Existe-t-il des données importantes concernant le handicap en milieu professionnel ?

 

Historiquement, concernant la diversité, les deux critères les plus travaillés en entreprise ont été l’égalité professionnelle femmes-hommes et le handicap. Un arsenal législatif important existe. Par exemple, une entreprise de plus de 20 salariés peut être tenue de respecter des quotas. Ainsi, elle doit compter 6 % de personnes en situation de handicap dans ses effectifs. Pourtant, si l’obligation légale est de 6 %, la moyenne nationale n’est que de 3,5 % (chiffres de la Dares 2023, ndlr). Si l’on peut pointer une réticence des entreprises, cela s’explique aussi par le fait que se déclarer handicapé est volontaire. Ce n’est pas obligatoire. Beaucoup de travailleurs ne font pas la démarche. Lors d’une de nos enquêtes de terrain, 9 % des gens seulement nous avaient dit qu’ils se déclareraient. Gardons également en tête qu’une majorité des handicaps sont invisibles.

 

 

Pour quelle raison les travailleurs n’informent pas leur entourage professionnel de leur handicap ?

 

Souvent, la question du handicap est résumée, réduite, au seul fauteuil roulant. Pourtant c’est assez minoritaire. Parmi les gens qui ont une RQTH, les personnes en fauteuil ne représentent que 2,5 %. Il y a un complet décalage entre la représentation qu’on se fait du handicap et sa réalité. Il existe une diversité de situations. Beaucoup tiquent quand ils voient une personne qui se gare sur une place handicapée mais posent leurs deux pieds aux sols. Le frein principal à la déclaration est donc la peur de la stigmatisation, des biais et des stéréotypes. Beaucoup ont peur que leur déclaration nuise à leur progression de carrière. 

 

 

Comment remédier à cela, voire l’éviter ?

 

Il faut que la lumière se fasse à tous les étages de l’entreprise pour veiller à l’équité et à l’épanouissement de ces personnes. Au niveau des valeurs, des prises de position fortes ou la parole des dirigeants par exemple. Tout le process RH doit être précis : nommer un référent handicap est important mais il faut surtout informer les collaborateurs de son existence. C’est essentiel d’avoir quelqu’un à qui parler pour remonter des situations et des déclarations. L’enjeu c’est de lutter contre la stigmatisation pour libérer la parole. Il faut que les personnes concernées aient le sentiment de pouvoir parler librement sans crainte du jugement. Évitons la pitié, l’infantilisation et l’indifférence, le syndrome du sauveur ou les pensées magiques (notamment pour des cas de handicap psychique). Travaillons sur nos propres clichés, ayons une démarche pour mieux comprendre ces situations. Bien sûr, pour créer un environnement de travail inclusif, trouver la bonne posture relationnelle et offrir une qualité d’écoute, le manager joue un rôle central. Dans environ 1 cas sur 2, la discrimination vient d’un supérieur. Il est donc aussi impératif de sensibiliser les équipes, l’interface directe de l’expérience collaborateur, afin de créer un cadre de confiance sans déni ni tabou.

 

 

Dans votre activité, vous informez également sur les maladresses du quotidien et les bonnes pratiques à appliquer vis-à-vis d’un collègue en situation de handicap. Pouvez-vous nous en parler ?

 

Les collègues ont souvent une posture paradoxale. Ils peuvent véhiculer involontairement des stéréotypes positifs mais contre productifs : les personnes handicapées sont sympathiques, courageuses, etc. C’est un peu étrange et affiche un postulat de pitié. Les stéréotypes négatifs eux insufflent un jugement lié à l’incapacité au travail : les personnes seraient lentes ou inadaptées. Cela vient évidemment freiner l’inclusion de ces personnes en entreprise. Quand on n’est pas acculturé au sujet, on est maladroit. On n’est pas toujours à propos, on fait des ponts entre des situations qui n’ont rien à voir, on stigmatise. Par exemple, en cas d’aménagement de poste, évitez le terme « d’avantage » pour parler plutôt de « compensation ». Et c’est dommageable d’être maladroit quand on est bienveillant. Les gens n’ont pas forcément envie d’être réduits à leur handicap ni d’être complètement ignorés. Partez du principe que votre collègue sait ce qu’il fait, vérifiez que l’aide est appréciée.

 

 

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