Élise Fosset-Lagoszniak - Aract Île-de-France : Après l’urgence, la transition numérique doit se structurer dans les organismes de formation

Après l’urgence, la transition numérique doit se structurer dans les organismes de formation

ORGANISATION DE LA PREVENTION ||
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16/03/2022
Élise Fosset-Lagoszniak  - Aract Île-de-France
Élise Fosset-Lagoszniak
Chargée de mission
Aract Île-de-France

Comme pour l’ensemble des entreprises, la crise sanitaire a forcé les organismes de formation à adopter de nouveaux outils, de nouvelles formes d’organisation et à mieux intégrer les outils numériques. Une structuration qui doit maintenant se pérenniser selon Élise Fosset-Lagoszniak.

Vous avez récemment animé un webinaire sur la "Transformation numérique dans les organismes de formation". Quels ont été vos constats sur cette transition et ses impacts ?
La crise sanitaire a vraiment eu un effet d’accélérateur pour les organismes de formation. C’est un secteur d’activité où le cœur de métier et les services eux-mêmes font l’objet d’une numérisation ou d’une transformation, et les organismes avaient des niveaux de maturité très hétérogènes sur cette question. Lors du début de la crise, les formations en présentiel se sont arrêtées de façon brutale et il a fallu s’adapter dans l’urgence pour répondre aux attentes et assurer la continuité pédagogique. Presque toutes les entreprises ont vécu une situation similaire, mais la particularité des organismes de formation, c’est qu’il n’y a pas de retour « comme auparavant ». Désormais, il est nécessaire de passer d’une période avec des solutions adoptées dans l’urgence à une transformation plus ancrée dans la stratégie de l’organisme, et un vrai questionnement sur la place que l’on souhaite donner au numérique dans son offre de formation.

Les évolutions récentes du CPF et ses accès numériques ont permis un plus grand éparpillement géographique, avec une ouverture de la relation entre les stagiaires et les organismes. La certification Qualiopi obligatoire a également amené la nécessité d’avoir un cadre précis, des traces complètes, et une préparation de modules numériques très soignés. Donc cela a poussé à une réelle structuration. Mais ces éléments sont venus alimenter un contexte plus général de besoin de passer à plus de numérique dans la formation professionnelle.

Quels sont les impacts sur les conditions de travail de cette transformation numérique dans les organismes de formation ?
En termes d’impacts, il y a deux grands volets. Tout d’abord, la transition numérique est venue transformer l’organisation du travail dans les organismes de formation comme dans toute autre entreprise. Récemment, nous avons pu voir avec le télétravail et la mise en place du travail à distance tous les enjeux autour des conditions de travail que cela pose. Ces dernières sont dépendantes du domicile du travailleur, de l’espace qu’il possède, des équipements mis à disposition par l’employeur… Le télétravail a aussi créé un éloignement au sein des collectifs de travail, et donc un éloignement de la relation avec ses collègues ou le manager.

Le deuxième volet, ce sont les impacts sur le contenu du travail. Avant même la crise sanitaire, l’arrivée du numérique a eu un effet important sur les fonctions supports et administratives des entreprises, avec une demande de plus en plus forte de la part des commanditaires de traces et d’outils numériques pour rendre compte de l’activité des organismes. Cela ajoute une charge de travail. Plus globalement, le numérique a créé une surabondance informationnelle, avec de très nombreux canaux de sollicitation : mails, chats, bases de données partagées, etc. Cela ajoute une complexité au travail et une charge mentale importante si ce n’est pas bien accompagné. On voit également se creuser un fossé numérique et des écarts dans les organisations entre « ceux qui savent faire » et « ceux qui ne savent pas » ; d’où l’importance d’un accompagnement précis.

Pour les organismes de formation, la transition numérique vient aussi bousculer l’identité professionnelle des formateurs, mais aussi du personnel administratif au contact des stagiaires. Non seulement par les formations à distances, mais aussi avec la présence de plus en plus soutenue du numérique dans les formations en présentiel.

Comment mieux intégrer cette transition au sein des organisations ?
J’ai beaucoup parlé des effets délétères, mais il y a aussi des effets d’opportunité. Le télétravail permet d’effectuer moins de déplacements, de parfois mieux articuler vie professionnelle et vie privée, d’être plus souple dans l’organisation... Cela crée aussi de nouveaux enjeux managériaux, avec plus d’autonomie pour les travailleurs. C’est l’occasion de repenser le management et de rediscuter la question des objectifs de travail. Le numérique apporte aussi parfois la simplification de certains process, surtout dans les organisations qui étaient très attachées au papier.

Les pistes d’action qui sont très importantes pour nous, au sein du réseau Anact-Aract, consistent à faire du numérique un levier de qualité de vie au travail. Pour cela, il faut créer une démarche participative et impliquer les futurs utilisateurs dans la conception et les choix des outils numériques. L’idée principale, c’est vraiment de faire de cette transition une transformation globale de l’entreprise ou de l’organisme de formation en collaboration.

Pour répondre à ces enjeux, l’Aract Île-de-France organise un « transformateur numérique ». Il s’agit d’un dispositif innovant pour accompagner les porteurs de projets de transformation numérique au sein des organismes de formation, pour les aider à enrichir leurs démarches et à imaginer les impacts de celles-ci sur la qualité de vie au travail des salariées.