QVT, management et leadership : faut-il toujours être à la mode ?

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19/02/2024

Le billet d'humeur du mois de février de Stéphanie Carpentier - Experte en Management des Ressources Humaines et Prévention en Santé au travail.


Dans le domaine des vêtements et des accessoires de mode, nous sommes entrés dans l’ère de la frugalité selon l’observatoire économique de l’Institut français de la mode. Désormais cette démarche raisonnée ou plus raisonnable s’applique également d’une certaine façon à la qualité de vie au travail (QVT) : contrainte par des normes législatives et des accords cadre avec les partenaires sociaux (les différents Plans santé au travail), elle est devenue QVCT (qualité de vie et des conditions de travail). Ainsi elle est revenue aux fondamentaux des liens de la QVT avec les pratiques de management et de leadership et les modes successives de QVT sont moins prégnantes. Pour autant, les domaines du management et du leadership sont très friands des modes. On peut donc se demander si plus de frugalité peut dorénavant s’appliquer à ces domaines, à l’instar de la QVT.

Mon parti-pris peut interroger car je viens de l’enseignement supérieur en management et transpose quotidiennement mes connaissances doctorales dans les mondes du conseil aux dirigeants et aux entreprises, des conférences et de l’édition. Or ce sont autant d’acteurs créateurs et promoteurs de nouvelles modes en QVT, management et leadership. 

Pourtant, je suis convaincue qu’à la base de chacune de ces activités, une parole de vérité est nécessaire pour avancer et traverser les épreuves surtout dans un environnement si incertain. Il faut donc reconnaître qu’en management et leadership, différentes modes se succèdent depuis des années et à un rythme de plus en plus rapide en se basant sur la conjonction de trois phénomènes : 

  • le mimétisme : par rapport à une croyance dominante à un moment donné mais qui change toujours plus vite,
  • le conformisme : face aux premières organisations ayant déjà adopté la nouvelle mode, au risque d’être déjà « has been » à peine la mise au goût du jour effectuée,
  • et la quête de légitimité des dirigeants : ils pensent en effet souvent l’acquérir par l’adoption de cette nouvelle norme, sans se rendre compte que cela mine paradoxalement la crédibilité de leur leadership (pas de transmission de vision stratégique quand c’est la mode qui décide de la stratégie !)

Si les travaux de deux chercheurs à l’Université de Berkeley - Haas School of Business montrent que les managers ayant introduit ces modes managériales obtiennent de meilleurs salaires et une certaine légitimité interne et externe, ils indiquent également que les entreprises ayant adopté des techniques de gestion populaires n’obtenaient pas de meilleures performances économiques même si elles bénéficiaient toutefois d’une meilleure aura auprès des différentes parties prenantes. Or la QVCT est déjà source de légitimité, d’aura et de performance sans être considérée comme une mode éphémère. 

Pour l’intérêt général, suivons donc avec prudence les modes en management et leadership et développons davantage la QVCT : certes, ne pas propager une mode, c’est prendre le risque de se ringardiser mais le faire sans avoir le recul nécessaire pour en éviter les effets désastreux à moyen et long termes est bien plus dangereux. Ainsi, misons davantage sur la QVCT : là au moins nous savons qu’il s’agit d’un indémodable et d’un investissement profitable à court, moyen et long termes.

 

Pour aller plus loin :

  • Staw, Barry & Epstein, Lisa. (2000). What Bandwagons Bring: Effects of Popular Management Techniques on Corporate Performance, Reputation, and CEO Pay. Administrative Science Quarterly – 45 (3). 523-556.