Sur les lieux de travail, la consommation d’alcool ou de drogue
augmente drastiquement le risque d’accident. C’est pourquoi les
pratiques addictives sont devenues une priorité pour les pouvoirs
publics, mais le défi est grand pour les employeurs, tant le
sujet est complexe.
Qu’est-ce qu’une addiction ?
Il existe deux types d’addictions :
- Des addictions à des produits : alcool, tabac, drogue, médicaments
- Des dépendances non liées à des produits : dépendance au travail dite « workaholisme », aux jeux, à Internet, au téléphone…
La Mission interministérielle de lutte contre les
drogues et les conduites addictives (MILDECA) définit le phénomène ainsi
:« D’un point de vue scientifique et médical, les addictions
sont des pathologies cérébrales définies par
une dépendance à une substance ou une activité, avec
des conséquences délétères. »
L’addiction se définit par le désir permanent, malgré les
conséquences négatives que cela entraîne,
de consommer une substance
psychoactive (alcool, tabac, drogue, médicament
psychotrope…) ou de se livrer à une activité.
Des pratiques addictives à plusieurs niveaux
On distingue plusieurs stades dans les pratiques addictives :
- L’usage simple : cela correspond à une consommation occasionnelle ou régulière n’entrainant pas de dommages pour la santé. Attention toutefois à ne pas basculer dans un usage nocif
- L’abus (ou usage nocif) : l’usage abusif se caractérise par une consommation répétée qui entraîne alors des complications sur le plan de la santé, de la sécurité, de la vie privée et/ou du travail.
- La dépendance ou addiction : la personne dépendante n’arrive plus à contrôler sa consommation malgré toutes les complications. Elle en vient à se désintéresser de toutes ses activités sociales, familiales et professionnelles, toute son énergie étant tournée vers la consommation de substances psychoactives.
Addictions en milieu professionnel : chiffres clés
D’après le rapport « Les conduites addictives de la population active cohorte » publié en 2021 par la cohorte CONSTANCES de la MILDECA, en les deux principales substances addictives consommées sur le lieu de travail sont l’alcool et le tabac. Parmi la population active occupée, 27% des hommes et 23% des femmes seraient fumeurs, avec une intensité de consommation en augmentation. Au sein de la même population, 19,8% d’hommes et 8% de femmes auraient un usage dangereux de l’alcool.
Addictions en milieu de travail : quels sont les secteurs d’activités les plus touchés ?
Tous les secteurs d’activité sont concernés par les conduites addictives. Simplement, la nature et la fréquence des consommations sont différentes selon le secteur concerné.
Les pratiques addictives diffèrent selon les secteurs d’activités professionnels
Toujours d’après la MILDECA, les 18-35 ans seraient les plus nombreux à fumer. Néanmoins, les hommes de plus de 50 ans et les ouvriers sont les plus grands consommateurs : plus de 25 % d’entre eux fumeraient 20 cigarettes ou plus par jour.
En ce qui concerne l’usage dangereux d’alcool, les employés sont
les premiers concernés, suivis de très près par les ouvriers. Les
secteurs de l’industrie, du commerce, des services à la personne
et de l’éducation seraient les plus touchés par ce phénomène. De
manière générale, la proportion d’hommes est presque deux fois
plus importante que celle des femmes, bien que cette différence
s’amoindrît dans le secteur des emplois administratifs.
Certains postes de travail sont plus sujets aux conduites addictives
Le Ministère du travail, quant à lui, relèvent quatre types de postes les plus touchés par les addictions :
- Le travail en poste, de nuit et isolé ;
- Les postes à responsabilités élevées (stress, pression hiérarchique et obligation de résultat…) ;
- Les postes exigeant de la vigilance (contrôle du procédé sur les sites à hauts risques, postes de surveillance…) ;
- Les postes de conduite ou de pilotage (transports, manutention mécanique…).
Addictions et travail : quels sont les risques ?
Les pratiques addictives ont des conséquences bien connues sur la santé.
Selon le ministère de la Santé, la consommation d’alcool
serait à l’origine de 49 000 décès par an sur le territoire
national. L’alcool est
la deuxième cause de cancers et est à
l’origine de nombreuses maladies du système digestif. La
consommation excessive d’alcool est également impliquée
dans l’apparition de troubles
cognitifs plus ou moins graves allant de la
difficulté de concentration à la démence.
L’alcool est aussi responsable de complications sociales.
L’alcool favorise la violence et
la délinquance, que ce soit la conduite en
état d’ivresse, les violences familiales ou la maltraitance sur
les enfants.
Le tabac, quant à lui, serait responsable de près d’un décès sur
huit en France, faisant de lui la première cause de mortalité
évitable. Fumer multiplie par 4 le risque de cancer du
poumon, la consommation de cigarette favorise aussi des cancers
du Larynx, du Pharynx, de la cavité buccale ou encore de
l’œsophage.
Des complications
psychiatriques existent également. Le fumeur a plus
de risque de développer des troubles anxieux ou phobiques
(agoraphobie, trouble panique, anxiété…) de même que le patient
ayant une anxiété sociale sera plus à même de développer une
dépendance au tabac.
La consommation de cannabis a de
nombreuses conséquences sur la santé à divers niveaux
et augmente le risque de maladies
cardio-vasculaires, d’hépatite, d’infarctus, de
cancers…
Le cannabis multiplie le risque de
dépression, d’attaque de panique et est un facteur de
risque important de déclenchement
d’une schizophrénie, sans parler
du syndrome de démotivation.
