Ces instructions précisent en particulier, lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir (C. Trav., L4122-1).

 

Ces instructions prennent ancrage sur les actions de formation et d’information en matière de sécurité au travail et de prévention des risques (C. Trav., L4121-1, 1° ; L4141-1 et suivants). Elles doivent être complétées par des consignes opérationnelles spécifiques (notices, affichages, modes opératoires, notes de service, etc.), lorsque la réglementation le prévoit (cf. nombreux textes) ou que la nature des expositions aux risques l’impose. 

 

Cette exigence est au cœur de l’obligation de sécurité et de protection de la santé.

 

En retour, chaque salarié doit suivre ces consignes : « Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail » (C. trav., L4122-1 alinéa 1).

 

En cas d’accident du travail, les mêmes questions reviennent toujours concernant l’application de ces principes :

 

  • Les consignes étaient-elles adaptées à la nature des risques liés à la situation de travail ?
  • Ont-elles été effectivement données au salarié ?
  • Comment ? Sur quel support ?
  • Ont-elles été comprises ? (cf. barrière de la langue, pédagogie, etc.)
  • Ont-elles été effectivement appliquées ?
     

Autant de sources potentielles de défaillances actives, influant négativement sur le comportement au travail des acteurs. 

 

Dans le contentieux civil ou pénal de la responsabilité, il s’agit d’un sujet de débat omniprésent.

 

Force est de constater que la jurisprudence se montre sévère à l’égard des employeurs, ce qui doit conduire à une grande vigilance au quotidien pour toute la chaîne managériale.

 

Dernière illustration en date, il vient d’être jugé que la faute inexcusable d’un employeur peut être retenue alors même que le salarié victime de l’accident avait reçu des consignes de sécurité verbales de son responsable hiérarchique, mais s’en est volontairement affranchi…

 

Pour les juges d’appel, l’employeur avait fait diligence et pris les mesures nécessaires, et ne pouvait raisonnablement anticiper dans ce contexte un écart volontaire du salarié. 

 

La Cour de cassation n’est pas de cet avis et considère qu’au contraire, l’employeur avait conscience du danger puisqu’il avait donné des consignes pour pallier à la situation dangereuse. Toutefois, en l’absence de mise en place d’une procédure spécifique face à une situation inhabituelle (appelé souvent maladroitement « mode dégradé »), elle considère que ces consignes simplement verbales étaient en l’espèce insuffisantes pour garantir le respect des mesures de protection mises en place.
 

(Cass. Civ 2ème, 13 novembre 2025, n° 24-10858)

 

Parfois, même l’existence de consignes écrites est jugée insuffisante face à un comportement imprudent du salarié (cf.  Cass. Civ 2ème 29 mai 2019, n° 18-17297 : conscience du danger retenue alors que l’AT était lié à un geste imprévisible et imprudent de l’intérimaire, qu’il avait reçu à sa prise de poste des consignes opératoires via son livret d’accueil ainsi qu’une formation dans sa langue sur la machine utilisée, et que la conformité de l’équipement n’était pas en cause). 

 

Même s’il est classique en jurisprudence qu’une faute inexcusable puisse être retenue en présence d’autres fautes concurrentes directement à l’origine de l’accident (y compris celle de la victime à moins qu’elle ne soit la cause exclusive du dommage), du point de vue des acteurs sur le terrain en entreprise, ce message n’en reste pas moins contreproductif du point de vue de l’objectif de prévention.

 

Pour le non-juriste, ces subtilités peuvent être peu intuitives et il est toujours difficile d’expliquer pourquoi la violation d’un ordre direct reçu peut se traduire par une responsabilité de l’employeur… 

 

Comment ne pas percevoir là une forme de déresponsabilisation des salariés, alors que le crédo est à la mobilisation de tous les acteurs et à développer la « culture sécurité » ?

 

Alors certes, l’employeur a la possibilité, dans le respect du droit disciplinaire, de sanctionner une violation de consignes au regard de son potentiel dangereux pour les personnes et/ou les biens (cf. exemple classique : refus de la consigne de port des EPI : Cass. Soc. 19 juin 2013, n° 12-14.246 – précédente chronique : Management DÉVIANT ou TOXIQUE : des pratiques sanctionnables… avec discernement !). On comprend ici qu’il puisse être mis en avant à l’appui du motif de sanction le fait que le comportement fautif soit de nature à mettre en cause la responsabilité de l’entreprise !

 

En conclusion, si l’existence de consignes verbales a toujours le mérite d’exister, mieux vaut toujours s’efforcer de formaliser les règles de conduite à tenir et modes opératoires, surtout lorsqu’ils présentent un enjeu de risque particulier ou nouveau.

 

Face à une analyse souvent très formelle des choses, le réflexe doit être à la traçabilité des actions de prévention. Cette documentation ne doit toutefois pas suivre une logique purement probatoire ; elle doit avant tout être conçue de manière utilisable afin de guider l’action, en tant que facteur de sécurité. 

 

Dans tous les cas, ces affaires montrent que l’exigence est également au contrôle et à la surveillance de la mise en œuvre effective des consignes, afin de ne pas « laisser faire » ni de s’accommoder de situations à risque, sous couvert d’une confiance ou de l’évidence selon laquelle le collègue a reçu une consigne.

 

Nombreux sont les cas où une transgression est possible et pour de nombreuses raisons (commodité, volonté d’efficacité, etc.), pouvant parfois aller jusqu’à des initiatives clandestines dangereuses (ex : shunt des sécurités électriques, etc.).

 

On retrouve ici la logique d’effectivité dans les mesures de protection (fil rouge de la démarche), qui nécessite une forte vigilance managériale autant qu’une vigilance partagée.