Ainsi, les personnes morales de droit privé qui bénéficient des
crédits ouverts au titre de la mission « Plan de relance » seront
tenues de réaliser plusieurs actions avant le 31 décembre 2022, à
savoir :
- Nouvelle obligation en matière environnementale :
Rappelons en préambule que depuis 2010 et le Grenelle I de
l’environnement (cf. C. Env., L229-25 et R229-46 s.), la loi
impose déjà aux personnes morales de droit privé employant plus
de 500 personnes (seuil ramené à 250 dans les régions et
départements d'outre-mer) d'établir un bilan de leurs émissions
de gaz à effet de serre, accompagné d’un plan de transition pour
réduire leurs émissions, à mettre à jour tous les 4 ans, sous
peine d’une amende administrative d’un montant plafonné à 10 000
euros (et 20 000 euros en cas de récidive).
Pour les entreprises non soumises à ce régime et employant plus
de 50 salariés, la loi de finances pour 2021 vient ici prévoir
une obligation d’établir un bilan simplifié de leurs émissions de
gaz à effet de serre avant :
- Le 31 décembre 2022 pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 251 et 500 salariés ;
- Le 31 décembre 2023 pour celles dont l’effectif est compris entre 51 et 250 salariés.
Ce bilan, qui sera public et transmis à l’autorité administrative
à des fins de traitement statistique, devra ensuite être mis à
jour de manière périodique, tous les trois ans.
Un bilan des émissions de gaz à effet de serre, kézaco ?
La loi ne donne ici que peu d’indications, si ce n’est qu’il
s’agira d’un bilan « simplifié » qui devra indiquer les émissions
directes produites par les sources d'énergie fixes et mobiles
nécessaires aux activités de l'entreprise.
Il est prévu qu’une méthode simplifiée soit définie par voie de
décret (à paraître), afin de faciliter la démarche des
entreprises. À noter que de nombreux outils et référentiels
existent d’ores et déjà (cf. notamment élaborés par l’ADEME).
Un élément de simplification tient au fait que la loi ne fait pas
ici référence aux émissions indirectes, seules les émissions
directes étant visées (contrairement aux entreprises de 500
salariés et plus, pour lesquelles le bilan doit notamment fournir
une évaluation du volume d'émissions de gaz à effet de serre
produit par les activités sur N-1, exprimées en équivalent de
tonnes de dioxyde de carbone, en distinguant d’une part, les
émissions directes produites par les sources fixes et mobiles
nécessaires aux activités, et d’autre part, les émissions
indirectes associées à la consommation d'électricité, de chaleur
ou de vapeur nécessaire aux activités de la personne morale).
Concrètement, les entreprises concernées vont devoir s’interroger
sur leur impact carbone pour établir ce bilan simplifié.
Si à première vue cela peut être vu comme une énième contrainte
administrative, il convient toutefois de relativiser les choses :
- D’une part, en pratique, le texte ne prévoit pas -à ce stade-
de sanctions particulières en cas de non- établissement ou de
défaut de mise à jour périodique du bilan simplifié (ainsi, il
n’est pas expressément prévu de mécanisme de retrait ou de
suppression des aides publiques perçues au titre de la relance –
à noter toutefois que le Ministère du travail laisse entendre sur
son site Internet que cela pourrait être le cas pour les
entreprises ayant bénéficié du dispositif d’activité partielle au
titre de la crise sanitaire … ).
Même si aucun instrument juridique de sanctions n’est prévu, la prudence est recommandée dans la mesure où le texte envisage ces nouvelles obligations comme une contrepartie aux crédits alloués dans le cadre du plan de relance.
- D’autre part, au regard des enjeux plus généralement, il est
indispensable que tous les opérateurs économiques puissent
contribuer aux efforts de lutte contre le réchauffement
climatique global.
L’objectif sous-jacent est que la démarche de bilan simplifié conduise à des prises de conscience et des changements de pratiques, qui par addition et effet d’inertie, permettent d’accélérer cette transition.
