Mines et carrières : la réglementation du RGIE évolue

MANAGEMENT RH / QVT || Réglementation / droit social
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20/11/2019 - Sébastien MILLET

Les dispositions du Règlement général des industries extractives (RGIE), régi par le décret n° 80-331 du 7 mai 1980, fixent les règles particulières en matière de santé et de sécurité au travail applicables à l’exploitation des mines et carrières (installations souterraines et de surface).


Elles ont pour objet de compléter ou d’adapter les dispositions générales du Code du travail (Partie 4) pour tenir compte des spécificités des entreprises et établissements relevant des mines, des carrières et de leurs dépendances (cf. C. Trav., L4111-4, C. Minier art. L180-1 sur les mines et L351-1 sur les carrières).
En 2019, une série de modifications viennent impacter le RGIE, qui ont pour effet d’en alléger le contenu, dans les domaines suivants :

1°) L’utilisation d’équipements de travail mobiles :
Décret n° 2018-1022 du 22 novembre 2018, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, abroge le titre « Véhicules sur pistes » du RGIE.

Précisément, ce décret vient compléter les dispositions du Code du travail en ce qui concerne l’utilisation et les règles de circulation d’équipements de travail mobiles, équipés de leur propre moteur ou remorqués, et ne relevant pas du transport guidé.
Pour les exploitations à ciel ouvert, il est prévu que :

  • Les voies de circulation empruntées par les équipements de travail mobiles doivent respecter des prescriptions techniques particulières (en plus des exigences minimales de l’article R4323-50 du Code du travail), concernant l’éloignement des voies par rapport aux parois et talus, les pentes des voies de circulation et les lieux habituels de manœuvres présentant des risques de retournement ou de chute des équipements mobiles.

  • L’obligation de respecter des distances minimales de sécurité entre ces équipements de travail mobile (ainsi que leur chargement) et une ligne ou une installation électrique à conducteurs nus sous tension, sauf justification d’une impossibilité impérieuse (avec dans ce cas obligation de condamnation électrique préalable et définition des mesures de sécurité avant le début des travaux et en accord avec l’exploitant).

  • Par ailleurs, l’employeur doit réunir dans un dossier de prescriptions l’ensemble des informations fournies aux travailleurs au titre du Code du travail (conditions d'utilisation ou de maintenance, consignes et notice instructions du fabricant, conduite à tenir face aux situations anormales prévisibles, retours d’expérience permettant de supprimer certains risques) et du décret (notamment : règles d’entretien des voies de circulation ; règles de circulation des équipements de travail mobiles).

    Ce dossier doit être annexé au document unique d’évaluation des risques et accessible dans les mêmes conditions.

 
Concernant l’évolution des équipements mobiles dans une zone de travail, l’employeur a l’obligation, en référence à l’article R4323-51 du Code du travail :

  • de définir notamment les conditions de manœuvres en cas de visibilité insuffisante ;
  • de veiller à ce que tout équipement de travail mobile à l’arrêt sur terrain en pente et sans conducteur, soit maintenu immobilisé par tout moyen approprié.

 
2°) La réglementation du travail et de la circulation en hauteur
Dans le même esprit, un décret n° 2019-735 du 16 juillet 2019, applicable à compter du 18 juillet 2019, vient se substituer aux dispositions du titre du RGIE intitulé « Travail et circulation en hauteur », qui sont donc abrogées.

Toutefois, une période transitoire est ouverte jusqu’au 31 décembre concernant les mesures de prévention des chutes de hauteur à partir d’un plan de travail.
 
Par ailleurs, le décret précise qu’en cas de risque de chute dans l’eau, à défaut de possibilité de mettre en place une protection collective adaptée, l’employeur a l’obligation de s’assurer de la mise à disposition de bouées de sauvetage en nombre suffisant à proximité, et que tout travailleur exposé :
 

  • Sait nager ;
  • Porte effectivement l’équipement de protection individuelle adapté ainsi qu’un gilet de sauvetage ;
  • Reste constamment visible d’une autre personne à une distance garantissant un délai d’intervention des secours compatible avec la préservation de sa santé.

 

3°) Les risques liés aux entreprises extérieures intervenantes :

Un décret n° 2019-574 du 11 juin 2019, entré en vigueur le 14 juin 2019, abroge le titre du RGIE dédié aux « Entreprises extérieures ».

