Olivier Mériaux - Anact : La réforme du dialogue social en entreprise : des opportunités mais aussi des risques pour la santé et la qualité de vie au travail

La réforme du dialogue social en entreprise : des opportunités mais aussi des risques pour la santé et la qualité de vie au travail

MANAGEMENT RH / QVT || Règlementation
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21/08/2018
Olivier Mériaux - Anact
Olivier Mériaux
directeur général adjoint
Anact
Les ordonnances du 22 septembre 2017 ont réformé en profondeur le cadre du dialogue social et des relations de travail en France. Quels en ont été les impacts sur la santé et la sécurité au travail ?
Décryptage.

Que changent les ordonnances réformant le code du travail en ce qui concerne le dialogue social ?
Elles définissent, d’une part, un nouveau cadre d’exercice de la négociation collective, dans lequel l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche dans de nombreux domaines, et surtout dans lequel les modalités de discussion et de conclusion des accords sont assouplies, particulièrement dans les plus petites entreprises, là où la présence syndicale est quasiment inexistante. D’autre part, les ordonnances créent une instance unique de représentation, le Comité Social et Economique, qui fusionne les attributions des Comités d’Entreprise et CHSCT.
Ce nouveau cadre lance un véritable défi aux acteurs du dialogue social. Il représente un gisement de nouvelles opportunités pour réinventer le dialogue social, mais le chemin à parcourir est semé d’interrogations. Comment développer la capacité des acteurs du dialogue social à faire vivre des instances « unifiées » traitant de questions très diverses (sujets individuels, organisation du travail, etc.) ? Comment répartir judicieusement des représentants – moins nombreux – afin de conserver des relations de proximité avec les salariés ? Comment dynamiser la négociation et mettre le travail au cœur des débats ?

La disparition du CHSCT dédié aux conditions de travail fait-elle courir un risque sur la prise en compte de ces sujets ?
On devrait commencer par se demander si l’organisation et le fonctionnement majoritaires des CHSCT ont réellement permis une meilleure prise en charge collective des questions de conditions de travail, par l’ensemble des centres de décision dans l’entreprise et pas simplement par ceux qui traitent les sujets « sociaux ». Plutôt que de fétichiser une instance, regardons à quelles conditions — en termes de fonctionnement, de ressources, de données — une nouvelle instance au périmètre élargi peut concevoir et déployer des politiques de prévention plus systémiques, davantage en prise avec les transformations de l’entreprise.
Il va sans dire que cela ne se fera pas du jour au lendemain, ni au même rythme partout. Il s’agit d’une transformation assez radicale des relations sociales, qui va obliger les acteurs du dialogue social à travailler autrement.

Dans ce cadre, comment l’Anact accompagne-t-elle les entreprises ?
L’Anact souhaite depuis longtemps dépasser une approche trop restrictive de la santé et la sécurité au travail, pour aller au-delà de la prévention des risques et agir sur les déterminants organisationnels et collectifs de la santé au travail. Ce renversement de perspectives requiert un dialogue social qui ne "découpe" plus les enjeux en "micro-sujets" indépendants les uns des autres. Pour cela, il faut que les acteurs du dialogue social soient mieux outillés, en particulier dans les PME. L’Anact met, par exemple, en place des formations communes aux représentants du personnel et employeurs d’entreprises de moins de 50 salariés afin de mieux faire fonctionner le CSE sur les sujets de santé et qualité de vie au travail. C’est une bonne formule pour les TPE-PME où les salariés en position de négocier ne sont souvent pas issus d’organisations syndicales et ne disposent pas d’appui méthodologique et où la fonction RH est très peu structurée.

Faut-il, à votre avis, que les entreprises se dotent de CSSCT pour éviter que les sujets concernant la santé au travail ne passent au second plan ?
Il est encore difficile de se faire une idée précise à cet égard car on ne peut se prononcer qu’à partir des textes, et non sur des retours d’expérience. On risque bien entendu de saturer l’instance unique de nombreux sujets d’ordre très divers. En ce sens, il convient de bâtir une CSSCT sur le bon périmètre. Les entreprises se doivent d’être inventives pour faire vivre la santé au travail au sein de l’instance unique.