Les impacts de la loi PACTE dans le domaine du HSE

MANAGEMENT RH / QVT || Réglementation / droit social
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12/06/2019 - Sébastien MILLET

Volet de réforme phare du quinquennat présidentiel, la loi PACTE vient d’être publiée après invalidation partielle du Conseil constitutionnel. Cette importante réforme vient balayer toutes les branches du droit « tous azimuts », au travers de 221 articles


Volet de réforme phare du quinquennat présidentiel, la loi PACTE n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises, vient d’être publiée (JORF du 23 mai), après invalidation partielle du Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mai 2019 (par exemple concernant la possibilité d’étendre les dérogations au travail de nuit dans le secteur du commerce de détail alimentaire).
Cette importante réforme vient balayer toutes les branches du droit « tous azimuts », au travers de 221 articles. Décidément, la simplification ne peut donc se passer de la complexité, tant la densité de ces mesures sera longue à « digérer » pour les acteurs et les entreprises …
Bien que cela ait été peu médiatisé, la réforme aura des incidences dans le domaine de la santé et sécurité au travail, ainsi que de l’environnement.
Citons en synthèse les principales -par souci de visibilité- mesures à retenir dans ce domaine :

1) Des impacts en matière de seuils d’effectifs :

Sans rentrer dans le détail très fourni de la réforme qui repose ici sur 3 axes (rationaliser les différents seuils, uniformiser leur mode de calcul et atténuer les effets dans le temps liés à un franchissement de seuil), précisons ici que le mode de comptabilisation de l’effectif sera dorénavant calculé en référence au nouvel article L130-1 I du Code de la Sécurité sociale, pour certaines obligations patronales, telles que :
? L’obligation d’emploi de travailleurs handicapés ;
? La désignation des référents « handicap » et « harcèlement » ;
? L’obligation de mise à disposition d’un local de restauration pour les salariés souhaitant prendre un repas sur place ;
? La désignation d’un conseiller pour les travaux en milieu hyperbare ;
? La tenue d’un document sur les changements d’affectation du médecin du travail, la PME éligible au prêt de main-d’œuvre à but non lucratif.
Concrètement, à compter du 1er janvier 2020, l'effectif salarié annuel, apprécié au niveau de l'entreprise (y compris s’il y a pluralité d’établissements), correspondra à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile N-1 (à noter toutefois que s’agissant de la tarification ATMP, l'effectif pris en compte sera celui de la dernière année connue). Un décret en Conseil d'Etat viendra définir les catégories de personnes incluses dans l'effectif et les modalités de leur décompte.

Dans ces domaines, à des fins d’atténuation, il est prévu -sauf exceptions- que le franchissement à la hausse d'un seuil d'effectif salarié n’aura d’effet contraignant qu’à partir du moment où ce seuil aura été atteint ou dépassé pendant 5 années civiles consécutives. En outre, le franchissement à la baisse d’un seuil d’effectif sur une année civile aura pour effet de faire à nouveau courir le délai de 5 ans (CSS, L130-1 II nouveau).
Attention, ces changements ne s’appliqueront pas pour les institutions représentatives du personnel (CSE et CSSCT), qui restent régies par les dispositions spécifiques du Code du travail.
Précisons par ailleurs que la loi n’imposera plus la mise en place obligatoire du règlement intérieur que si l’entreprise ou l’établissement emploie au moins 50 salariés (contre 20 actuellement, décomptés selon les règles du Code du travail), au terme d’un délai de 12 mois à compter du franchissement de ce seuil. Le formalisme sera ainsi allégé pour les entreprises, ce qui ne leur interdit pas toutefois d’instaurer un règlement intérieur en-deçà, eu égard à l’importance que peut présenter ce document pour réglementer les conditions d’hygiène et de sécurité et prévenir le harcèlement au travail.

2) Des impacts en matière d’intéressement :

Le régime de l’épargne salariale est très profondément modifié ; signalons ici que dorénavant, dans les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, cet accord pourra comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise, ce qui peut présenter un intérêt, notamment en lien avec le champ HSE par exemple.

3) Des impacts en matière d’environnement :

Parmi les nombreuses mesures prévues, l’une retient l’attention, concernant la mise en place d’un cadre juridique dédié aux plateformes industrielles, définies comme le regroupement d’ICPE sur un territoire délimité et homogène conduisant, par la similarité ou la complémentarité des activités de ces installations, à la mutualisation de la gestion de certains des biens et services qui leur sont nécessaires.
Les dispositions réglementaires prises au titre du Code de l’environnement pourront être adaptées de manière à mieux prendre en compte les spécificités des plateformes industrielles répondant à cette définition et listées par arrêté ministériel, afin de favoriser leur attractivité, ce qui constitue une avancée importante.

4) Des impacts en matière de RSE et de gouvernance d’entreprise :

L’une des ambitions phares du législateur est ici de repenser la place de l’entreprise dans la société, en renforçant la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l'activité des entreprises.
Il est tout d’abord précisé que toute société doit être gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité, ce qui va au-delà de l’intérêt des associés/ actionnaires de l’entreprise.
La responsabilité du ou des dirigeants sociaux pourra donc désormais être appréciée au regard de cette exigence, puisque du point de vue de l’intérêt social, tout prise de décision sera soumise à cette « bande passante » sociale et environnementale.
Au-delà des difficultés liées au caractère volontairement large de ces termes, cela ne devrait pas manquer de faire bouger les lignes en jurisprudence ainsi que dans les pratiques décisionnelles et de gouvernance.
De manière facultative, la loi ouvre par ailleurs la possibilité :
? A un niveau intermédiaire, de définir via les statuts de la société une « raison d’être » de la société, « constituée des principes dont elle se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité » ;
? A un niveau plus contraignant, de faire publiquement état de la qualité de « société à mission », sous réserve de remplir certaines conditions strictes, telles que l’existence d’une raison d’être statutaire, ou encore la fixation d’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux dans le cadre de son activité dont le suivi d’exécution est obligatoire (via un comité de mission distinct des organes et une vérification par un organisme tiers indépendant).
Certaines entreprises ont d’ores et déjà annoncé leur intention de s’engager dans ces démarches, ce qui implique une véritable volonté politique sur le long terme et de doter l’entreprise d’une organisation et des moyens nécessaires.
En effet un tel engagement doit être bien mesuré, et trop d’ambition peut conduire à un effet greenwashing contreproductif …
Sous cette réserve, cette évolution légale a du sens en termes de business responsable, et constitue assurément une opportunité.