Vers un nouvel arrêté technique relatif à la vidéoprotection

Vers un nouvel arrêté technique relatif à la vidéoprotection
DOSSIER
SECURITE DES LIEUX DE TRAVAIL || Prévention intrusion / malveillance / 15/03/2017

Entretien croisé entre Elisabeth Sellos-Cartel, adjointe au Délégué aux coopérations de sécurité chargée de la vidéoprotection, au ministère de l'Intérieur et Luc Jouve, Président de GPMSE Installation

En décembre dernier, Elisabeth Sellos-Cartel, adjointe au Délégué aux coopérations de sécurité chargée de la vidéoprotection, au ministère de l'Intérieur, a présenté devant de nombreux acteurs concernés par cette évolution le nouvel arrêté technique relatif à la vidéoprotection, destiné à remplacer l'arrêté technique du 3 août 2007.
L’objectif était de recueillir leurs demandes de modifications, d’ajouts, de suppression… Bref, un véritable travail de longue haleine et de réelle concertation. GPMSE Installation a d’ailleurs validé cette proposition de texte.

Elisabeth Sellos-Cartel Les normes techniques de l'arrêté du 3 août 2007 étant considérées comme obsolètes, vous travaillez depuis plusieurs mois à la révision de ce texte. Pouvez-vous revenir sur l’origine de cet arrêté et nous expliquer les raisons de cette nécessité de révision aujourd’hui ?

Elisabeth Sellos-Cartel : Les dispositifs de vidéoprotection dans l’espace public doivent être préalablement autorisés par le préfet du département du lieu d’installation depuis la loi du 21 janvier 1995 codifiée désormais au titre V du code de la sécurité intérieure (CSI), et son décret d’application du 17 octobre 1996 modifié, dont les dispositions sont inscrites aux articles R 251-1 à R253-4 du CSI. Initialement ce texte n’imposait aucune exigence technique.
L’arrêté du 3 août 2007 est né des travaux de l’inspection générale de l’administration qui en 2005, en écho aux attentats de Londres, s’est vue confier la mission de dresser un état des lieux de la vidéoprotection.
Ces travaux ont dressé, en substance, les constats suivants : peu de développement en voie publique, dispositif dans les transports plus dirigé sur la gestion des flux que sur la sécurité des voyageurs, images généralement de mauvaise qualité et donc peu exploitables a postériori, systèmes installés sans concertation avec les forces de sécurité intérieure.
La loi anti terroriste du 24 janvier 2006 prend en compte ces conclusions et introduit, entre autre, la disposition suivante « les systèmes de vidéosurveillance installés doivent être conformes à des normes techniques définies par arrêté ministériel … »
Un premier arrêté vit le jour en septembre 2006 mais, peu précis et contesté dans son application immédiate. Il est alors abrogé et un second arrêté est repris le 3 août 2007, plus précis et abondé d’annexes techniques.
La question se pose aujourd’hui de l’évolution de cet arrêté au regard des évolutions technologiques dans ce domaine et des résultats que l’on peut en espérer.
La vidéoprotection a bénéficié d’innovations, conduisant de plus en plus de dispositifs à tendre vers l’IP, au détriment de l’analogique. Par ailleurs et c’est paradoxal, il se trouve que certaines propositions techniques, très performantes pour autant, voire davantage encore que les systèmes respectant les exigences de cet arrêté, ne semblent pas pouvoir être mises en oeuvre, du fait justement des exigences posées en termes de nombre d’images secondes (je vise ici les caméras offrant un nombre de pixels supérieur à 16 millions de pixel). Or, il faut pouvoir en intégrer le principe d’utilisation.
Par ailleurs, malgré les progrès enregistrés grâce à l’arrêté du 3 aout 2007, il apparait toujours de nombreux cas de figure où l’identification d’auteurs de délits ou crimes reste difficile, comme cela a pu être le cas ces deux dernières années.
Il apparait, par ailleurs, que suite aux recommandations récentes de l’ANSSI sur la sécurité des systèmes, des recommandations plus élaborées, voire des exigences pertinentes relatives à la garantie de la confidentialité des images, afin d’éviter leur contestation dans le cadre de procédures ou leur usage dévoyé, ne serait pas inutile.
Pour toutes ces raisons, nous avons donc considéré, ces derniers mois, que de nouvelles caractéristiques techniques pouvaient être posées, de façon à assurer une qualité minimum des images et de leur transmission. La finalité étant qu'elles puissent être exploitées dans de meilleures conditions par les forces de l’ordre, principalement.
Je souligne cependant que L’Administration ne souhaite pas s’inscrire dans une démarche qui ouvrirait la brèche à une surenchère en matière de coût des systèmes pour autant. Il faut d’ailleurs sans doute éventuellement raisonner de façon graduée dans la mesure où il existe divers systèmes qui ne poursuivent pas forcément les mêmes finalités ni les mêmes enjeux et nous devrions nous orienter vers un texte qui prenne en compte ces différences.

