On connaît encore relativement mal la médiation en
contexte professionnel, qu'est-ce qu'un médiateur ?
La médiation est pourtant un processus très ancien, ancré dans
l’histoire de l’humanité, mais on en redécouvre aujourd'hui tous
les bienfaits. C’est un processus, une démarche volontaire des
personnes et acceptée de plein gré par celles-ci, en présence
d’une tierce personne qu’est le médiateur, personne neutre et
indépendante de chacun. On entre en médiation de bonne foi, avec
toute la force de sa vulnérabilité. La mauvaise foi ne peut y
avoir de place sauf à interrompre le processus
nécessairement.
La Fédération Nationale des Centres de Médiation (FNCM) a été
créée en 2001. Créée au départ par des membres du Barreau,
les centres de médiation régionaux qui en sont les adhérents ont
évolué vers plus d'inter-professionnalité et rassemblent en
leur sein des médiateurs de toute profession.
La FNCM pose des exigences très fortes pour l’exercice de cette
fonction de médiateur : le médiateur ou la médiatrice suit une
formation d’au moins 300 heures, formation très exigeante. Il
doit ensuite s'inscrire dans un fonctionnement très encadré :
poursuite d’une formation continue obligatoire, travail
régulier sur l’analyse de sa pratique… voire supervision
personnelle, toutes préconisations d’ailleurs rappelées dans
notre Code National de Déontologie du Médiateur, notre instrument
de référence en matière d'éthique et de déontologie.
La FNCM a en outre depuis plus d’un an, mis en place une
politique de labellisation de ses centres de médiation qui
garantit ce niveau d'exigence qualitative très élevé auquel elle
est particulièrement attentive.
Comment le médiateur peut-il intervenir dans un contexte
de conflit en entreprise ?
La personnalité du
médiateur est importante et chacun a sa personnalité. Mais il
doit être bienveillant, neutre, indépendant, empathique et créer
la confiance. Le médiateur peut intervenir de deux
manières : dans le cadre judiciaire (une juridiction est
saisie, les parties consentent d’aller en médiation, dans ce cas,
le juge rend une ordonnance de désignation du médiateur
choisi par les personnes ou par le magistrat) mais aussi
conventionnel (hors saisine d’une juridiction), dans tous les cas
préventivement ou curativement, ce qui intéresse l’entreprise
dans la gestion des risques psycho-sociaux.
Le médiateur est ce tiers, interlocuteur objectif, qui
intervient alors dans ce cadre déontologique précis
garantissant sa neutralité, son indépendance et la
confidentialité des échanges. Le recours au médiateur externe va
permettre d'écouter toutes les parties prenantes au conflit,
individuellement et collectivement, en séance
« plénière » et cela en complète confidentialité.
Il accompagne les personnes tout au long du processus et les aide
à trouver leur propre solution à leur conflit, après que les
personnes aient pu laisser vivre leurs propres émotions, aient pu
dégager des valeurs communes, à partir d’une écoute réciproque et
partagée, permettant de reconsidérer le point de vue de l’autre.
Ce n’est pas facile mais c’est toute la beauté de la
médiation : écouter, s’écouter, soi-même, et l’autre.
Lorsqu’une entreprise fait appel à un médiateur externe, ce
dernier peut entendre les personnes dans l’entreprise mais bien
entendu, dans une pièce « neutre ». On peut aussi
imaginer que les rencontres se déroulent, sur le temps de
travail, en un lieu différent. Tout est aménagement, la règle
première est la CONFIDENTIALITE des échanges, en un lieu protégé.
Sans cet impératif absolu, impossible d’envisager la
médiation. Evidemment, dans l’entreprise, le médiateur
sectoriel ou d’entreprise, s’il est payé par l’entreprise, doit
affirmer sa parfaite et totale indépendance, et son respect
absolu de la confidentialité des échanges qui s’appliquent
d’ailleurs aux personnes elles-mêmes en médiation. A défaut de
toute indépendance, je dirais que le médiateur engage sa
responsabilité puisqu’il est de l’essence même du médiateur
d’être ce tiers neutre et indépendant.
Le rôle du médiateur est de faire comprendre, sentir et amener
les différents protagonistes à trouver eux-mêmes la solution à
leur conflit. L'indépendance du médiateur par rapport au chef
d'entreprise est alors fondamentale car les salariés doivent se
sentir en toute confiance. Sans indépendance, sans neutralité,
sans confidentialité, ces exigences dont le tiers est garant, pas
de médiation. Certaines collectivités se dotent actuellement de
médiateurs internes. On peut se poser la question de
l’indépendance de ce médiateur par rapport à la structure en
raison de l’existence du lien de subordination. En réalité, je
dirais qu’il faudrait allouer à ce médiateur formé, un vrai
statut « d’intouchable », doté d’un budget propre.
La médiation en entreprise (comme ailleurs), a un effet
« systémique » : le processus n’est pas figé dans
l’espace : la médiation fait des ronds dans l’eau :
elle affecte le système qui l’héberge. Qu’est-ce qu’un
système sinon la structure vivante d’un organisme humain, espace
et temps d’un lieu et d’un jeu d’interactions constantes.
Quels sont les avantages à recourir à la médiation
?
Ne pas mettre en place, ne pas proposer une mesure
de médiation pour l’employeur lui fait courir le risque de
mettre en jeu sa responsabilité pour non-respect de son
obligation de sécurité (obligation de résultat) dans le cas du
harcèlement et toute souffrance au travail, de tout conflit quel
qu’il soit. Ainsi en a jugé la Cour de Cassation (Arrêt du 11
mars 2015, l’employeur a été déclaré
responsable : « l’employeur, tenu d’une
obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la
santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette
obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail
d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou
l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des
mesures pour faire cesser ces agissements » (Cass.
soc., 11 mars 2015, n°13-18603)
En effet, s’il a pris des mesures à l’égard du harceleur, il a
échoué préventivement, ce qui pourrait engager sa
responsabilité.
Il est certain que les dispositions du Code du Travail sont
particulièrement claires sur les droits et obligations de chacun
des protagonistes dans l’entreprise jusqu’au salarié qui dispose
d’un droit d’alerte et de retrait dans celle-ci.
La médiation a nécessairement une vertu pédagogique, par- delà la
prévention ou la résolution d’un conflit. Le
médiateur veut entendre et comprendre ce qui fait
conflit. A cette occasion, la médiation peut révéler un
dysfonctionnement « hiérarchique » un délicat
problème de management à traiter.
La médiation a cette fonction réparatrice de la personne en
souffrance. La médiation est une catharsis. Dans les situations
de harcèlement au travail, la victime est si affectée qu'elle est
incapable de s'exprimer et s'enferme dans sa souffrance et
s’ensuit un long arrêt-maladie. La décision prud’homale est
un début de réparation, mais reste insatisfaisante. La médiation
va permettre à la personne harcelée de poser des mots sur sa
souffrance, et de pouvoir dire à son harceleur (quand les deux
acceptent de se rencontrer) ce qui a été ressenti et vécu.
Les magistrats des Chambres sociales de la Cour
d’Appel de Paris, convaincus de l’utilité fondamentale de la
médiation dans sa vertu réparatrice, invitent les parties à aller
s’informer sur le processus de médiation, après plaidoiries et
pour le cours de leur délibéré. Il est en effet des décisions de
justice qui ne pourront jamais réparer un mal profondément vécu
et ressenti. En ce sens, le processus est profondément personnel,
en ce qu’il touche à l’être. Quelle que soit la matière
d’ailleurs.