Une obligation de sécurité durcie par les juges

DOSSIER
ORGANISATION DE LA PREVENTION || Management SST / 18/04/2013

Sur la base de cette obligation de résultat, les juges n’hésitent plus aujourd’hui à annuler un projet de réorganisation qu’ils jugent dangereux ou pathogène.

Pour la première fois, avec l’arrêt Snecma du 5 mars 2008, les magistrats de la Cour de cassation ont autorisé les syndicats d’une usine Seveso à demander, en urgence, devant le tribunal de grande instance (TGI), l’annulation d’une  nouvelle organisation de travail qui compromettait la santé et la sécurité des salariés.
Cet arrêt a eu un fort impact sur les juges de 1ère instance, qui ont ainsi parfaitement adopté la logique préventive initiée par la Cour de cassation. Désormais, quand les représentants du personnel les alertent sur un projet de réorganisation, ils n’hésitent plus, au nom de l’obligation de sécurité, à annuler ou suspendre le projet, quel qu’en soit l’impact économique pour l’employeur.

Le TGI de Lyon a ainsi condamné sévèrement la caisse d’Epargne Rhône-Alpes Sud pour avoir mis en place une organisation managériale de benchmarking, sans en mesurer suffisamment les effets en termes de santé mentale. Dans cette affaire, les syndicats ont obtenu des juges l’interdiction  du déploiement de ce projet RH, car il visait, en pratique, à mettre en concurrence des salariés en leur proposant pour seul objectif,  de faire mieux que leurs collègues de travail. Cette organisation, jugée extrêmement stressante pour les salariés et néfaste pour le climat social de l’entreprise a entraîné la condamnation de l’employeur. Les syndicats pour faire valoir en justice le bien-fondé de leur inquiétude s’appuyaient sur une expertise du CHSCT et les observations de l’inspection du travail, des assistantes sociales et de la médecine du travail.

Code du travailTous ces acteurs de prévention avaient explicitement alerté l’employeur « sur les risques psychosociaux d’un tel système ». Le fait que l’employeur ait mis en place un observatoire des risques psychosociaux, un numéro vert, un plan d’action « qualité du travail » a été jugé complètement insuffisant par le tribunal. En effet, l’ensemble de ces mesures intervenait a posteriori, une fois le risque réalisé, ce qui est contraire à une logique de prévention (TGI Lyon, ch. 1, sect. 2, 4 sept. 2012, no 11/05300). L’article L. 4121-2 du Code du travail qui définit les principes généraux de prévention précise d’ailleurs explicitement que le risque doit être combattu à la source.
Le TGI de Paris a, lui aussi, annulé une opération d’externalisation conduite par la société Areva en reprochant à l’employeur de n’avoir pas suffisamment pris en compte, en amont, l’impact de cette réorganisation sous l’angle des risques psychosociaux (TGI Paris, 5 juill. 2011, no 11/05780).

Plus récemment encore et pour la première fois, la Cour d’appel de Paris n’a pas hésité à faire le lien entre obligation de sécurité et conduite d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Dans cette affaire qui concernait la FNAC, lors de l’élaboration de son PSE, l’employeur s’est vu reprocher de ne pas avoir évalué et chiffré, en amont, la surcharge de travail, génératrice de stress, que les salariés restant en poste auraient à subir à la suite du PSE. Le projet prévoyait notamment la suppression de 100 % des postes de responsables locaux (RH, finances et communication), au profit d’une centralisation de ces fonctions au niveau régional. Il en découlait inexorablement un report des tâches correspondantes sur les directeurs de magasin et les responsables RH régionaux restant en poste, sans que l’employeur ait pris la peine d’évaluer quantitativement le surcroît de travail en résultant.
Saisis par les syndicats et les CHSCT, les juges en ont tiré les conséquences : la mise en œuvre du projet de réorganisation ainsi que les ruptures des contrats prévues par le PSE devaient immédiatement être suspendues (CA Paris, pôle 6, ch. 2, 13 décembre 2012, n° 12/00303).

Remarque
En cas de risque psychosocial caractérisé, peuvent agir en justice pour faire annuler ou suspendre en urgence auprès du TGI une mesure patronale, les syndicats mais également, et c’est aussi un apport de l’affaire FNAC, les CHSCT. Contrairement aux syndicats, l’action des CHSCT est cependant limitée aux seuls établissements qu’ils représentent et ne vise pas l’entreprise dans son ensemble.

 

Dossier réalisé avec l’aimable collaboration de Wolters Kluver France

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