Ajoutons que les données issues de ces bilans permettront d’améliorer l’orientation des politiques publiques à destination des entreprises en matière de transition énergétique vers une économie « bas carbone ». Il est d’ailleurs prévu qu’un rapport au Parlement soit établi, lequel pourra éventuellement formuler des recommandations en vue de simplifier ces nouvelles obligations.
Même si certains jugent trop timorée l’action des pouvoirs publics, notons que ces derniers restent incités à agir de manière effective dans la mesure où il s’agit d’un sujet de préoccupation majeure pour le grand public, qui tend à être relayé au niveau des tribunaux au travers de décisions emblématiques telles que celle qui vient d’être rendue dans l’« Affaire du siècle » (cf. Tribunal administratif de Paris, 3 février 2021, n° 1904967, reconnaissant la responsabilité de l’État pour préjudice écologique lié à une carence partielle dans le respect de ses objectifs climatiques).
- Nouvelles obligations en matière sociale :
Les problématiques sociales et environnementales, bien qu’elles
puissent paraître à première vue éloignées, sont en fait très
liées comme nous l’évoquons régulièrement dans cette chronique.
Force est de constater qu’il existe une tendance de fond à les
faire converger et à inscrire en dur dans la législation des
obligations touchant la sphère de la responsabilité sociétale des
entreprises (RSE).
En l’espèce, la loi de finances pour 2021 prévoit en complément
:
- Dans le prolongement des articles L1142-8 et 9 du Code du
travail sur l’index d’égalité professionnelle hommes-femmes, une
obligation pour les entreprises employant plus de 50 salariés de
publier annuellement au plus tard le 1er mars de chaque année, le
résultat obtenu pour chacun des indicateurs obligatoires et dont
la liste varie selon que l’entreprise emploie entre 50 et 250
salariés (cf. C. Trav., D1142-2-1) ou plus de 250 salariés (C.
Trav., D1142-2).
En plus de l’obligation préexistante de publier ses indicateurs sur son site internet, ces données donneront lieu à la publication et seront rendues accessibles sur le site internet du Ministère du travail (selon des modalités à définir - décret à paraître).
Lorsqu’en outre les indicateurs sont inférieurs à 75 points, l’employeur est tenu de fixer des objectifs de progression de chacun de ces indicateurs, par accord collectif ou à défaut de manière unilatérale après information et consultation du CSE (à déposer auprès de la DIRECCTE), et -nouveauté- de publier ces objectifs ainsi que les mesures de correction et mesures financières de rattrapage salarial des écarts.
La loi prévoit ici que le non-respect de ces nouvelles obligations en matière expose l’employeur au versement de la pénalité financière applicable en la matière, fixée après mise en demeure infructueuse du DIRECCTE, et dont le montant est plafonné à 1 % des rémunérations versées au cours de la période de carence.
- Ensuite, une obligation pour les entreprises de plus de 50
salariés et dotées d’un CSE (de pleines attributions), de lui
communiquer, dans le cadre de la consultation annuelle sur les
orientations stratégiques de l'entreprise, des informations
portant sur le montant, la nature et l'utilisation des aides dont
elles bénéficient au titre des crédits de la mission « Plan de
relance ».
Précisons ici que l’ordre du jour de la réunion devra prévoir la formulation d’un avis spécifique et distinct du CSE sur l'utilisation de ces crédits.
Ces obligations de nature sociale devront être mises en vigueur au plus tard le 31 décembre 2022.
À noter que pour limiter les conséquences en cas de
franchissement à la hausse d'un des seuils d'effectif ci-dessus,
celui-ci ne sera à prendre en compte que lorsqu’il aura été
atteint ou dépassé pendant 5 années civiles consécutives,
conformément aux nouvelles règles de décompte prévu par le Code
de la Sécurité sociale (cf. art. L130-1).