Pascale SCANFF - IRSN : En 2010, plus de 330 000 travailleurs... susceptibles d’être exposés à des sources artificielles de rayonnements ionisants et 20 000 à des sources naturelles.

En 2010, plus de 330 000 travailleurs... susceptibles d’être exposés à des sources artificielles de rayonnements ionisants et 20 000 à des sources naturelles.

|| Sûreté - Malveillance
/
11/04/2012
Pascale SCANFF - IRSN
Pascale SCANFF
Chef de l’Unité de Suivi et d’analyse des Expositions Professionnelles (USEP)
IRSN
L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire élargit son domaine d’activité traditionnel pour s’intéresser aux risques professionnels et soutenir ainsi les employeurs et médecins du travail notamment à travers le suivi de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants. Explications avec Pascale Scanff, chef de l’Unité de Suivi et d’analyse des Expositions Professionnelles (USEP).


Préventica - On attend davantage l’IRSN sur le terrain du nucléaire en général que sur celui des risques professionnels. Et pourtant, plusieurs unités de l’Institut interviennent dans ce champ. Que faites-vous pour les entreprises en la matière ?

Pascale SCANFF - L’IRSN, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire couvre, comme son nom l’indique, le risque nucléaire au sens large, incluant la sûreté des installations nucléaires et la radioprotection, c’est à dire la protection des personnes contre les rayonnements ionisants. Trois groupes d’individus sont considérés : la population générale, les patients (ceux qui bénéficient d’examens médicaux utilisant les rayonnements ionisants ou ceux traités pour un cancer, par exemple) et, enfin, les travailleurs qui peuvent être exposés dans le cadre de leur activité professionnelle. Il était donc logique que l’Institut se préoccupe de risque professionnel, en termes de protection, mais aussi de prévention (les deux vont de pair).
Les 1 800 salariés, experts, ingénieurs, chercheurs, physiciens, chimistes, géologues, médecins, biologistes, épidémiologistes…, agissent de plusieurs manières, mais toujours avec le même but : développer la recherche et mener des études pour maintenir et développer les compétences nécessaires à l’expertise dans les domaines d’activité de l’Institut. L’IRSN assure des missions de service public, dont l’une d’entre elles consiste à assurer une veille permanente en matière de radioprotection et notamment de radioprotection des travailleurs. À ce titre, l’Institut centralise les données de la surveillance de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants et gère le registre national SISERI (Système d’Information de la Surveillance des Expositions aux Rayonnements Ionisants).
L’IRSN exploite ces données et en dresse annuellement un bilan : élaboré pour les pouvoirs publics (Direction Générale du Travail -DGT, Autorité de Sureté Nucléaire –ASN, Délégué à la sureté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense -DSND), ce bilan est publié sur notre site Internet.
Nous mettons nos compétences au service des employeurs, médecins du travail et personnes compétentes en radioprotection (PCR) : à la demande de l’employeur, nous intervenons pour évaluer le risque et réaliser des études de poste, en particulier sur des cas complexes nécessitant un point de vue d’expert. L’Institut propose également des prestations pour assurer la surveillance de l’exposition des travailleurs : dosimétrie externe, mais aussi évaluation de l’exposition interne depuis les analyses individuelles permettant de détecter cette exposition jusqu’au calcul de la dose engagée.
Par ailleurs, l’Institut en sa qualité de gestionnaire du registre national des données du suivi de l’exposition des travailleurs, met à disposition des acteurs de terrain de la radioprotection (médecins du travail et PCR), les informations dosimétriques des travailleurs qu’ils suivent, via le système SISERI.
Enfin, nous avons aussi un rôle de conseil, d’information vis-à-vis des différents acteurs de la radioprotection sur le terrain et de formation (l’IRSN possède un département enseignement).