Quels étaient, pour vous, les acteurs à associer pour la révision de cet arrêté ?
Elisabeth Sellos-Cartel : Comme je l’ai souligné, théoriquement seuls les dispositifs installés dans l’espace public (voie publique, lieux ouverts au public, NDLR), et relevant de l’autorisation préalable au préfet, sont obligatoirement soumis à ces exigences techniques définies par l’arrêté du 3 août 2007.
Les évolutions à apporter à ce texte concernent donc, prioritairement les responsables de sécurité en charge de sites recevant du public. Des travaux préliminaires avaient été effectués, en ce sens, via différentes organisations et j’ai créé un groupe de travail interne regroupant les représentants des services opérationnels et techniques. Nous avons souhaité présenter ce document à un groupe élargi d’acteurs concernés, représentant à la fois les donneurs d’ordre comme les grands opérateurs des transports publics, les groupes bancaires, les représentants des entreprises commerciales et les groupements professionnels symbolisant et défendant les intérêts de l’ensemble de la profession des métiers de la sécurité électronique.
En tout, une quarantaine de personnes ont été conviées à cette réunion, en décembre dernier. Chacun est reparti avec le document rédigé, de façon à pouvoir l’étudier et renvoyer ses commentaires et suggestions avant le 15 février 2017. En effet, il nous parait essentiel que chaque acteur concerné par cette évolution puisse s’exprimer, argumenter sur la possibilité ou non de pouvoir appliquer ces futures directives, en expliquant les raisons et en proposant une alternative.
Nous avons reçu, à ce jour, une réponse de quasiment chaque interlocuteur présent. Certains se disent prêts et pensent pouvoir appliquer, ou faire appliquer ces nouvelles conditions. D’autres demandent des réajustements. Nous analysons l’intégralité des réponses et modifieront quelque peu la première version en fonction de ces retours.

Dans cette révision, vous n’avez pas souhaité intégrer les nouvelles technologies, comme les robots, alors que les médias relatent de plus en plus d’expérimentations via des drones. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?
Elisabeth Sellos-Cartel : Pour pouvoir intégrer ces nouvelles technologies dans un arrêté technique, il faut, au préalable, que ce type d’innovation soit conforme à la législation en vigueur. Or, aujourd’hui, plusieurs raisons font que le drone ne peut être un outil permanent de sécurité et de vidéoprotection. En premier lieu, je rappellerais que l’usage de drones équipés d’une caméra doit tenir compte de la Loi Informatique et Libertés, le code de la sécurité intérieure mais aussi et avant tout une réglementation relevant de la DGAC. Il est très difficile, aujourd’hui, de mettre en place des zones masquées, via une caméra portée sur un drone.
Je rappelle que la Loi du 24 octobre 2016, relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, vise à faire évoluer la réglementation de l’usage des drones, afin de responsabiliser les usagers et de prévenir les usages indésirables. Elle prévoit un régime d’enregistrement par voie électronique des drones au-delà d’un certain poids, défini par décret. Ce qui ne semble pas aller vers une libéralisation du champ d’exploitation possible de ces dispositifs, pour le législateur. Par ailleurs, l’autonomie d’un drone reste limitée, et par là même l’éventualité d’un accident est conséquente. Enfin, un enjeu social est également à prendre en compte. Sommes-nous prêts à voir, demain, voler des drones au-dessus de nos têtes ?

imageEn tant que Président GPMSE Installation, vous avez assisté à cette réunion, le 20 décembre dernier. Quelles ont été vos premières impressions ?

