Volet de réforme phare du quinquennat présidentiel, la loi PACTE
n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et la
transformation des entreprises, vient d’être publiée (JORF du 23
mai), après invalidation partielle du Conseil constitutionnel
dans sa décision du 16 mai 2019 (par exemple concernant la
possibilité d’étendre les dérogations au travail de nuit dans le
secteur du commerce de détail alimentaire).
Cette importante réforme vient balayer toutes les branches du
droit « tous azimuts », au travers de 221 articles. Décidément,
la simplification ne peut donc se passer de la complexité, tant
la densité de ces mesures sera longue à « digérer » pour les
acteurs et les entreprises …
Bien que cela ait été peu médiatisé, la réforme aura des
incidences dans le domaine de la santé et sécurité au travail,
ainsi que de l’environnement.
Citons en synthèse les principales -par souci de visibilité-
mesures à retenir dans ce domaine :
1) Des impacts en matière de seuils d’effectifs :
Sans rentrer dans le détail très fourni de la réforme qui repose
ici sur 3 axes (rationaliser les différents seuils, uniformiser
leur mode de calcul et atténuer les effets dans le temps liés à
un franchissement de seuil), précisons ici que le mode de
comptabilisation de l’effectif sera dorénavant calculé en
référence au nouvel article L130-1 I du Code de la Sécurité
sociale, pour certaines obligations patronales, telles que :
? L’obligation d’emploi de travailleurs handicapés ;
? La désignation des référents « handicap » et « harcèlement »
;
? L’obligation de mise à disposition d’un local de restauration
pour les salariés souhaitant prendre un repas sur place ;
? La désignation d’un conseiller pour les travaux en milieu
hyperbare ;
? La tenue d’un document sur les changements d’affectation du
médecin du travail, la PME éligible au prêt de main-d’œuvre à but
non lucratif.
Concrètement, à compter du 1er janvier 2020, l'effectif salarié
annuel, apprécié au niveau de l'entreprise (y compris s’il y a
pluralité d’établissements), correspondra à la moyenne du nombre
de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année
civile N-1 (à noter toutefois que s’agissant de la tarification
ATMP, l'effectif pris en compte sera celui de la dernière année
connue). Un décret en Conseil d'Etat viendra définir les
catégories de personnes incluses dans l'effectif et les modalités
de leur décompte.
Dans ces domaines, à des fins d’atténuation, il est prévu -sauf
exceptions- que le franchissement à la hausse d'un seuil
d'effectif salarié n’aura d’effet contraignant qu’à partir du
moment où ce seuil aura été atteint ou dépassé pendant 5 années
civiles consécutives. En outre, le franchissement à la baisse
d’un seuil d’effectif sur une année civile aura pour effet de
faire à nouveau courir le délai de 5 ans (CSS, L130-1 II
nouveau).
Attention, ces changements ne s’appliqueront pas pour les
institutions représentatives du personnel (CSE et CSSCT), qui
restent régies par les dispositions spécifiques du Code du
travail.
Précisons par ailleurs que la loi n’imposera plus la mise en
place obligatoire du règlement intérieur que si l’entreprise ou
l’établissement emploie au moins 50 salariés (contre 20
actuellement, décomptés selon les règles du Code du travail), au
terme d’un délai de 12 mois à compter du franchissement de ce
seuil. Le formalisme sera ainsi allégé pour les entreprises, ce
qui ne leur interdit pas toutefois d’instaurer un règlement
intérieur en-deçà, eu égard à l’importance que peut présenter ce
document pour réglementer les conditions d’hygiène et de sécurité
et prévenir le harcèlement au travail.
2) Des impacts en matière d’intéressement :
Le régime de l’épargne salariale est très profondément modifié ; signalons ici que dorénavant, dans les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, cet accord pourra comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise, ce qui peut présenter un intérêt, notamment en lien avec le champ HSE par exemple.
3) Des impacts en matière d’environnement :
Parmi les nombreuses mesures prévues, l’une retient l’attention,
concernant la mise en place d’un cadre juridique dédié aux
plateformes industrielles, définies comme le regroupement d’ICPE
sur un territoire délimité et homogène conduisant, par la
similarité ou la complémentarité des activités de ces
installations, à la mutualisation de la gestion de certains des
biens et services qui leur sont nécessaires.
Les dispositions réglementaires prises au titre du Code de
l’environnement pourront être adaptées de manière à mieux prendre
en compte les spécificités des plateformes industrielles
répondant à cette définition et listées par arrêté ministériel,
afin de favoriser leur attractivité, ce qui constitue une avancée
importante.
4) Des impacts en matière de RSE et de gouvernance d’entreprise :
L’une des ambitions phares du législateur est ici de repenser la
place de l’entreprise dans la société, en renforçant la prise en
considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la
stratégie et l'activité des entreprises.
Il est tout d’abord précisé que toute société doit être gérée
dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux
sociaux et environnementaux de son activité, ce qui va au-delà de
l’intérêt des associés/ actionnaires de l’entreprise.
La responsabilité du ou des dirigeants sociaux pourra donc
désormais être appréciée au regard de cette exigence, puisque du
point de vue de l’intérêt social, tout prise de décision sera
soumise à cette « bande passante » sociale et
environnementale.
Au-delà des difficultés liées au caractère volontairement large
de ces termes, cela ne devrait pas manquer de faire bouger les
lignes en jurisprudence ainsi que dans les pratiques
décisionnelles et de gouvernance.
De manière facultative, la loi ouvre par ailleurs la possibilité
:
? A un niveau intermédiaire, de définir via les statuts de la
société une « raison d’être » de la société, « constituée des
principes dont elle se dote et pour le respect desquels elle
entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité »
;
? A un niveau plus contraignant, de faire publiquement état de la
qualité de « société à mission », sous réserve de remplir
certaines conditions strictes, telles que l’existence d’une
raison d’être statutaire, ou encore la fixation d’un ou plusieurs
objectifs sociaux et environnementaux dans le cadre de son
activité dont le suivi d’exécution est obligatoire (via un comité
de mission distinct des organes et une vérification par un
organisme tiers indépendant).
Certaines entreprises ont d’ores et déjà annoncé leur intention
de s’engager dans ces démarches, ce qui implique une véritable
volonté politique sur le long terme et de doter l’entreprise
d’une organisation et des moyens nécessaires.
En effet un tel engagement doit être bien mesuré, et trop
d’ambition peut conduire à un effet greenwashing contreproductif
…
Sous cette réserve, cette évolution légale a du sens en termes de
business responsable, et constitue assurément une opportunité.