Une loi pour mieux protéger les navires français face aux menaces de la piraterie maritime, et légaliser les activités privées de protection des navires

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15/01/2014 - Sébastien Millet
Compte tenu de la part que représente le trafic maritime dans le commerce international, celui-ci est vital pour les échanges mondialisés. Forcément, cela accroît les risques d’attaques, et les statistiques montrent que celles-ci tendent à se multiplier.

La protection des navires de transport maritime constitue donc un enjeu majeur de sécurité, particulièrement dans certaines zones maritimes exposées à la piraterie, voire aux risques terroristes.

L’enjeu économique est également très fort pour les armateurs battant pavillon français, tant vis-à-vis de leur clientèle qu’en termes de coûts liés à la sûreté (en particulier s’agissant des dépenses de carburant liées à l’accélération de la vitesse pour traverser les zones sensibles).

Alors que la majorité des Etats membres de l’UE autorisent déjà la présence d’entreprises privées armées à bord des navires sous le pavillon national, les pouvoirs publics français ont jusqu’à présent refusé d’autoriser l’exercice de telles activités.

Seule possibilité, faire appel à l’Etat pour mettre en place des équipes de protection embarquées relevant de la marine nationale, ce qui suppose une justification stratégique particulière sachant que l’Etat n’a pas les moyens de protéger sur tous les territoires l’ensemble des navires relevant de son pavillon.

Suite à un travail de sensibilisation des armateurs français auprès des différents ministères, et pour éviter que ceux-ci ne soient tentés –comme dans d’autres secteurs- de « dépavillonner » massivement pour aller chercher la protection d’une loi plus favorable, un projet de loi vient d’être déposé le 3 janvier au bureau de l’Assemblée Nationale.

Ce texte, qui devrait être débattu à partir du mois de février 2014, vise à autoriser et encadrer les activités privées de protection des navires battant pavillon français, dans les zones de piraterie.

Il devrait permettre à terme le développement d’une nouvelle filière économique spécialisée dans ce domaine.

Précisons toutefois que la reconnaissance légale de cette activité serait encadrée de manière très stricte sur le plan juridique.

Les armateurs français ne pourraient ainsi conclure de contrats de prestations de service qu’avec des entreprises privées de protection des navires (EPPN), dont ce serait l’activité exclusive (interdiction de sous-traitance),

Cette activité ne pourrait en outre s’exercer qu’à bord du navire qu’elle a pour but de protéger (l’objectif étant notamment d’éviter toute activité de type mercenariat).

Les armateurs ne pourraient ainsi faire appel qu’à des EPPN régulièrement autorisées à exercer cette activité (autorisation qui serait délivrée par le CNAPS), au vu des procédures mises en place par l’entreprise pour assurer les prestations, d’une certification (cf. actuellement la norme ISO PAS 28007), et d’une assurance de responsabilité professionnelle.

Le projet de loi définit également dans un objectif de professionnalisation les obligations des dirigeants ou gérants des EPPN (honorabilité, aptitude professionnelle) ainsi que celle des agents employés par ces entreprises (exigence d’une carte professionnelle).

L’activité ne pourrait en outre être exercée que de manière limitée (définition par décret des navires et zones concernés, sachant que la prestation ne pourrait intervenir qu’au-delà de la mer territoriale des Etats à l’intérieur de laquelle il incombe à l’Etat concerné d’exercer ses prérogatives de puissance publique et de protection).

S’agissant d’équipes armées embarquées à bord et habilitées à utiliser la force (dans le respect des dispositions du code pénal relatives à la légitime défense – cf. art. 122-5 à 7), la question des armes et munitions serait très strictement encadrée.

A cet égard, de nombreux dispositifs et procédures visent à assurer la traçabilité et le contrôle administratif de cette activité (aussi bien sur le territoire national qu’à bord des navires).

Précisons qu’en tout état de cause, le capitaine du navire protégé conserverait l’autorité nécessaire sur les agents de l’EPPN concernant ce qui a trait au maintien de l’ordre, à la sécurité et à la sûreté du navire et des personnes embarquées.

Cet encadrement étant très strict, le projet de loi prévoit un dispositif de sanctions disciplinaires et pénales en cas de manquements commis par les différentes parties prenantes.

Enfin, des dispositions d’adaptation spécifiques sont prévues pour l’Outre-mer, particulièrement concerné eu égard à l’importance des territoires maritimes de la France.
Ce projet devrait ainsi permettre l’émergence d’une nouvelle filière économique française et permettre notamment aux entreprises de prévention et de sécurité de constituer des filiales dédiées à ces activités.

Bien entendu, cette activité serait ouverte en libre prestation de service pour les entreprises (anglo-saxonnes pour l’essentiel) établies dans un autre Etat membre de l’UE ou partie à l’EEE et exerçant cette activité.

Ce soucis d’évolution est bienvenu tant que le plan économique qu’en terme de prévention et de protection des personnes et des biens, afin d’assurer un meilleur taux de couverture des navires dans les zones à risques.