Les vibrations au travail sont-elles une fatalité ?

Les vibrations au travail sont-elles une fatalité ?
DOSSIER
SECURITE DE LA PRODUCTION ET DES CHANTIERS || Sécurité de la production et des chantiers / 02/02/2024

Des millions de travailleurs s’exposent tout au long de leur carrière à des risques de maladies professionnelles en lien avec les vibrations d’engins ou d’outils qu’ils manipulent. Il existe néanmoins de nombreux leviers pour s’en prémunir efficacement.

Vibrations au travail : un mal répandu et méconnu

tronçonneuse

De quoi parle-t-on ?

En 2015, dans une enquête européenne sur les conditions de travail, les maux de dos (44 %) et les douleurs musculaires du cou et des membres supérieurs (42 %) représentaient les deux premiers problèmes de santé dont ont souffert les travailleurs au cours de l’année. Et selon les derniers chiffres publiés par l’INRS, en France, on estime à plus de 2 millions le nombre de travailleurs exposés aux vibrations mécaniques. La majorité d’entre eux sont issus des secteurs du bâtiment, de la construction, de la métallurgie, de la réparation automobile mais aussi de l’entretien des espaces verts. Des activités qui nécessitent la manipulation de machines portatives tenues ou guidées à la main et qui transmettent de fortes vibrations aux membres supérieurs et au dos. Parmi ces outils mécanisés, on compte entre autres les meuleuses, perforateurs, scies, tronçonneuses, débroussailleuses, riveteuses, marteaux-piqueurs ou encore les fouloirs mécanisés qui possèdent l’un des niveaux de vibrations moyens les plus élevés. La conduite régulière d’engins constitue également une source de vibrations transmises cette fois-ci à l’ensemble du corps : tractopelle, pelle sur pneu, tombereau, décapeuse ou dumper… Mais cela ne concerne pas seulement les engins de chantiers. En effet, les engins de transport et manutention génèrent également des vibrations comme les bus, semi-remorques, chariots à fourche et les transpalettes dont le degré d’émission vibratoire est le plus élevé.

Quels risques pour la santé ?

Les vibrations auxquelles s’exposent les travailleurs ne sont pas à prendre à la légère car avec le temps elles sont susceptibles d’entraîner des lésions ostéo-articulaires, des troubles neurologiques et des troubles musculo-squelettiques (TMS) comme des tendinopathies des épaules, des lombalgies, le syndrome du canal carpien (une compression du nerf médian au poignet qui entraîne fourmillements, engourdissements, désensibilisation…), de l’arthrose au niveau du coude… Elles peuvent également déclencher le phénomène de Raynaud qui provoque un arrêt temporaire de la circulation sanguine au niveau des doigts.  Si elles ne montrent aucun risque létal, ces pathologies peuvent se montrer particulièrement invalidantes. Les tableaux des maladies professionnelles du régime général et du régime agricole (tableaux RG 69 et 97, RA 29 et 57) répertorient les affections dues à une exposition aux vibrations et définissent les contours des conditions de prise en charge pour chacune des maladies.

Quel degré d'exposition quotidienne la loi permet-elle ?

Les R. 4441-1 à R. 4447-1 du Code du Travail obligent l’employeur à limiter l’exposition des salariés à ces vibrations. Cette exposition répétée se mesure en mètre par seconde au carré (m/s2). Ainsi, la loi fixe à 2,5 m/s2 la valeur déclenchant l’action de prévention et à 5 m/s2 la limite d’exposition journalière (8 heures) pour les vibrations transmises aux membres supérieurs (mains/bras). Pour les vibrations à l’ensemble du corps, la valeur d’action, se situe à 0,5 m/s² tandis que la valeur limite d’exposition de 1,15 m/s² ne doit pas être dépassée. L’employeur est tenu d’évaluer les risques voire de mesurer ces vibrations, et de faire respecter les seuils d’exposition. Ces relevés doivent apparaître dans le document unique de l’entreprise. Le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, l’inspection du travail ou encore la Caisse régionale d’assurance maladie doivent pouvoir les consulter.

