La mise en œuvre du Lean Manufacturing chez Saunier Duval

Etude de cas

DOSSIER
ORGANISATION DE LA PREVENTION || Management SST / 01/11/2012

« Agility, c’est le nom du projet qui a été mené voici un peu plus de deux ans », indique Vincent Lemaître, chargé de projet Supply Chain et par ailleurs "Broker", c’est-à-dire interface entre le client et l’usine : « nous avions pour objectifs de standardiser et de simplifier les flux physiques et les flux d’information, d’approvisionner et d’évacuer les lignes d’assemblage en flux synchrone par trains, de confier le pilotage de la performance logistique interne à un "service flux" dédié, d’améliorer la sécurité et l’ergonomie du quotidien ».
La résolution de cette problématique multiple a conduit à optimiser les stocks, accroître l’efficacité de la main-d’oeuvre indirecte, supprimer les gaspillages en vue d’optimiser les flux internes.


Le contexte

Site industriel français de Vaillant Group, acteur majeur sur le marché européen du confort de la maison (chauffage, climatisation), l’usine Saunier Duval à Nantes a pour ambition de se différencier par l’excellence industrielle.
Cette excellence passe par le développement des énergies renouvelables, comme en témoignent les investissements réalisés dans les lignes de production de panneaux solaires thermiques et de pompes à chaleur. Elle passe également par un pôle de recherche et développement performant, et par une politique d’entreprise fondée sur la responsabilité globale et le développement durable.

Avec l’objectif d’assurer la pérennité économique de l’entreprise, le site industriel de Nantes repense sa Supply Chain pour la rendre plus responsable tant d’un point de vue économique qu’environnemental, en application du principe "moins consommer, mieux consommer".
Transport intermodal, optimisation des flux de livraison et d’expédition, chasse aux kilomètres inutiles… Tels sont les mots d’ordre pour les années à venir.


Le projet Agility de Lean Manufacturing : les petits trains approvisionnent les lignes

« A l’instar du tramway nantais qui s’oppose au taxi, il s’agissait pour nous de transformer le mode de livraison classique d’antan, point à point, par un mode de livraison par tournées ». Quelle serait alors la mission du chauffeur de ce train ? « De garantir le bon fonctionnement de l’atelier… », indique Vincent Lemaître, «… en approvisionnant les pièces demandées, là où elles sont demandées, quand elles sont nécessaires ».

Le chauffeur de train effectue sa tournée au sein des ateliers, ramasse tout ce qui est vide, va chez le fournisseur, remplit les bacs vides, et poursuit sa tournée de livraison aux clients. À cet égard, le train peut être vu comme un "métronome" qui transmet l’information relative à la consommation du client (rythme, nature) au travers de prélèvements réguliers et définis.
Des horaires réguliers… Des batchs réguliers… Le train livre les pièces demandées au plus près du point de montage, voire au plus près de la main de l’opérateur : dans l’esprit du Toyota Production System, le transport est en effet un "muda", un gaspillage qui doit être minimisé car il n’apporte pas de valeur ajoutée au client final.

En outre, le mouvement est considéré lui aussi comme un "muda" s’il ne contribue pas directement à l’ajout de valeur sur le produit fini : pour l’opérateur, le fait de tendre un bras pour prendre une pièce ou de faire un pas de côté est en effet un "muda".


Des standards partout

« Tout ceci impose l’existence de standards », estime Vincent Lemaître : « le travail du train doit être répétable, et pour ce faire, il y a lieu de définir quatre standards : la gamme de travail (l’ordre dans lequel le chauffeur de train va effectuer sa tournée), le plan de chargement (pour charger plus vite, et pour décharger plus vite), l’itinéraire (optimisé et imposé au sein de l’usine de manière à éviter tout risque d’accident), des horaires ou plutôt un temps de tournée ».

Concrètement, le fournisseur met ses composants à disposition du train dans le supermarché gros volume (palettes complètes de produits) du lean manufacturing : son rôle est de ranger un maximum de pièces (3 000 références) dans un minimum d’espace de façon à ce que le train fasse un minimum d’arrêts pour collecter les composants nécessaires à la production d’un ou de plusieurs produits.