Quant à la consommation de médicaments, cette addiction a essentiellement des effets psychiatriques pouvant majorer des troubles tels que l’anxiété, la dépression, les idées suicidaires…
Au travail, la consommation de ces produits présente un risque important pour la santé et la sécurité. En agissant sur la vigilance et l’évaluation du risque, la prise de substances psychoactives dans le cadre professionnel met en danger la santé et la sécurité de la personne, de son entourage professionnel ou de tiers et peut être à l’origine d’accidents de travail.
Addictions au travail : comment prévenir les risques ?
De l’usage à la dépendance, les consommations addictives concernent plus de 20 millions d’actifs parmi les 29 millions en France (salariés du privé ou agents de la fonction publique, en CDI comme en CDD)
Prévenir les addictions relève à la fois d’une démarche
de prévention individuelle et
collective.
Pour aborder le risque lié aux pratiques addictives, il convient
de prendre en effet en compte l’ensemble des salariés et pas
seulement ceux affectés à des postes à risques, ou ceux étant
déjà en difficulté.
Il convient en outre de rechercher les
éventuelles causes de pratiques
addictives dans les conditions de
travail et l’organisation du
travail.
À ce titre, on distingue généralement trois vecteurs pouvant
expliquer cette consommation :
- l’importation : une consommation importée de la vie privée du salarié ;
- l’acquisition : la consommation résulte de sollicitations et facilitations du milieu professionnel (ex. : présence de substances psychoactives lors des pauses de l’équipe, de pots, etc.) ;
- l’adaptation : l’idée de « dopage » pour tenir au quotidien, faire face au stress, à des douleurs récurrentes, pour tenir le rythme, etc.
L’évaluation des risques d’addiction : une démarche incontournable
De façon classique, la démarche d’évaluation des risques inscrira le risque d’addiction dans les risques professionnels de toute organisation. Le risque sera évalué et mesuré dans ce cadre et des actions de prévention planifiées.
Les actions de prévention qui seront envisagées doivent associer l’ensemble des salariés, dans un esprit de concertation.
La formation et la sensibilisation aux risques liés aux addictions prennent une part prépondérante dans ce dispositif :
- Les risques liés aux pratiques addictives, en termes de santé et de sécurité
- La législation en vigueur : code du travail, code de la route ; règlement intérieur
- Les acteurs de la prévention et leur rôle : service de santé au travail, services sociaux, représentants du personnel, associations spécialisées…
- Procédure à suivre si un salarié est dans l’incapacité d’assumer son poste
De façon individuelle, les salariés en difficulté doivent être
accompagnés sans être jugés, le rôle des collègues et du médecin
du travail est capital dans la détection et le suivi de ces
personnes souvent en souffrance.
La prévention des risques d’addictions doit être globale
La Plateforme RSE a ainsi formulé des recommandations aux
entreprises afin de promouvoir une approche globale
de prévention et de réduction des risques :
- porter une attention particulière à la qualité de vie au travail (QVT) de leurs salariés et à la vulnérabilité des jeunes – stagiaires, apprentis, alternants –, particulièrement exposés à ce risque ;
- associer les parties prenantes internes (salariés, médecine du travail, Comité social et économique, DRH, manageurs) à la définition et à la mise en œuvre de leurs actions d’information et de prévention ;
- veiller à la sensibilisation et à la formation du personnel médical des services de santé au travail et associer des tiers (associations de patients, etc.) aux actions menées dans l’entreprise ;
- relayer dans l’entreprise les messages des campagnes nationales de prévention et participer aux programmes d’action proposés par les organismes de protection sociale ;
- faire figurer leurs politiques de prévention des consommations à risque dans la valorisation de leurs politiques de responsabilité sociétale.
Conduites addictives au travail : rôle et responsabilité de l’employeur
L’obligation générale de sécurité qui incombe à l'employeur, définie par la jurisprudence comme une obligation de sécurité de résultat, doit le conduire à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs (article L. 4121-1 du Code du travail)
Par conséquent, les risques liés aux pratiques addictives doivent être évalués au même titre que les autres risques professionnels et faire l’objet de mesures de prévention adaptées décrites dans le Document Unique d’Évaluation des Risques.
L’employeur dispose de plusieurs leviers juridiques pour prévenir les risques liés aux pratiques addictives :
- Le Document Unique
- L’encadrement de la consommation de boissons alcoolisées dans l’entreprise défini par le Code du travail : « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail. Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, (…) est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché » (article R. 4228-20 du Code du travail)
- Le règlement intérieur : le règlement intérieur peut spécifier des mesures d’interdiction partielle ou totale de l’alcool sur le lieu de travail, des mesures d’encadrement des pots en entreprise, une liste de postes de sûreté ou de sécurité pour lesquels un dépistage de consommation de drogue ou d’alcool peut être pratiqué …
Pratiques addictives en milieu professionnel : informations et ressources
Addictions et travail : interviews et actualités sur notre site
- La prévention des conduites addictives, nouveau sujet de RSE pour les entreprises - Actualité, 17/01/2019
- Michel Reynaud : « L’alcoolisme est toujours un sujet tabou en entreprise » - Interview, 17/12/2018
-
Addictions au travail : comment les prévenir et
les gérer ? Actualité, 29/11/2017
Ailleurs sur le web
- INRS – Addictions : alcool, tabac, drogues…
- INSERM – Addictions, dossier
- intervenir-addictions, le portail des acteurs de santé
- Site de la MILDECA
- Addictions – Dossier, Ministère du travail
- Addict’AIDE Pro, prévention des conduites addictives en mieux professionnel
- OFDT – Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies
- Alcool Info service
- Drogues Info Service
Publications
- Pratiques addictives en milieu de travail – Brochure INRS