 

Des solutions organisationnelles pour se prémunir des vibrations

formation BTP

Quid de la réglementation ?

Selon le Code du Travail, si la valeur d’action est dépassée (voir plus haut) des mesures organisationnelles doivent être prises. Il faut savoir que les effets des vibrations se font sentir dès la première demi-heure d’utilisation. Il est donc important d’agir en amont soit par un aménagement du temps de travail avec la mise en place d’une rotation du personnel et l’instauration de pauses régulières. Soit par un changement de poste si le médecin du travail le juge nécessaire. Dans le cadre d’une action de prévention, l’entreprise peut également proposer des formations à ses salariés – notamment aux intérimaires - pour améliorer leurs connaissances dans les postures à adopter et les réglages à respecter.

Une réflexion tous azimuts

Pour se prémunir face à ces pathologies il existe des solutions organisationnelles à mettre en place certes. Mais si certaines relèvent du bon sens, il faut comprendre que l’évaluation des risques se joue à plusieurs échelles (type de machine, usage, temps passé, environnement de travail, opérateur…). Il incombe donc à l’employeur d’agir en contrôlant la vétusté de ses machines quitte à investir dans de l’achat de matériel plus performant, se tenir informé des préconisations établies par les constructeurs et de veiller à ce que ses employés évoluent sur des surfaces et sols adaptés. Investir dans des équipements et fournitures ergonomiques est aussi une solution dans la mesure où ils permettent une diminution des vibrations (sièges réglables, poignées anti-vibratiles, port d’une ceinture dorso-lombaire).

Des outils incitatifs destinés à l’employeur

Il existe plusieurs méthodes pour calculer l’exposition aux vibrations et évaluer les seuils détaillées ici. Cependant, certains outils peuvent aider les employeurs dans ce calcul, comme l’application en ligne Osev développée par l’INRS. Celle-ci aide à mesurer les taux vibratoires auxquels les salariés sont exposés. À partir des machines utilisées, ce logiciel estime la dose vibratoire réglementaire selon les conditions d'utilisation ainsi que de la durée journalière effective d'utilisation. L’entreprise peut également faire appel à un expert. Mais c’est à l’employeur d’élaborer un plan d’action afin de respecter la réglementation.

 

Un suivi médical complet du salarié exposé aux vibrations

suivi médical

Un salarié informé, est un salarié mieux protégé

Sur le plan médical, il existe des leviers pour améliorer la prévention des risques. Le salarié exposé aux vibrations bénéficie de trois mois suivant sa prise de fonction d’une visite d’information et de prévention (VIP), il sera reçu par un professionnel de santé. Celui-ci émettra à la fin du suivi une attestation à destination du salarié et de l’employeur. Ces visites sont un moyen pour le salarié de se tenir informé des risques auxquels il s’expose. Des visites périodiques et une surveillance médicale renforcée tous les deux ans peuvent s’appliquer si l’exposition se situe à un niveau supérieur à la valeur d’action. Nota bene, les employés de moins de 18 ans bénéficie de la VIP avant même leur affectation.

Quelle prise en charge ?

Le délai de prise en charge fixe le délai maximal entre la fin de l’exposition au risque et la première constatation médicale comme définit par l’Assurance maladie. Il est indiqué dans le tableau des maladies professionnelles et varie selon la pathologie. Pour les régimes général et agricole, il s’agit d’un délai pouvant aller d’un an (ostéonécrose) à cinq ans (arthrose du coude). Pour que la maladie professionnelle soit reconnue, des examens médicaux complémentaires sont demandés et listés dans ce tableau. Une fois la maladie professionnelle identifiée par la Caisse d’assurance maladie, le patient bénéficie d'une prise en charge totale de tous les soins liés à sa maladie.
Pour rappel selon l’Assurance Maladie, en 2015, les TMS ont représenté plus de 87 % des maladies professionnelles entraînant un arrêt de travail ou des réparations financières pour cause de séquelles.

Pour en savoir plus :

 

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