Maître Dominique Gantelme - FNCM : La médiation, comme outil de prévention des risques psychosociaux

La médiation, comme outil de prévention des risques psychosociaux

MANAGEMENT RH / QVT || Risques psychosociaux
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25/04/2016
Maître Dominique Gantelme - FNCM
Maître Dominique Gantelme
médiatrice, avocate au Barreau de Paris
FNCM

Aujourd'hui, le médiateur est de plus en plus appelé dans les organisations pour gérer les conflits. Quelles sont les méthodes utilisées ? Quels avantages à recourir à la médiation ?
Zoom.

On connaît encore relativement mal la médiation en contexte professionnel, qu'est-ce qu'un médiateur ?
La médiation est pourtant un processus très ancien, ancré dans l’histoire de l’humanité, mais on en redécouvre aujourd'hui tous les bienfaits. C’est un processus, une démarche volontaire des personnes et acceptée de plein gré par celles-ci, en présence d’une tierce personne qu’est le médiateur, personne neutre et indépendante de chacun. On entre en médiation de bonne foi, avec toute la force de sa vulnérabilité. La mauvaise foi ne peut y avoir de place sauf à interrompre le processus nécessairement.
La Fédération Nationale des Centres de Médiation (FNCM) a été créée en  2001. Créée au départ par des membres du Barreau, les centres de médiation régionaux qui en sont les adhérents ont  évolué vers plus d'inter-professionnalité et rassemblent en leur sein des médiateurs de toute profession.
La FNCM pose des exigences très fortes pour l’exercice de cette fonction de médiateur : le médiateur ou la médiatrice suit une formation d’au moins 300 heures, formation très exigeante. Il doit ensuite s'inscrire dans un fonctionnement très encadré : poursuite d’une formation continue obligatoire,  travail régulier sur l’analyse de sa pratique… voire supervision personnelle, toutes préconisations d’ailleurs rappelées dans notre Code National de Déontologie du Médiateur, notre instrument de référence en matière d'éthique et de déontologie.
La FNCM a en outre depuis plus d’un an, mis en place une politique de labellisation de ses centres de médiation qui garantit ce niveau d'exigence qualitative très élevé auquel elle est particulièrement attentive.

Comment le médiateur peut-il intervenir dans un contexte de conflit en entreprise ?
La personnalité du médiateur est importante et chacun a sa personnalité. Mais il doit être bienveillant, neutre, indépendant, empathique et créer la confiance. Le médiateur peut intervenir de deux manières : dans le cadre judiciaire (une juridiction est saisie, les parties consentent d’aller en médiation, dans ce cas, le juge rend une ordonnance  de désignation du médiateur choisi par les personnes ou par le magistrat) mais aussi conventionnel (hors saisine d’une juridiction), dans tous les cas préventivement ou curativement, ce qui intéresse l’entreprise dans la gestion des risques psycho-sociaux.
Le médiateur est ce tiers,  interlocuteur objectif, qui intervient alors dans ce  cadre déontologique précis garantissant sa neutralité, son indépendance  et la confidentialité des échanges. Le recours au médiateur externe va permettre d'écouter toutes les parties prenantes au conflit, individuellement et collectivement, en séance « plénière » et cela en complète  confidentialité. Il accompagne les personnes tout au long du processus et les aide à trouver leur propre solution à leur conflit, après que les personnes aient pu laisser vivre leurs propres émotions, aient pu dégager des valeurs communes, à partir d’une écoute réciproque et partagée, permettant de reconsidérer le point de vue de l’autre. Ce n’est pas facile mais c’est toute la beauté de la médiation : écouter, s’écouter, soi-même, et l’autre.
Lorsqu’une entreprise fait appel à un médiateur externe, ce dernier peut entendre les personnes dans l’entreprise mais bien entendu, dans une pièce « neutre ». On peut aussi imaginer que les rencontres se déroulent, sur le temps de travail, en un lieu différent. Tout est aménagement, la règle première est la CONFIDENTIALITE des échanges, en un lieu protégé.  Sans cet impératif absolu, impossible d’envisager la médiation.  Evidemment, dans l’entreprise, le médiateur sectoriel ou d’entreprise, s’il est payé par l’entreprise, doit affirmer sa parfaite et totale indépendance, et son respect absolu de la confidentialité des échanges qui s’appliquent d’ailleurs aux personnes elles-mêmes en médiation. A défaut de toute indépendance, je dirais que le médiateur engage sa responsabilité puisqu’il est de l’essence même du médiateur d’être ce tiers neutre et indépendant.
Le rôle du médiateur est de faire comprendre, sentir et amener les différents protagonistes à trouver eux-mêmes la solution à leur conflit. L'indépendance du médiateur par rapport au chef d'entreprise est alors fondamentale car les salariés doivent se sentir en toute confiance. Sans indépendance, sans neutralité, sans confidentialité, ces exigences dont le tiers est garant, pas de médiation. Certaines collectivités se dotent actuellement de médiateurs internes. On peut se poser la question de l’indépendance de ce médiateur par rapport à la structure en raison de l’existence du lien de subordination. En réalité, je dirais qu’il faudrait allouer à ce médiateur formé, un vrai statut « d’intouchable », doté d’un budget propre.  La médiation en entreprise (comme ailleurs), a un effet « systémique » : le processus n’est pas figé dans l’espace : la médiation fait des ronds dans l’eau : elle affecte le système qui l’héberge.  Qu’est-ce qu’un système sinon la structure vivante d’un organisme humain, espace et temps d’un lieu et d’un jeu d’interactions constantes.

