Nadia Droz - Fédération Suisse des Psychologues (FSP) : Préférer les « facteurs » aux « risques » psychosociaux

Préférer les « facteurs » aux « risques » psychosociaux

MANAGEMENT RH / QVT ||
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02/03/2022
Nadia Droz  - Fédération Suisse des Psychologues (FSP)
Nadia Droz
Psychologue (spécialiste en santé au travail)
Fédération Suisse des Psychologues (FSP)

En Suisse comme en France et ailleurs, la crise sanitaire et l’accélération de la transformation numérique ont eu de nombreux impacts sur l’organisation du travail et le bien-être des salariés. Le point avec Nadia Droz, psychologue spécialisée en santé au travail.

Quelle est la situation actuelle du bien-être au travail en Suisse ? Constatez-vous des différences avec la situation en France ?
La situation actuelle a en partie péjoré les conditions de travail. De manière générale, elles se sont durcies pendant la pandémie, bien que le télétravail ait été favorable à certaines personnes. Beaucoup de dispositifs de santé au travail ont été mis en pause, notamment dans les projets de prévention, mais on constate aujourd’hui une reprise. Actuellement, nous pouvons observer deux mouvements : celui des entreprises qui usent leurs collaborateurs jusqu’à la corde. Et de l’autre côté, une prise de conscience en termes de santé au travail, et la volonté de créer une entreprise « sanitogène », en contradiction avec « pathogène » ; qui provoque la santé plutôt que la maladie.
Concernant les risques psychosociaux, il y a une meilleure prise en compte au niveau gouvernemental. Les médecins et l’inspection du travail sont également mieux formés sur ces problématiques. Mais pour ma part, et avec mes collègues, nous préférons parler de « facteurs » psychosociaux plutôt que de risques, car la plupart des éléments sont neutres en soi. Par exemple, « l’ambiance au travail » est un facteur de risques si elle est mauvaise, mais une ressource si elle est bonne. Nous essayons d’ouvrir un peu ce regard-là pour prendre en compte les bonnes pratiques et les maintenir.
Je ne travaille pas en France, donc je n’ai pas vraiment de regard sur la situation actuelle, mais j’ai le sentiment que certaines problématiques y sont mieux prises en compte, même s’il reste encore de nombreux chantier.

Quelles sont les évolutions à prévoir ?
Dans les grandes organisations, il y a une difficulté à mettre en place de réelles actions de prévention. Il y a beaucoup d’annonces pour peu de résultats visibles. Beaucoup d’entreprises pensent que les démarches sont coûteuses, alors qu’elles ne le sont pas tellement et les retours sur investissements sont réels. Mais ils surviennent seulement sur le long terme. C’est pourquoi des changements culturels doivent être réalisés dans les entreprises.

Vous avez mis en place des « Démarches participatives pour une analyse des conditions de travail en termes de stress et ressources au travail (risques psychosociaux) pour des petits collectifs ». De quoi s’agit-il ?
Concrètement, nous réalisons des entretiens avec des petits groupes ou individuellement pour savoir comment se déroule une journée au travail, quels sont les facteurs de stress, et les facteurs de ressource qu’ils rencontrent. Nous nous apercevons qu’il existe entre les collaborateurs des fils rouges importants, et nous tirons à partir de cela des conclusions assez objectives sur les facteurs de stress chronique en présence, mais aussi les facteurs de ressource chronique.

L’idée est ensuite de voir comment réduire les contraintes et de maintenir et d’augmenter les aspects positifs, en partant de l’idée que le collaborateur est expert de son travail. Les équipes ont beaucoup de pistes d’amélioration qu’il faut recueillir puis accompagner les cadres dans la mise en pratique des pistes réalistes

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