Quelle est la situation de la QVT chez Danone aujourd’hui
?
Nous sommes en pleine restructuration, menée concomitamment avec
le changement de gouvernance intervenu à la tête de Danone il y
un an, et avec la poursuite de la pandémie de COVID.
Autant le reconnaitre, la situation est compliquée.
Notamment parce que Danone n’a pas été suffisamment en mesure de
traiter en profondeur la « cause racine » de la problématique de
la QVT. Bien sûr, nous avions mis en place des pratiques
novatrices ces dernières années, en matière de conduite de
projet, de droit à la déconnexion, de prévention tertiaire,
d’hygiène de vie des salariés. Mais nous appartenons à une
organisation en changement permanent, où il y a un très fort
engagement de la part des salariés. Chacun se sent très investi,
et se voit confié de plus en plus en plus de tâches, sans
nécessairement disposer des moyens pour toutes les accomplir. Le
risque d’un syndrome d’épuisement professionnel était donc déjà
très présent, et le turnover important, avant même la
restructuration.
Il a donc été nécessaire de réfléchir à des réponses concrètes
ciblées depuis 18 mois autour de 4 « ingrédients » :
- Le déploiement systématique de programmes d’assistance / d’écoute aux employés, avec un pilotage fin de l’activité de ces programmes
- Le recours récurent à des sondages salariés trimestriels et ciblés sur des aspects particuliers du stress au travail en période de changement
- Un programme de sensibilisation de l’ensemble des salariés dénommé « stay strong stay safe », permettant de sensibiliser, former et équiper les salariés, les encadrants, les équipes d’outils très concrètes permettant de faire face au contexte particulier actuel
- La mise en place d’études de faisabilité humaines (EFH) dans chacun des pays concernés par la restructuration pour évaluer les risques pour les salariés en amont de la mise en œuvre
Selon vous, quelles sont les forces de votre organisation ?
Dans notre programme de prévention destiné aux salariés, nous
avons fait le choix il y a 5 ans de ne pas séparer prévention
sécurité et prévention santé. Pour nous, il est capital de réunir
ces thématiques au sein d’une même approche, afin de ne pas «
séparer la tête et les jambes » quand on s’adresse aux
salariés.
La deuxième aspect distinctif est de vraiment centrer le domaine
« QVT » sur la notion de « travail » ; nous pensons que si nous
donnons aux salariés la possibilité de bien faire le travail pour
lequel ils ont été missionnés, formés, recrutés, alors les
risques psychosociaux sont considérablement moindres.
Les programmes de bien-être et de développement personnel, c’est
très bien, mais si l’activité principale qui justifie la présence
du salarié dans l’entreprise ne suit pas, alors on ne traite pas
la cause profonde des RPS.
Comment cela devrait-il évoluer dans les années à venir
?
Si on veut mettre en place une véritable « prévention primaire »,
il faut donc veiller à ce que les « manières de travailler »
soient effectivement saines. Cela passe certes par le droit à la
déconnexion, l’efficacité des réunions…
Mais au-delà, il faut réfléchir à la façon dont on permet aux
salariés de travailler. Pour cela le management de proximité
occupe un rôle indispensable notamment sur la régulation du
travail dans un contexte de surcharge de travail chronique. Un
autre levier pour une bonne QVT, c’est de valoriser le bon
travail quotidien. Pour cela pas nécessairement de grands gestes,
mais permettre le sentiment du travail bien accompli à la fin de
la journée, et donner les moyens nécessaires pour celui-ci en
éradiquant les sources de « qualité empêchée ». Enfin, il faut
gérer un rythme soutenable. Ne pas imposer trop de projets ni de
transformations à la fois. Et de ce point de vue la situation
actuelle dans beaucoup d’entreprises est préoccupante.
Cela étant dit, il peut être difficile de mettre tout ceci en
place en plein contexte de transformation et de COVID. Ce n’est
pas en plein chamboulement que l’on invente de nouveaux outils de
prévention primaire.