Alain Benlezar, Responsable Corporate qualité de vie au travail, AIR France KLM revient sur l’accord de prévention du stress au travail signé au sein du groupe qui a permis d’englober un ensemble de facteurs entraînant de la souffrance au travail.
Un accord qui va bien au-delà de la prévention du stress :
souffrance au travail, harcèlement, addictions…
Xavier Darcos avait souhaité que les entreprises de plus de 1 000
salariés négocient, soit un accord, soit un plan d’action pour la
prévention du stress au travail. Nous l’avons anticipé.
Nous avons décidé de prendre en charge non seulement le stress
mais également les troubles psychotraumatiques, le burn-out, la
prévention des conduites suicidaires, les violences externes
(passagers ou clients incivils ou violents), les violences
internes (harcèlements morals et sexuels).
La négociation de cet accord a démarré en novembre 2009 et s’est
conclue en mars 2010. Nous avions déjà négocié en 2003 et en 2008
des chartes de prévention des harcèlements au travail avec les
partenaires sociaux. Nous ne partions pas de rien, nous avions
toute une histoire.
Nous nous sommes rendus compte qu’à l’expérience de la première
charte, sur 8 cas de salariés qui se plaignaient d’être victimes
de harcèlement, de fait, ils étaient en souffrance au
travail.
Nous avions également négocié en 2008 une charte de prévention
des risques liés à l’alcool. Nous avions dans ce cadre modifié
notre règlement intérieur pour avoir une tolérance zéro :
aucune circulation, mise à disposition, vente de boissons
alcoolisées dans l’entreprise, y compris dans les restaurants
gérés par les CE ou par l’employeur lui-même.
Nous avons également dû évaluer et éliminer les impacts humains
dans les projets de changement. Une entreprise comme la nôtre
avait en moyenne 300 projets de changement par an, certains
mineurs, d’autres très importants.
De plus, nous sommes en train de réorganiser l’entreprise. Nous
avons un plan de départ volontaire de 5 122 salariés. Cela
suscite des inquiétudes, voire de l’anxiété, parfois même de la
dépression. Nous devons prendre en compte ces éléments-là, et ce
le plus en amont possible.
Pour cela, il faut disposer de diagnostics partagés au plus près
du terrain, intégrer la prévention des risques psychosociaux dans
les politiques de ressources humaines, professionnaliser la
chaîne d’acteurs et en particulier les managers de proximité.
La concrétisation de l’accord au quotidien
D’abord, nous avons mis en place des groupes pluridisciplinaires,
un au niveau corporate et un dans chaque établissement. Pendant
presque un an, nous avons sillonné la France et les différents
sites d’Air France pour présenter, sensibiliser et demander
l’implication de tous pour développer les mesures contenues dans
cet accord. Ensuite, nous avons partagé avec les partenaires
sociaux des fiches d’actions pratiques pour les managers.
Nous avons créé un site intraligne « Qualité de vie au travail »
autour de quatre dimensions : prévention des risques
physiques, prévention des risques psychiques, santé au travail,
mieux vivre au travail.
Nous avons mis aussi en place une méthodologie de renseignement
du Document Unique sur les risques psychosociaux, extrêmement
précise et très engageante. Notre objectif était que ce Document
Unique ne soit pas vécu comme une contrainte légale, mais comme
un outil et un tableau de bord pour tous les acteurs.
Nous avons mis en place un dispositif d’évaluation et de suivi du
stress professionnel qui mesure le stress, l’anxiété, la
dépression, en corrélation avec 29 stresseurs professionnels
(classeur de bonnes pratiques pour aider les managers). Cet outil
de diagnostic est basé sur le volontariat et l’anonymat, géré par
la médecine du travail. Ce questionnaire en ligne tourne autour
de 100 questions. Cet outil n’est pas uniquement fait pour
mesurer. C’est un outil d’aide à l’action.
Nous avons mis en place une méthodologie d’évaluation des impacts
humains dans les projets de changement à l’aide d’une grille de
cotation de l’impact. On demande aux chefs de projet et à leur
équipe, à partir d’une grille -toujours les 29 stresseurs- de
dire si, en termes de contexte organisationnel, sur la clarté des
rôles, les démarches contradictoires, les gestions du changement,
cela aurait un impact « très négatif », « négatif », « sans
impact », « plutôt positif » ou « réellement
positif ? ».
Nous avons mis en place des modules de formation sur la
prévention du harcèlement au travail, la gestion de la prévention
des violences et incivilités, le management par la qualité de vie
au travail. Ce dernier module de formation s’articule en
plusieurs axes : « Moi, manager, comment je dois connaître
les facteurs de risques psychosociaux ? Comment moi,
manager, je dois éviter d’en générer pour mon équipe et
moi-même ? Comment moi, manager, je dois utiliser des
leviers pour développer la qualité de vie au travail autour de la
reconnaissance, le dialogue, la proximité, la conciliation vie
professionnelle/vie privée ?