Sans être codifiées, les règles applicables sont désormais régies par ce décret, qui prévoit spécialement, concernant les entreprises extérieures :

  • L’obligation pour l’employeur d’établir un document dénommé « permis de travail » attestant les compétences détenues par le travailleur pour accomplir les travaux dangereux (cf. infra), et nécessaire, indiquant son aptitude médicale médical (après examen médical d’aptitude au titre du suivi individuel renforcé), et précisant les précautions à prendre avant, pendant et après ces travaux.

  • L’obligation pour le chef de l’entreprise extérieure de justifier auprès du chef de l’entreprise utilisatrice de la délivrance du permis de travail pour les travailleurs qu’il emploie (en complément des 5 points d’information préalables prévus à l’article R4511-10 du Code du travail).

  • L’obligation pour le chef de l’entreprise extérieure d’avertir immédiatement le chef de l’entreprise utilisatrice de la survenance de tout accident dans la mine ou la carrière (compte tenu notamment des obligations auxquelles est tenu l’exploitant en matière d’incident ou d’accident minier – cf. décret n° 2006-649 du 2 juin 2006).


En cas d’accident grave, défini ici en référence à l’article R4634-34 du Code du travail, comme « l'accident ayant entraîné la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou ayant révélé l'existence d'un danger grave, même si les conséquences ont pu en être évitées, ainsi que toute maladie professionnelle ou à caractère professionnel », le chef de l’entreprise extérieure doit en outre adresser dans les meilleurs délais une déclaration écrite au chef de l’entreprise utilisatrice et à l’Inspecteur des mines compétent.

  • L’obligation de tenir le plan de prévention est tenu à la disposition de l’organisme extérieur de prévention compétent pour assister en matière de sécurité et de santé au travail la personne physique chargée de la direction technique des travaux, ainsi que des personnes mentionnées à l’article R4512-12 du code du travail (à savoir l'inspection du travail, les agents de prévention des organismes de Sécurité sociale et, le cas échéant, de l'OPPBTP).

  • L’obligation pour le chef de l’entreprise extérieure, dans le cadre de travaux d’exploitation, d’établir les dossiers de prescriptions comportant les documents nécessaires pour communiquer les instructions de travail aux travailleurs, de façon « pratique et opérationnelle » (en complément des obligations d’information préalables visées à l’article R4512-15 du Code du travail, à savoir : exposition à des dangers spécifiques, mesures de prévention prises, zones dangereuses et signalisation, emploi des dispositifs collectifs et individuels de protection, voies d’accès et issues de secours).
    Le chef de l’entreprise extérieure doit les transmettre au chef de l’entreprise utilisatrice.

  • L’obligation pour le chef de l’entreprise utilisatrice de vérifier que les dossiers de prescriptions s’appliquant aux travaux en cause comportent les éléments nécessaires à leur exécution dans des conditions de nature à préserver la sécurité générale et la sécurité des personnels d’autres entreprises extérieures et de l’entreprise utilisatrice.

 
Dans le prolongement du décret précité, un arrêté complémentaire du 11 juin 2019 vient compléter la liste des travaux dangereux pour lesquels un plan de prévention (PdP) formalisé par écrit est obligatoire dans les mines, les carrières et leurs dépendances en référence à l’article R4512-7, 2° du Code du travail, c’est-à-dire quelle que soit la durée prévisible de l’opération.

Ainsi, en plus des travaux dangereux listés par l’arrêté général du 19 mars 1993, sont spécialement ajoutés :

  1. Les travaux dans les installations souterraines ou sur des chantiers souterrains pour lesquels au moins une des conditions suivantes est respectée :
    • Il s’agit de travaux d’exploitation proprement dit ;
    • L’opération représente pour les entreprises extérieures y participant plus de 24h au total ;
    • Le personnel des entreprises extérieures n’est pas accompagné en permanence par une personne désignée par l’entreprise utilisatrice pour veiller au respect des règlements ;

  2. Les travaux exposant les personnes à des chutes de hauteur de plus de 3 mètres.


4°) En matière d’équipements de protection individuelle :

Incidemment, ce même décret et cet arrêté du 11 juin 2019 viennent également abroger, à compter du 14 juin 2019 le titre du RGIE relatif aux équipements de protection individuelle (ainsi que l’arrêté du 24 juillet 1995 soumettant certains équipements de protection individuelle à des vérifications générales périodiques).

