e arrêt).
En pratique, il convient toutefois d’être prudent, car de simples changements des conditions de travail, mineurs en apparence, peuvent souvent impliquer des effets ou contraintes indirectes significatives pour les salariés, qu’il faut bien mesurer en amont… d’où la nécessité d’une approche intégrée des questions de santé et sécurité dans toute prise de décision individuelle ou collective.

 

3. Réorganisation interne (regroupement provisoire de plusieurs services) :
Le fait de fusionner 2 services, en les regroupant dans un même local dans l’attente d’un déménagement peut constituer un « projet important », peu important que cette situation ne soit que provisoire et que l’effectif concerné soit très réduit en regard de celui de l’entreprise (26 salariés sur 1000 en l’espèce – Cass. Soc. 26 janvier 2012, 1er arrêt).
Les juges doivent caractériser si justement cette coactivité n’entraîne pas de conséquence potentiellement significative en termes de santé, de sécurité et/ou de conditions de travail. Dans l’affirmative, le CHSCT a droit de recourir à l’expert agréé qui peut formuler des préconisations organisationnelles utiles pour la conception du projet et une prévention optimale des risques.

 

4. Modification dans l’organisation du travail de nature à créer un risque grave en matière de santé mentale :
Le « risque grave constaté dans l’établissement » constitue un second cas de recours à l’expert agréé du CHSCT, à côté de la notion de projet important.
Il s’agit également ici d’une appréciation au cas par cas, la jurisprudence considérant que le risque doit être réel au sens d’identifié et d’actuel (cf. Cass. Soc. 26 janvier 2012, 2e arrêt).
Tel peut être le cas d’un alourdissement de la charge de travail consécutif à des réductions d’effectifs et à l’ouverture de nouvelles agences ajouté à des modifications profondes dans l’organisation du travail liées à la mise en place d’un nouveau système informatique, entraînant d’importantes répercussions sur l’état de santé mentale des salariés (augmentation de l’absentéisme, stress, syndromes dépressifs relevés par le médecin du travail).
Plus généralement, le développement du phénomène des risques dits « psychosociaux » (RPS) peut venir entraver le déploiement de réorganisations aussi bien en amont sous l’angle du projet important affectant la santé qu’en aval, sous l’angle du risque grave révélé.

Pour éviter une expertise coûteuse et fréquemment susceptible d’aboutir à un rapport « à charge » contre l’organisation mise en place, voire même d’entraîner la suspension judiciaire des opérations en référé au titre de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur (cf. Cass. Soc. 5 mars 2008), celui-ci a intérêt :

  • A bien intégrer cette dimension de santé mentale (au même niveau que la sécurité « physique » des salariés ou que les aspects techniques, économiques, financiers…) dès la conception d’un projet de réorganisation, d’une part pour mener régulièrement ses procédures d’information-consultation du CHSCT et du CE, et d’autre part pour prévoir les mesures de prévention collectives et individuelles adaptées aux risques (notamment en termes de modes de management et d’accompagnement de la transition) ;
  • À négocier si besoin les modalités de l’expertise, et en cas de désaccord, à agir en justice. Attention, seule la voie judiciaire est possible si l’employeur entend contester la nécessité, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise, ainsi que la désignation de l’expert *. Cela nécessite de démontrer que les conditions légales de forme et de fond ne sont pas réunies, ou que le CHSCT a commis un abus de droit (la jurisprudence se montre toutefois assez bienveillante à son égard sachant qu’il ne dispose pas d’un budget propre et que l’employeur est en situation de « payeur obligé »).

 

* À noter que deux textes viennent d’être publiés en la matière : d’une part, le décret nº 2011-1953 du 23 décembre 2011 relatif à l’agrément des experts auprès du CHSCT qui renforce leurs obligations ; d’autre part, un arrêté du même jour fixant la liste limitative des organismes ayant qualité d’experts agréés.

 

Source :
ELLIPSE AVOCATS
http://www.ellipse-avocats.com/2012/05/expertise-du-chsct-revue-de-jurisprudence-au-1er-semestre-2012/