Mounia N. Hocine - Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) : « Il y a urgence à prendre plus au sérieux la problématique des RPS et la santé mentale de manière générale »

« Il y a urgence à prendre plus au sérieux la problématique des RPS et la santé mentale de manière générale »

MANAGEMENT RH / QVT || Risques psychosociaux
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05/05/2021
Mounia N. Hocine  - Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam)
Mounia N. Hocine
Enseignante-Chercheuse en Prévention des Risques Sanitaires
Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam)

Mounia N. Hocine a co-signé un appel à des Etats généraux sur la promotion de la santé et du bien-être au travail avec Patrick Legeron, psychiatre, fondateur du cabinet Stimulus, Jean-François Naton, vice-président du Conseil économique, social et environnemental et Jean-Christophe Sciberras, DRH, ancien président de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH). Nous avons voulu en savoir plus.

Comment est venue cette idée d’Etats généraux sur la promotion de la santé psychique et du bien-être au travail ?
Cette tribune est née progressivement. J’ai déjà collaboré avec Jean-Christophe Sciberras, Patrick Legeron et Jean-François Naton dans le cadre de l’étude de la Fondation Pierre Deniker sur la santé mentale des actifs en 2018. Nous avons décidé, suite à notre débat au Cnam en décembre dernier sur « travail et santé mentale dans le contexte de la crise COVID-19 » d’écrire cette tribune pour alerter de l’urgence qu’il y a à prendre plus au sérieux la problématique des RPS et la santé psychique de manière générale. Il faudrait s’attaquer aux problèmes à la source, aux causes organisationnelles pour être plus efficace et ne plus se contenter d’attendre que les problèmes surviennent avant d’agir.

Que proposez-vous pour améliorer les stratégies de prévention primaire ?
Intervention terrain, formation des acteurs et élaboration d’un index. Ce sont les trois gros projets.

Parlez-nous un peu plus de cet index ?
Comme il existe un index égalité femme-homme, il faut créer un index de santé psychique et bien-être au travail qui permettra aux entreprises de se positionner sur leur niveau de RPS et ainsi d’évaluer leurs marges de progrès à accomplir.
Les Etats généraux que nous demandons permettront de réunir des experts sur le sujet des RPS pour établir ensemble des recommandations sur comment mieux faire face à ce phénomène. L’index sera à construire avec et pour les entreprises. Il s’agit d’une approche scientifique avec une démarche participative permettant de concevoir un « GPS de santé psychique et bien-être au travail », dont le rôle serait d’orienter les entreprises vers les pistes d’amélioration des efforts et des moyens de prévention des RPS.

Qu’en est-il des aspects de votre projet d’intervention sur les RPS ?
Le projet d’intervention sur les RPS consiste à orienter les entreprises vers les facteurs psychosociaux à privilégier, selon sa taille et son activité, pour baisser le niveau de stress au travail. Basé sur les preuves scientifiques et d’un diagnostic terrain, ce projet doit être piloté par un comité pluridisciplinaire ad-hoc pour permettre un choix et une conduite des actions les mieux adaptées au contexte de l’entreprise. Nous aurons donc un rôle de conseil notamment sur les indicateurs de santé et de sinistralité qu’il serait pertinent de recueillir et de monitorer dans le temps afin d’évaluer les fruits des actions implémentées et pouvoir identifier les leviers d’action pour lutter efficacement contre les RPS et indirectement, sur les TMS d’origine non-traumatique.

Et l’aspect formation ?
Nous avons construit ensemble – et avec d’autres experts – un MOOC sur les RPS qui sera dispensé gratuitement ce printemps sur la plateforme FUN. Il sera complété en 2022 par deux projets de formations des managers en entreprises qui souhaiteraient acquérir une expertise en gestion et prévention des RPS.

Vous supervisez depuis 2015 le programme de recherche de la chaire partenariale « Entreprises & Santé ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ce partenarial entre le Cnam et le groupe Malakoff-Humanis, repose sur un programme pédagogique, de recherche et prospective d’intérêt commun dans le champ de la santé au travail.  Il a permis la création d’une réelle synergie et le développement d’outils innovants à destination des entreprises, tels que l’évaluation du degré d’implication en prévention ou le retour-sur-investissement et l’efficacité de programmes de e-coaching en santé, ou encore l’identification des déterminants de l’absentéisme au travail qui sont l’objet des travaux d’une thèse que j’ai co-encadrée avec mes collaborateurs. A ce sujet, le but était de concevoir des outils opérationnels à destination des managers leur permettant d’améliorer la prévention et la gestion des arrêts maladie.
La chaire « Entreprise & Santé » nous a offert un terrain d’échange fructueux qui a fait émerger des solutions innovantes à destination des entreprises. C’est une belle initiative pour soutenir la recherche et l’enseignement et œuvrer au décloisonnement entre le monde académique et le monde socio-économique. Personnellement, j’ai fait des rencontres enrichissantes et inspirantes qui m’ont permis de m’approprier des terrains d’étude et de concevoir des programmes innovants pour répondre ensemble à des vrais besoins terrain.