Précisons également que l’arrêté du 11 juin 2019 abroge au passage d’autres arrêtés antérieurs, à savoir :

  • L’arrêté du 14 mars 1996 relatif à la liste des travaux dangereux nécessitant, dans les industries extractives, un plan de prévention établi par écrit ;
  • L’arrêté du 6 août 1992 définissant à l’usage des médecins du travail ce que comporte la surveillance médicale des personnes exposées au bruit ;
  • L’arrêté du 6 août 1992 relatif à la méthode de mesurage des bruits sont abrogés.

 
5°) En matière de radioprotection des travailleurs (rayonnements ionisants)

Plus récemment, c’est un décret n° 2019-1158 du 8 novembre 2019, entré en vigueur le 11 novembre 2019, qui vient compléter les dispositions du Code du travail (elles-mêmes modifiées en profondeur par le décret n°2018-437 du 4 juin 2018 notamment) et remplace les dispositions la partie 1 du titre « Rayonnements ionisants » du RGIE (la partie 2 « environnement » avait déjà été abrogée à compter du 1er juillet 2018).

Est ainsi prévu :
 

  • L’obligation pour l’employeur, en complément de l’article R4451-58 du Code du travail, de constituer un dossier de prescriptions rassemblant les documents nécessaires permettant de communiquer aux travailleurs de façon « pratique et opérationnelle » les instructions de radioprotection qui les concernent (cf. notamment : précautions à prendre pendant l’exécution des travaux ; signalisation et conditions d’accès en zones délimitées au titre de l’article R. 4451-24 du code du travail ; consignes en cas d’incident concernant les sources radioactives ; conduite à tenir en cas d’accident ou d’incident radiologique).

  • Limitation des personnes habilitées à accompagner les sources radioactives scellées au seul travailleur chargé de la surveillance et du transport.

  • En matière de travaux souterrains de recherche ou d’exploitation de substances radioactives L’obligation pour l’employeur de s’assurer (en complément de l’article R4451-24 du Code du travail), , que les zones non exploitées sont efficacement isolées des zones de travaux en activité. Des mesures sont prises pour maîtriser le transfert du radon des zones non exploitées vers les zones de travaux en activité afin de respecter le principe d’optimisation et limiter l’accès aux zones de travaux (sur autorisation conformément aux instructions données par le conseiller en radioprotection – CRP).

    Obligation de tenir un dossier technique d’aérage, tenant compte du risque radon et lié aux poussières radioactives. Tout projet de modification de l’aérage doit être soumis à l’avis préalable du CRP (« sauf circonstance exceptionnelle », laissée à l’appréciation de l’employeur, sous le contrôle de l’administration ou des tribunaux). Idem en cas d’arrêt du dispositif et sous réserve de la prise des mesures de protection nécessaires. La reprise d’exploitation après arrêt prolongé d’un tel dispositif requiert en outre des mesures particulières (mesurages, zonage et autorisations).


A noter que ce décret est complété par un arrêté du 8 novembre 2019 applicable à compter du 11 novembre 2019, qui abroge les arrêtés pris en application de la partie 1 du du RGIE, à savoir :
 

  • Arrêté du 7 février 1996 portant renouvellement d’agrément d’un organisme ;
  • Arrêté du 15 janvier 1990 fixant les règles d’établissement et de transmission des statistiques d’exposition aux rayonnements ionisants du personnel des mines de substances radioactives ;
  • Arrêté du 28 juillet 1993 relatif à la composition et à la durée de validité de la carte individuelle de suivi médical du personnel de catégorie A.


En résumé, ces nouveaux textes réglementaires viennent dorénavant compléter le Code du travail, et « alléger » d’autant le contenu du RGIE, qui perd ainsi une part de spécificité, mais demeure néanmoins en vigueur dans l’essentiel de ses titres et dispositions.

Il en découle une superposition de textes qui ne va pas forcément dans le sens de la lisibilité d’ensemble.

En tout état de cause, si pour partie, ces obligations ne sont pas nouvelles, il s’agit pour les employeurs concernés d’obligations particulières de prudence ou de sécurité réglementaires dont l’inobservation est susceptible de constatation d’infractions et de poursuites pénales.

Précisons en effet que ces décrets ont pour effet de renvoyer aux règles générales de contrôle et de sanction du Code du travail en matière de santé-sécurité au travail (cf. livre VII de la 4e Partie : mises en demeure, demandes de vérifications, procédures d’urgence, etc.) indépendamment du régime de police administrative des mines susceptible de s’appliquer.

Il est donc essentiel, tant pour les exploitants que leurs sous-traitants, de documenter leur démarche de prévention des risques et d’assurer une traçabilité adaptée des diligences accomplies.