Passage obligé du lean et de la réduction des mudas : les petits emballages en lieu et place des gros conteneurs d’antan. C’est un préalable à la mise en flux des stocks et des en-cours. Il est alors plus aisé de placer toutes les pièces en bord de ligne, donc de produire plusieurs modèles sur la même ligne, en séquence et par petits lots, dans un espace réduit. D’où réduction des encours, des stocks et des délais. Les petits emballages sont mis en flux sur des structures modulaires, les "flowracks" qui autorisent la personnalisation des bords de ligne de façon à en accroître la productivité, car la ligne est le lieu de création de la valeur ajoutée.

Le flowrack est le grand allié du lean manufacturing. C’est le standard de travail mis en oeuvre partout, dès l’atelier de pré-assemblage de pièces, avant d’être livrées à l’assemblage final. Il s’agit d’une structure tubulaire modulaire personnalisée et ergonomique qui remplace les anciennes structures de stockage de masse et autorise le micro-ordonnancement de la production. Tout y est paramétrable : longueur, largeur, largeur, architecture, équipements optionnels…

Le matin, à la prise de poste, l’opérateur se rend sur la ligne renfermant le moins de stock pour produire en respect des bons de travail qui s’y trouvent déposés et de la contenance (ou du poids) des bacs dans lesquels ils seront disposés. La prise de décision est visuelle. Les lignes sont dimensionnées de façon à ce que l’allure y soit à peu près homogène. Le chauffeur de train, après contrôle de l’ordre de fabrication, embarque les bacs qui s’y trouvent et les emporte vers les lignes d’assemblage.

La rentabilité (240 000 €) a été atteinte au cours des deux années du projet de déploiement du Lean dans l’usine de Nantes, essentiellement grâce à l’optimisation de la main-d’oeuvre.


Les problèmes résolus

Quelles sont alors les problématiques rencontrées ? « La première correspond à ce que nous avons désigné par : " la condition du chauffeur de train" ». Vincent Lemaître développe ces propos : « nous avons certes retiré de l’autonomie aux opérateurs du fait de l’imposition de standards. Ils se plaignaient d’avoir l’impression (en fait subjective) de réaliser plus de manutentions. La mise en oeuvre de trains implique une gestion des wagons, c’est-à-dire des accrochages et des décrochages de wagons ».

« Il s’avérait que les opérateurs avaient énormément de pression quant à l’arrêt de ligne… », ajoute Vincent Lemaître, «… puisque sur certaines lignes, pour certains composants, on ne disposait plus que de 3 heures de stock, contre 2 semaines auparavant ! Aujourd’hui, cette problématique est acceptée dans le quotidien des opérateurs comme un point positif ».

Enfin, dernier problème rencontré, celui de l’éloignement du responsable hiérarchique qui se trouve dans son bureau : que faire alors en cas de problème sur la ligne d’assemblage ? « Aujourd’hui, la situation s’est améliorée. Les opérateurs savent où reporter en cas de difficulté ».
Au-delà des problèmes… Les points positifs correspondent à la gestion simplifiée des approvisionnements grâce au déploiement du kanban et du flux séquencé, avec plus d’ergonomie puisque les charges manutentionnées sont mieux maîtrisées (7 t par équipe contre 15 t auparavant).


Les gains obtenus sont multiples

- Réduction du nombre de chariots élévateurs : 6 engins en moins dans le parc de chariots. A contrario, le parc de tracteurs a augmenté de 4 unités : leur coût d’achat et de maintenance s’avère néanmoins bien moindre.
- Accroissement de 50 % de l’efficacité de la main-d’oeuvre indirecte sur les lignes d’assemblage de la nouvelle gamme (les lignes "full OPF").
- Réduction d’au moins 25 % (et jusqu’à 50 %) des stocks en bord de ligne.
- Diminution de 99 % du nombre de reséquencement d’ordre logistique.
- Amélioration de l’ergonomie et de la sécurité, grâce notamment à la présence d’un ergonome sur le site.
- Optimisation de la flexibilité, autorisant la fabrication à la palette (voire moins, quand il le faut).
- Spécialisation du service Flux, autorisant le déploiement des standards et des bonnes pratiques. La quasi-totalité des lignes d’assemblage (pompes à chaleur, panneau solaire) sont livrées en flux par un train. En fait, 98 % des pièces et composants sont livrées par le train, car certains composants très volumineux, très lourds restent tributaires d’un chariot de manutention.

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