Le Lean ne constitue en aucun cas un abri anticrise, car la
survie d’une entreprise dépend avant tout des bénéfices issus de
ses ventes.
Bien qu’une entreprise Lean puisse espérer une meilleure
profitabilité de par son efficience et par son positionnement
concurrentiel, une entreprise parfaitement Lean sans commandes ne
peut espérer survivre. La loi de l’offre et de la demande
s’applique avec plus de rigueur encore durant les périodes
difficiles, la leanitude est par conséquent une condition de
survie favorable, mais non suffisante en temps de crise.
Ces rappels faits, quels conseils peut-on donner face à une
période difficile ?
Sautez le pas !
Le premier concerne les entreprises peu avancées en matière de
transformation Lean et consiste à utiliser la crise comme
catharsis pour évacuer les craintes et hésitations face au
changement. Ces dernières sont d’autant plus fortes que la
situation n’est pas perçue comme grave, sérieuse.
En effet, il est humain de préférer le maintien du confort
relatif d’une organisation et des modes de fonctionnement connus.
Ce frein au changement puissant demeure tant que les
circonstances ne commandent pas de changer radicalement et sans
délai.
La gravité de la situation, réelle ou dramatisée, peut ainsi être
utilisée pour engager une transformation, qui dans d’autres
circonstances se serait heurtée à de fortes résistances.
Il faut ensuite engager une transformation ambitieuse, car non
seulement un tel moment favorable peut ne plus se présenter, mais
une crise va raffermir les entreprises réellement Lean par
rapport à celles qui n’ont déployé que de la « cosmétique Lean ».
Veillez à votre réseau !
Le second conseil s’adresse à toutes les entreprises,
particulièrement à celles qui, avancées en matière de Lean,
risquent de se complaire dans son illusoire protection.
Le retour d’expérience de la crise de 2008-2010 montre que, dans
bien des cas, les pertes de commandes et les allongements de
délais de paiement cumulés ont eu un effet domino funeste sur la
chaîne d’approvisionnement, causant la défaillance de
fournisseurs, certains stratégiques. Ces défaillances impactent
par ricochet l’entreprise cliente qui elle-même, isolément,
demeurait relativement épargnée. Dans un tel cas, la conséquence
d’une défaillance d’un partenaire stratégique est relativement
identique, que l’entreprise cliente soit Lean ou pas.
Le conseil est donc de vérifier scrupuleusement la robustesse de sa Supply Chain, d’aider au déploiement Lean les fournisseurs stratégiques qui le nécessitent et le méritent et/ou d’étudier des scénarios alternatifs en cas de défaillance de certains maillons.
Veillez à la réactivité et à
l’agilité de l’entreprise
Le troisième conseil est de veiller à la réactivité et à
l’agilité de l’entreprise. En effet, dans une période turbulente
telle que durant une crise, les incertitudes et les pertes de
confiance conduisent à la réduction de la visibilité. Les
commandes fluctuent, majoritairement à la baisse, avec des
préavis de plus en plus courts, voire nuls. Il existe néanmoins
des cas d'augmentations brusques de demandes, notamment dans le
cadre de reports de commandes initialement passées à des
fournisseurs défaillants ou trop lents à réagir.
Les difficultés des concurrents sont des opportunités à exploiter
pour asseoir une réputation de fournisseur réactif, fiable. Sans
compter que face à ses propres difficultés, un client peut
accepter de payer les dépannages au prix fort. Ce dernier levier
étant à utiliser avec intelligence, car autant un client pourra
se souvenir favorablement d’un dépannage en temps difficiles,
autant il se souviendra avec certitude et défavorablement s’il se
sent pris en « otage ».
Mises en garde et rappels aux
décideurs et managers
Le quatrième conseil est fait d’une série de mises en garde et rappels qui visent les décideurs et managers.
Gardez vos ressources sous tension
positive
Les périodes de sous-charge procurent aux entreprises des
opportunités pour travailler sur des projets d’améliorations avec
les ressources humaines disponibles. En temps ordinaires, de trop
nombreuses initiatives achoppent sur le manque de disponibilité
des acteurs ou sur la priorité donnée à un fonctionnement
quotidien pourtant sub-optimal.
Les améliorations permettent de préparer la reprise, l’avenir.
Gare à la tentation de stopper les actions de progrès engagées,
les formations, etc.
Revisitez vos processus,
organisations et modes opératoires
Rappelons également que Lean est une démarche qui s’autofinance au travers des économies réalisées, ce qui la met en position très favorable en période de crise où les dépenses sont fortement réduites et les crédits difficiles à obtenir. Les gaspillages sont un « luxe de riches » que les entreprises peuvent se permettre moins que jamais dans une situation de crise, dans laquelle les gaspillages y compris ceux négligés jusque-là deviennent des opportunités, des priorités du moment.
Visez le long terme et la pérennité
Le management démontre ses réelles qualités dans la gestion des temps difficiles. Il démontre sa légitimité et mérite l’adhésion des subordonnés par son exemplarité et son engagement sur le long terme. Attention à ne pas utiliser les outils du Lean dans une optique purement productiviste, sans déployer la philosophie qui les lie, faute de quoi les acteurs continueront à vivre les désillusions successives de ce qu’ils peuvent ressentir comme la nouvelle mode du moment.
En guise de conclusion
Si l’on admet, à la lueur de ces quelques indications, que le
Lean ne constitue pas un abri anticrise, l’effet psychologique du
Lean sur les personnels semble lui, indéniable, car 96 % des
participants à l’édition 2009 de l’étude européenne « Automotive
Lean Production » pensaient que le Lean aide à surmonter une
crise.
Le retour d’expériences de celle de 2008-2010 devrait livrer des
indications intéressantes sur les mythes et réalités entourant
cette question et valider ou non l’hypothèse d’une meilleure
résistance des entreprises Lean et de leur résilience face à la
crise.
Retrouvez Christian Hohmann sur son site web http://chohmann.free.fr et son blog http://hohmann.over-blog.com