Quels sont les avantages à recourir à la médiation ?
Ne pas mettre en place, ne pas proposer une mesure de médiation pour l’employeur  lui fait courir le risque de mettre en jeu  sa responsabilité pour non-respect de son obligation de sécurité (obligation de résultat) dans le cas du harcèlement et toute souffrance au travail, de tout conflit quel qu’il soit. Ainsi en a jugé la Cour de Cassation (Arrêt du 11 mars 2015, l’employeur a été déclaré responsable : « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements » (Cass. soc., 11 mars 2015, n°13-18603)
En effet, s’il a pris des mesures à l’égard du harceleur, il a échoué préventivement, ce qui pourrait engager sa responsabilité.
Il est certain que les dispositions du Code du Travail sont particulièrement claires sur les droits et obligations de chacun des protagonistes dans l’entreprise jusqu’au salarié qui dispose d’un droit d’alerte et de retrait dans celle-ci.
La médiation a nécessairement une vertu pédagogique, par- delà la prévention ou la résolution d’un conflit.  Le  médiateur veut entendre et  comprendre ce qui fait conflit. A cette occasion,  la médiation peut révéler un dysfonctionnement « hiérarchique »  un délicat problème de management à traiter.
La médiation a cette fonction réparatrice de la personne en souffrance. La médiation est une catharsis. Dans les situations de harcèlement au travail, la victime est si affectée qu'elle est incapable de s'exprimer et s'enferme dans sa souffrance et s’ensuit un long arrêt-maladie.  La décision prud’homale est un début de réparation, mais reste insatisfaisante. La médiation va permettre à la personne harcelée de poser des mots sur sa souffrance, et de pouvoir dire à son harceleur (quand les deux acceptent de se rencontrer) ce qui a été ressenti et vécu.  Les magistrats des Chambres sociales de la Cour d’Appel de Paris, convaincus de l’utilité fondamentale de la médiation dans sa vertu réparatrice, invitent les parties à aller s’informer sur le processus de médiation, après plaidoiries et pour le cours de leur délibéré. Il est en effet des décisions de justice qui ne pourront jamais réparer un mal profondément vécu et ressenti. En ce sens, le processus est profondément personnel, en ce qu’il touche à l’être. Quelle que soit la matière d’ailleurs.