Prév. - Revenons à ces bilans que vous publiez chaque année. Quel est l’impact de tels travaux ?
P.S. - Le premier objectif de notre synthèse annuelle est de faire un état des lieux exhaustif de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants en France. En 2010, plus de 330 000 travailleurs, dans différents secteurs d’activités ont été suivis, car susceptibles d’être exposés à des sources artificielles de rayonnements ionisants (nucléaire, industrie, recherche, médecine, activités de défense) et 20 000 à des sources naturelles (aviation, industries confrontées à la présence sur le lieu de travail de radionucléides naturels non utilisés pour leurs propriétés radioactives).
La réglementation impose une surveillance dosimétrique de ces travailleurs dont l’exposition doit rester en deçà de valeurs limites.
Le but de notre surveillance est de s’assurer non seulement du respect des valeurs limites annuelles d’exposition (20 mSv en dose efficace, 500 mSv en dose équivalente aux extrémités et 150 mSv en dose équivalente au cristallin), mais aussi d’analyser les niveaux d’exposition en fonction des domaines et secteurs d’activité des travailleurs.
Ce rapport annuel est demandé par les pouvoirs publics qui souhaitent une connaissance précise de la situation pour pouvoir prendre les mesures de prévention adéquates, voire faire évoluer la réglementation. Elle est également utile aux professionnels de la santé en entreprise, aux experts en radioprotection.

Prév. - La surveillance des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants est-elle suffisamment connue et comprise par les préventeurs ou médecins du travail ?
P.S. -La fréquence annuelle de cette étude permet de constater que la situation s’améliore d’année en année : l’exigence de la réglementation française (transposée de la réglementation européenne, plus stricte sur certains points) a eu une influence positive sur le développement de la prévention des risques.
La surveillance est bien maitrisée, depuis longtemps, par les médecins du travail et professionnels œuvrant notamment dans l’industrie nucléaire – les premiers décrets relatifs à la radioprotection des travailleurs datent de 1966. En revanche, il est plus difficile pour un médecin du travail qui n’est que rarement confronté au risque radiologique de s’y retrouver dans l’imposante et complexe législation en la matière. Dans les entreprises, les médecins et services de santé suivent des travailleurs exposés parfois à de multiples risques et il n’est pas évident d’être spécialiste en tout !
Lors de notre première participation à Préventica, de nombreux médecins du travail et préventeurs sont venus nous interroger à ce sujet : ils sont parfaitement conscients de la problématique, de l’étendue de la réglementation, de leurs lacunes. Notre mission est ainsi de leur donner les premières clés pour s’y retrouver.

Prév. - À ce titre, vous présentez une synthèse du suivi de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants lors du Congrès de Préventica Strasbourg à la fin du mois de mai. Expliquez-nous.
P.S. - Cet exposé a pour objectif d’apporter aux médecins du travail et préventeurs présents à Préventica un éclairage très concret du suivi de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants. Ainsi, après un rappel des principaux aspects réglementaires, nous expliquerons très concrètement comment mettre en place la surveillance d’un travailleur soumis à des rayonnements (qui surveiller ? Quel type de dosimétrie mettre en œuvre ?...) et donnerons des informations sur le traitement des données de surveillance ainsi collectées.
Enfin, nous présenterons le système SISERI (centralisation nationale des données) et présenterons le bilan de ces expositions au niveau national avec les secteurs d’activité dans lesquels les travailleurs sont les plus exposés.

Prév. - Cette nécessaire communication sur le suivi des expositions aux rayonnements explique-t-elle votre participation au Congrès / Salon Préventica Lyon 2011 ?
P.S. - Bien sûr ! De par mon activité, je suis souvent en contact avec les médecins du travail et les personnes compétentes en radioprotection. Je me rends parfaitement compte de l’importance de communiquer sur ce point : une meilleure connaissance du dispositif national de radioprotection et du suivi de l’exposition permettra d’améliorer le système de prévention et donc de protection. C’est également une opportunité de faire connaître l’étendue de l’expertise de l’IRSN et le panel de nos prestations en la matière. Nous sommes experts publics sur le sujet, mais tout le monde ne le sait pas.
Notre participation à Préventica l’an dernier nous a confrontés aux demandes des acteurs de la prévention dans les entreprises et à leurs questionnements : cette première expérience nous permet désormais de mieux répondre à la demande des visiteurs, tous secteurs confondus.