Loïc Lerouge - CNRS-Université de Bordeaux : Certaines formes d’organisation inadaptées créent du harcèlement

Certaines formes d’organisation inadaptées créent du harcèlement

MANAGEMENT RH / QVT || Risques psychosociaux
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07/05/2018
Loïc Lerouge - CNRS-Université de Bordeaux
Loïc Lerouge
chargé de recherche
CNRS-Université de Bordeaux

Chercheur internationalement reconnu pour ses travaux en droit comparé sur la santé mentale au travail, Loïc Lerouge est chargé d’organiser, avec Marie-France Hirigoyen, la 11e édition du Congrès International sur le Harcèlement et la violence au Travail à Bordeaux du 6 au 8 juin 2018.
L’occasion de faire le point sur ces sujets plus que jamais d’actualité.

Les situations de harcèlement moral ont selon vous beaucoup évolué ces dernières années, qu’entendez-vous par là ?
Effectivement, le climat économique change, le contexte social évolue et nous assistons à l’émergence de nouvelles formes de harcèlement. Ce harcèlement est dû à un contexte de travail en changement qui intensifie considérablement la pression portée aux individus.
Par exemple, certains managers deviennent harceleurs, sans forcément en avoir conscience. En étant eux-mêmes soumis à une exigence intensive sur leurs résultats, ils répercutent cette pression sur leurs équipes. Ces dernières sont susceptibles d’être connectées en quasi permanence, les frontières entre vie privée et vie professionnelle s’effacent et l’on demande de plus en plus de résultats dans des délais qui se réduisent.
Le harcèlement n’est plus alors une question d’individus et de relations interpersonnelles. Nous ne sommes plus toujours face à un individu malveillant et pervers, mais confrontés à une culture organisationnelle à refondre dans sa mise en œuvre.

Vous avez étudié et comparé l’approche juridique du harcèlement au niveau européen, en quoi diffère-t-elle selon les pays ?
En France, nous considérons le harcèlement en termes d’effets sur notre santé au travail. Le dispositif juridique français a pour objet de prévenir les atteintes physiques et mentales que peut avoir une situation de harcèlement. Dans la culture anglo-saxonne, le harcèlement est étroitement lié à la notion de discrimination. On considère que quelqu’un qui subit un harcèlement subit de fait une discrimination. Par exemple, des situations portant atteinte à l’égalité femme-homme peuvent être  assimilées à du harcèlement, voire même du harcèlement sexuel.

Le congrès international sur le harcèlement au travail que vous organisez à Bordeaux en juin va justement permettre de comparer ces approches ?
Le congrès va rassembler des chercheurs et des acteurs de la santé au travail issus de plus de 46 pays. C’est une occasion unique de croiser les savoirs et partager les expériences menées dans différents contextes. 200 présentations aborderont des thèmes allant des facteurs de risque organisationnels à l’identification des situations de harcèlement, à la prévention et à la législation, et du cyberharcèlement au harcèlement sexuel. Nous souhaitons que ce congrès ne soit pas qu’une rencontre de chercheurs, mais soit largement ouvert sur les acteurs de terrain. Toutes les interventions seront d’ailleurs traduites en simultané en français, anglais et espagnol.

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