A quelques jours de Préven'Ouest, le
Ministre du travail Xavier Bertrand a répondu à nos questions sur
le récent bilan RPS et sur sa politique de Santé au travail.
Préventica : Le 19 avril, vous avez dressé un premier
bilan qualitatif des actions prises par les entreprises en terme
de prévention des risques psychosociaux. Vous semblez optimiste,
évoquant la signature de près de 600 accords ou plans dans les
entreprises de plus de 1 000 salariés (soit une sur deux).
Néanmoins, vous avez demandé au directeur général du travail
d’inciter, par courrier nominatif, les 50 % restantes à engager
des plans de négociation. Cela va-t-il suffire ?
Xavier Bertrand : Le bilan qui a été présenté donne des indications sur les aspects qualitatifs à prendre en compte pour engager une démarche de prévention des risques psychosociaux. Il montre une vraie mobilisation de la France qui est en train de rattraper le retard qu'elle avait par rapport aux pays scandinaves, les plus avancés sur le sujet. Ce qui est demandé aux entreprises, au delà de la réponse à une obligation réglementaire, c’est de comprendre avec la participation des salariés, comment redonner au travail sa place et son sens pour en faire une valeur qui contribue à la fois à la préservation de la santé et à la performance de l’entreprise. Je suis persuadé que c’est la ténacité qui contribuera à ce que les choses évoluent dans ce domaine complexe. Mon action s’inscrit dans la continuité de ce que j’ai initié en 2008 avec le rapport de Philippe Nasse et Patrick Légeron et du plan d’urgence sur la prévention du stress lancé par Xavier Darcos en octobre 2009. Ce plan a d’ailleurs trouvé son prolongement dans la politique de santé au travail des quatre prochaines années avec les actions ciblant les risques psychosociaux du deuxième Plan Santé Travail (2010-2014).
Préventica : Au-delà de ces plans, il reste encore à
faire pour réduire le mal-être des salariés français et optimiser
leurs conditions de travail. Comment l’Etat va-t-il continuer à
accompagner les entreprises et contribuer à l’émergence de ce
vous appelez le « modèle social français » ?
Xavier Bertrand : Je pense que la démarche doit
être double. On ne peut avancer réellement sur ces questions sans
dialogue social. Il faut que les acteurs de l’entreprise
dialoguent sur ce qui est au cœur de leur relation : le travail,
la façon dont il évolue, s’organise, est reconnu. Parallèlement,
il est indispensable de proposer des outils qui rendent la
démarche compréhensible et qui permettent de faire un diagnostic
partagé de qualité, préalable indispensable à tout plan d’action
pour que les changements deviennent perceptibles. Nous y
travaillons avec l’ensemble des organismes de prévention qui sont
là pour accompagner les entreprises dans leur démarche de
prévention.
Enfin, il faut inciter les entreprises à développer des actions
sous l’angle positif du bien-être au travail comme le propose le
rapport «Bien-être et efficacité du travail» de Henri Lachmann,
Muriel Pénicaud et Christian Larose. A ce titre, la formation des
managers est un point essentiel. C’est la raison pour laquelle
j’ai lancé en janvier dernier dans le cadre du Réseau francophone
de formation de santé au travail un site où sont mis en ligne les
outils nécessaires à la formation des futurs managers et
ingénieurs sur les questions de santé-sécurité au travail. Ces
outils, au service des formateurs et des enseignants, permettront
aux futurs encadrants de bénéficier des fondamentaux nécessaires
à l’exercice de leurs responsabilités au sein de leurs équipes.
Préventica : Cette question de la prévention des RPS est
liée à la problématique, plus générale, du management de la
santé-sécurité dans l’entreprise et au rôle que doivent y tenir
les CHSCT. Ces derniers ont-ils réellement les moyens d’être
acteurs d’une politique d’amélioration des conditions de travail
?
