Arnaud Chiche - C Santé en danger : « La santé n’est pas une marchandise »

« La santé n’est pas une marchandise »

MANAGEMENT RH / QVT || Santé / Qualité de vie au travail
/
28/04/2021
Arnaud Chiche  - C Santé en danger
Arnaud Chiche
Médecin anesthésiste-réanimateur, président (fondateur du collectif Santé en danger)
C Santé en danger

Fondé en juillet 2020, le collectif Santé en danger est né en réaction au Ségur de la santé, jugé insuffisant. Pour alerter sur la situation des soignants et proposer des solutions concrètes, le groupe s’est rapidement organisé en association et a lancé une enquête nationale au sujet de la souffrance au travail chez les soignants. Son fondateur, Arnaud Chiche, détaille les résultats de l’enquête et les revendications du collectif Santé en danger.

Qu’est-ce qui a motivé le collectif Santé en danger a lancé cette enquête ?
À l’origine, le collectif s’est un peu créé par la force des choses. En juillet 2020, j’ai créé un post sur les réseaux sociaux qui a eu un écho auprès de beaucoup de soignants. Assez vite, j’ai ressenti le besoin de créer un groupe, sur Facebook, pour récolter les témoignages des soignants en m’adressant à toutes les catégories du public et du privé. Cela avec l’idée d’appeler à un « Ségur 2 » ou une extension du Ségur, parce que des professions ont été oubliées. Parce que c’est essentiel dans un contexte d’épidémie. Et parce que c’est maintenant qu’il faut le faire.
L’enquête, c’est une initiative de Sandra Mercier, qui est également membre du collectif. Nous avons créé le collectif un peu naïvement, et sans avoir – pour ma part – d’expérience syndicale ou politique. Nous nous sommes rapidement aperçus que pour peser un peu plus sérieusement, il nous fallait une existence légale et aller au-delà du simple recueil de témoignages. D’où l’idée d’utiliser ces données pour étayer notre propos.

Quels sont vos constats ?
1877 professionnels de santé en France ont été sondés, du 26 novembre 2020 au 10 janvier 2021. Parmi eux, plus de 97% témoignent d’une augmentation de leur souffrance au travail. Plus de 74% ont déjà eu envie de jeter l’éponge. Plus de 46% ont déjà ressenti l’envie de pleurer sans pouvoir s’arrêter. Seulement 5% des répondants ne se sentent pas concernés par l’envie d’abandonner leur poste. Voilà, ce sont des chiffres assez éloquents. Notre idée, c’était de se servir de cette base pour être relayés et pour que notre voix porte. Thomas Brosset, médecin chirurgien membre du collectif, s’est dit que cela permettrait également de faire un audit. Parce que l’on s’aperçoit que beaucoup de gens démissionnent. Or, vous n’êtes pas sans savoir qu’un gros problème du secteur de la santé aujourd’hui, c’est le manque d’effectifs. Nous avons du mal à susciter des vocations, et c’est bien normal quand on voit les représentations faites de nos conditions de travail. Mais l’attractivité est un objectif très important. Au sein du collectif, nous réclamons un choc d’attractivité par la reconnaissance des statuts, des professionnels, par une meilleure revalorisation salariale, mais aussi par une amélioration des conditions de travail via par exemple les ratios, les effectifs…

Comment mieux protéger les soignants et améliorer la prévention des risques ?
L’extension du Ségur ou le « Ségur 2 », pour nous, ce serait ajouter tout ce qui n’a pas été pris en compte lors du Ségur précédent. À savoir une revalorisation salariale trop peu importante, l’oubli de certaines professions telles que les sages-femmes ou les aidants à domicile. Et surtout, le Ségur de la santé ne s’est pas intéressé au monde libéral, qui mériterait pourtant qu’on s’occupe de lui également. Il faut à tout prix une revalorisation, une reconsidération de ces métiers-là, qui sont absolument décisifs.
Aujourd’hui, je pense que nous avons été entendus, mais les efforts sont encore trop timides et insuffisants. Il faut poursuivre les revendications, la formation auprès de tout le monde. Et il faut bien se rendre compte que la société est régulée par le système de santé. Renforcer le système de soin est une priorité.

Les soignants, même s’ils continuent à subir cette crise, ils sont très mobilisés et ils le font pour assurer leurs missions. Même si c’est difficile, ils répondent présent. Ce que le collectif Santé en danger ne veut pas, c’est d’un hôpital-entreprise. Parce que la santé n’est pas une marchandise.

Le Ségur de la santé est une consultation des acteurs du système de soin français qui s’est déroulée du 25 mai 2020 au 10 juillet 2021.Son objectif présenté est de mettre en place une « grande réunion multilatérale des partenaires sociaux au ministère » afin de présenter un plan « pour traduire tout ce qui peut l'être dans le prochain budget de la sécurité sociale ». Plusieurs des mesures proposées par le Ségur de la santé ont été adoptées par l’assemblée nationale.