Michel Cambrelin - Groupement national multidisciplinaire de santé au travail : BTP : mieux appréhender les risques chimiques

BTP : mieux appréhender les risques chimiques

SANTE ET ENVIRONNEMENTS POLLUANTS ||
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27/09/2023
Michel Cambrelin   - Groupement national multidisciplinaire de santé au travail
Michel Cambrelin
président (médecin du travail dans le BTP)
Groupement national multidisciplinaire de santé au travail

Du 31 mai au 2 juin 2023, le Palais Pharo de Marseille accueillait les 36es Journées Nationales de Santé au Travail dans le BTP. Cet événement permet aux médecins du travail de réfléchir à des enjeux clés pour le secteur. Cette année, l’évaluation des risques chimiques était la thématique principale

En quoi consiste l’événement que vous avez organisé ?
Tous les deux ans, dans un service BTP différent, un congrès spécialisé sur les sujets de santé au travail dans le secteur est organisé. Ces congrès ont pour objectif d’étudier une thématique de façon approfondie, en partant des connaissances scientifiques fondamentales, afin d’aboutir sur des applications pratiques de terrain. Les 500 congressistes conviés doivent ressortir avec des idées pouvant les aider à améliorer leurs pratiques au quotidien.

Quel était le sujet de cette 36e édition ?
Le sujet était assez technique : « BPT : biométrologie, traçabilité des expositions professionnelles et prévention en milieu confiné ». En bref : le risque chimique dans le monde du BTP. Cette thématique n’avait pas été abordée depuis longtemps mais elle sera un challenge dans les années à venir. Nous devons réfléchir à une meilleure évaluation des risques chimiques et des expositions dans ce secteur professionnel.

Le BTP est-il concerné par ces risques ?
Le BTP est même particulièrement concerné. Le risque chimique est encore trop méconnu dans le secteur. 96 % des entreprises sont des TPE, la culture de prévention n’y est pas très avancée. Certaines utilisent parfois des produits chimiques toxiques ou dangereux pour les salariés, sans le savoir. Or, pour rappel, le BTP représente un million et demi d’employés. C’est un monde à part, avec des risques particuliers et des difficultés spécifiques en termes de suivi.

Pourquoi le secteur du BTP rend difficile l’évaluation et la prévention de ces risques ?
Les expositions à des substances dangereuses, d’un même salarié, varient. Elles ne sont pas répétitives. Dans le BTP, il n’y a pas d’ateliers fermés, de conditions de travail fixes. Les chantiers sont très mobiles, les métiers et missions variées. Les chantiers à l’air libre par exemple compliquent l’évaluation des expositions. La coactivité (plusieurs entreprises interviennent sur un même chantier, ndlr) peut aussi générer des risques importés dans l’entreprise. Tous ces facteurs de variabilité empêchent la bonne surveillance biologique du risque chimique. Ce risque n’est pas assez connu dans le BTP.

Quel bilan tirez-vous de ce congrès ?
Beaucoup de travail reste à faire : ce secteur représente 8 % des activités salariées en France, mais 19 % des accidents de travail. 5% des cancers en France, par exemple, seraient d’origine professionnelle. Mais pour lutter contre cela, et les autres maladies causées par d’autres produits chimiques, il faut savoir à quels toxiques les salariés sont exposés. On pense BTP, on pense blessures, postures, accidents… mais on ne prend pas assez en compte le risque différé, et donc le risque chimique. Nous voulions avancer dans ce domaine. Ce congrès devait booster les médecins du travail à prendre conscience de ces enjeux, et à envisager la biométrologie et la traçabilité des expositions comme de vraies solutions. Nous avons eu des échanges de haute tenue, donc tendons vers cette perspective.