Luc Jouve : En préambule, je tiens à souligner que les travaux préparatoires avaient été très bien menés. Aussi, lors de cette réunion, j’ai eu le plaisir de découvrir un contenu fort intéressant, fruit d’une réflexion approfondie, réalisée par un groupe de travail fort impliqué dans cette démarche.
J’ai également été ravi de remarquer à quel point les initiateurs de ce projet souhaitaient impliquer un large panel représentatif des acteurs concernés par l’évolution de cet arrêté. En outre, durant cette réunion, les questions posées furent très pertinentes, ce qui a montré le vif intérêt et la volonté d’implication des personnes présentes.

Après analyse du texte rédigé, vous avez confirmé que la rédaction de cet arrêté vous convenait. Cela signifie-t-il que la profession que vous représentez est prête ou en marche ?
Luc Jouve : Tout d’abord, il est évident que la révision de l’arrêté technique du 3 août 2007 était nécessaire, et attendue par les professionnels du secteur, les technologies vidéo étant celles qui évoluent le plus vite et ce, au quotidien, dans le domaine de la sécurité électronique. De ce fait, la qualité des images est de plus en plus probante et les dispositifs de vidéoprotection installés doivent permettre aux forces de l’ordre d’exploiter au mieux les images enregistrées ; celles-ci devant leur apporter des éléments factuels.
Je tiens toutefois à préciser que, si GPMSE Installation milite depuis longtemps en faveur d’une technologie de plus en plus performante, et de plus en plus ouverte, nous ne recommandons aucunement la surenchère de technologies de pointe, la maîtrise des coûts étant, pour nous, prioritaire.
En outre, les avancées technologiques doivent également tenir compte de la transmission des données, celle-ci étant parfois bien en deçà de ce qui pourrait être prétendu, du fait du sous-dimensionnement du dispositif et notamment du réseau.
Je citerais, entre autres, la technologie 4K : rien ne sert d’investir dans des caméras 4K, si le reste du matériel n’est pas adéquat, comme l’écran, par exemple. Le résultat ne sera pas à la hauteur du souhait et l’investissement dans ce type de matériel sera une pure perte.
Par ailleurs, j’atteste que la profession est bien en marche vers cette prochaine évolution des textes. Aujourd’hui, je peux confirmer que la plupart de nos adhérents utilisent déjà ou mettent en oeuvre des technologies supérieures à ce qui était préconisé en 2007.

Quelles sont vos actions aujourd’hui, auprès de vos adhérents ?
Luc Jouve : Avant de confirmer à Mme Sellos-Cartel l’approbation de ce texte, en l’état, les propositions d’évolutions techniques contenues dans le texte qui nous avait été remis ont été présentées et validées en Conseil d’Administration.
GPSME Installation attend donc aujourd’hui, avec sérénité et impatience la publication de ce nouvel arrêté.
D’une façon plus générale, GPMSE Installation a pour vocation d’informer ses adhérents, via des échanges permanents, de façon à enrichir notre profession, la professionnaliser, en menant des actions concrètes, mais également en participant à des réunions plus stratégiques avec les pouvoirs publics.

A ce sujet, en tant que Président de GPMSE Installation, face à ces évolutions technologiques mais aussi face aux risques de cyber attaques et de tentatives d’intrusion dans les systèmes, je réitère notre plus vif désir, au sein de notre organisation, de la mise en place d’une enquête de moralité. En effet, il nous semble indispensable de s’assurer de la bonne moralité des techniciens installateurs qui mettent en service des dispositifs de videoprotection ou d’intrusion, au quotidien, ceux-ci étant très souvent titulaires d’informations sensibles et stratégiques qui leur permettent d’agir aisément sur le système. Notre objectif, depuis de très nombreuses années, est de pouvoir travailler avec les pouvoirs publics, concernant ce sujet, et avec les autres groupements de la profession, de façon à ce que rapidement, le CNAPS puisse donner une autorisation à ces professionnels, après enquête de moralité.
Ainsi, si GPMSE Installation n’est pas favorable à la mise en place d’un CQP technique, considérant que les acteurs de ces métiers ont largement les compétences, enquêter et valider la bonne moralité de ces professionnels est devenue une urgence !

PARTAGEZ :