Pourquoi avoir développé cet institut ? De quel constat
êtes-vous partis ?
François Tison (FT) : La volonté qui a poussé à la création de
cet institut est d’abord née d’une rencontre entre plusieurs
personnes pratiquant l’hypnose - déjà bien établies au sein de
l’institution - avec des praticiens utilisant la médiation de
pleine conscience. Ils et elles ont pu mesurer l’effet bénéfique
que peuvent avoir ces approches sur la vie de médecin, la façon
d’exercer son métier, mais aussi la façon d’être dans son
travail.
Concernant la méditation de pleine conscience, cela a commencé
par l’idée de proposer ça aux étudiants en médecine et aux
internes. Très vite, nous avons également pris la mesure des
difficultés que rencontrent les soignants depuis de nombreuses
années. Cela nous a menés à avoir une réflexion là-dessus, et à
proposer à l'institution de développer ces approches de médecines
complémentaires, qui sont à la fois vertueuses pour le soignant
comme pour le patient.
Marie Floccia (MF) : L’hypnose a commencé à se développer au sein
du CHU vers 2007, essentiellement pour la prise en charge des
patients. Petit à petit, quelques études ont prouvé que cela
permet de retrouver de la satisfaction dans le soin, de sortir
momentanément de la technicité pour réhumaniser le patient. Au
sein de l’hôpital, nous avons un groupe « hypnose » assez
important, qui essaye de se regrouper, d’échanger… Cela fait très
longtemps que nous rêvions de ce centre, qui nous permettrait à
la fois d’accueillir les patients, mais aussi de réfléchir à
notre qualité de vie au travail.
FT : Au sein de l’IMIC, pour la méditation, nous proposons des
ateliers de découverte sous la forme de demi-journées. Nous
proposons un programme de réduction du stress basé sur la pleine
conscience, en huit semaines, aux agents du CHU. Nous proposons
également aux médecins un programme un peu plus adapté à leur
temps, en six semaines. Il existe aussi des « suites » à ces
programmes initiaux, soit sous la forme de programmes pour
s’approprier et diffuser la méditation de pleine conscience dans
son équipe, soit par un programme basé sur les approches
compassionnelles. Aujourd’hui, près de 650 agents ont eu une
forme d’accès à cette approche.
Quels sont les avantages de l’hypnose et de la méditation
de pleine conscience pour le personnel soignant ?
FT : En ce qui me concerne - et c’est un constat partagé par de
nombreuses personnes - j’ai pu mesurer l’effet que la méditation
a eu sur la façon dont j’exerçais mon métier, sur la manière dont
je l’envisageais. Concernant l’hypnose, je suis encore en cours
de formation, mais cela est aussi pourvoyeur de changement
profond dans notre façon d’être. Cela amène à changer de posture
en tant que soignant. J’ai observé une régulation de mon stress,
des effets sur la compassion, l’empathie… Et ces aspects sont
primordiaux dans la relation avec le patient, notamment dans la
prévention des RPS.
MF : Ce qu’il faut garder en tête, c’est que l’hypnose est
vraiment un outil thérapeutique complémentaire. La méditation,
c’est plutôt un mode de vie, une façon d’être. Mais nous ne
travaillons que sur des choses que nous connaissons, sur
lesquelles nous avons déjà travaillé, avec des bases
scientifiques solides.
Ces méthodes sont-elles exportables à d’autres
organisations, dans les secteurs public ou privé ?
MF : Pour notre part, nous sommes très soutenus par la direction,
mais celle-ci avait parfaitement conscience que la méditation
n’est pas une fin en soi. Cela peut permettre d’améliorer
certaines choses, mais la QVT passe par plein de paramètres, dont
le travail lui-même. En ce qui concerne l’hypnose, cela reste un
outil thérapeutique, donc cela n’a pas de sens dans des
institutions qui n’ont pas de besoins en soin spécifiques. Plus
globalement, ces approches ne doivent pas être des « pansements
», et il ne faut pas que leur mise en place soit trop descendante
; elle doit venir de besoins réels et d’une envie des
travailleurs.
FT : Pour la méditation, cela est très développé dans de nombreux
secteurs en Amérique du Nord : éducation, management, militaire…
Mais cela pose la question de l’utilitarisme. La méditation de
pleine conscience n’est pas faite pour soigner ou prévenir le
stress ou le burnout dans une équipe qui serait dans une
souffrance extrême parce qu’il n’y a plus de soignants. Il faut
être très vigilant sur l’intention derrière. Donc cela peut être
développé et utile, mais il faut prêter attention au respect des
valeurs que cette façon de faire et d’être véhicule à la
base.
Quelle suite envisagez-vous pour l’IMIC ?
FT : C’est un grand sujet qui nous anime actuellement. Le premier
objectif, c’est d’atteindre un peu plus de personnes au sein de
notre institution, mais aussi un peu au-delà. La deuxième chose,
c'est notre conviction que nous vivons un changement assez
profond dans la façon d'exercer le soin médical, qui ne pourra
plus être purement technique. Qui doit l'être, parce que c'est
primordial. Mais les patients comme les soignants attendent aussi
autre chose. Notre crédo, c’est de contribuer à ces évolutions-là
et de fédérer de nombreuses approches validées du point de vue
scientifique.
MF : Nous sommes contents de tout ce que nous avons mis en place
jusqu’à maintenant. Il y a encore beaucoup de choses à mettre en
place pour optimiser l’institut, mais nous entamons une vraie
réflexion, à moyen et long terme, sur les actions que nous devons
mener prochainement.
En savoir plus
*François Tison : Praticien hospitalier
neurologue et professeur de neurologie au CHU de Bordeaux et à
l’Université de Bordeaux, spécialiste des maladies
neurodégénératives. Responsable d’unité de l’Institut de
médecine intégrative et complémentaire (IMIC)
*Marie Floccia : Praticien hospitalier,
gériatre et algologue. Cheffe du service Douleur et Médecine
Intégrative.