Xavier Bertrand : J’ai conscience que le CHSCT est devenu un acteur très important sur des questions de plus en plus complexes et qui sont à la croisée des rôles des différentes instances représentatives du personnel : une fonction de proximité avec les salariés que les délégués du personnel connaissent bien et un rôle consultatif majeur du comité d’entreprise sur les décisions importantes qui sont à l’origine des changements et affectent l’organisation du travail. Les partenaires sociaux doivent poursuivre le dialogue engagé sur les IRP et le rôle du CHSCT. Ils sont les mieux placés pour faire des propositions.
Préventica : On constate au travers du bilan et de vos
engagements que la situation est sous contrôle dans les grandes
entreprises. Mais qu’en est-il dans les TPE et PME, pour
lesquelles les modèles standards ne sont pas applicables ? Que
comptez-vous faire concrètement pour ces petites et moyennes
structures ?
Xavier Bertrand : Les TPE et PME ont besoins d’outils concrets, simples mais pas simplistes, parce que survoler la question de l’évaluation des risques psychosociaux c’est courir le risque d’y revenir en situation de crise. Deux pistes complémentaires doivent contribuer à aider ces entreprises. D’une part l’ouverture sur le site «travailler-mieux.gouv.fr», dès septembre, d’une nouvelle rubrique dédiée aux TPE et PME pour les accompagner dans leur démarche de prévention des risques psychosociaux. Ce site est enrichi au fil du temps de nouveaux outils. D’autre part au niveau des branches professionnelles, j’ai demandé que les branches présidées par des agents de mon ministère et qui sont celles qui regroupent généralement des petites et moyennes entreprises, abordent ce thème pour développer une fonction d’appui notamment sur la prise en compte des risques psychosociaux. La branche connaît les caractéristiques des secteurs d’activité qu’elle représente, elle peut mutualiser les moyens et mettre en place de véritables outils partagés. Certaines, comme dans le secteur de l’économie sociale et les coopératives de consommation, l’ont déjà fait.
Préventica : Vous avez fait de la réforme de la médecine
du travail l’une de vos priorités. Cette réforme va-t-elle
permettre de prendre en compte l’ensemble des problématiques
évoquées précédemment et de mener une politique de prévention des
risques d’égale efficacité pour tous les salariés ?
Xavier Bertrand : Une première réforme de la médecine du travail réalisée en 2002 et 2004, a contribué à faire évoluer la médecine du travail vers une culture de la promotion de la santé en milieu de travail, conformément aux engagements européens de la France. Les questions de santé au travail et de protection des salariés demeurent un enjeu social majeur. La proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail préserve les grands principes sur lesquels repose notre organisation du système de santé au travail tout en apportant une approche globale et collective, complémentaire de l’approche individuelle. Cette approche est aujourd’hui indispensable dans un contexte de forte évolution des risques professionnels (troubles musculosquelettiques, risques chimiques…). Ce projet met l’accent sur une organisation pluridisciplinaire autour des médecins du travail, acteurs incontournables de prévention dans les entreprises et, en particulier, dans les plus petites d’entre elles. Il permet, tout en préservant les compétences exclusives du médecin sur les missions que lui seul peut conduire, de s’appuyer sur des compétences diverses (intervenants en prévention des risques professionnels, infirmiers, assistants de santé au travail,…) pour accroître les capacités du service de santé au travail, et ainsi améliorer la prévention des risques professionnels. Il s’agit de mettre en place une médecine du travail enrichie des compétences spécialisées, venant épauler la mission centrale du médecin.
Préventica : Depuis 15 ans, Préventica réunit 10
000 professionnels sur chacun de ses deux rendez-vous annuels et
œuvre pour la maîtrise des risques et la qualité de vie au
travail.
Par quels moyens pensez-vous que le Congrès/Salon puisse agir
comme un véritable relais à l’ensemble de vos missions ?
Xavier Bertrand : C’est une initiative
intéressante et utile parce qu’elle permet de toucher de nombreux
chefs d’entreprises et acteurs qui ont un rôle quotidien à jouer
pour une meilleure prévention des risques professionnels. C’est
l’occasion d’organiser des échanges en matière de prévention des
risques professionnels et d’échanger les bonnes pratiques en
matière de politique de santé et de sécurité au travail.