En quoi consiste le document que la Firps a récemment publié ?

 

La Firps, chaque année, aborde un thème particulier en rapport avec notre champ de compétence, la prévention des risques psychosociaux. Les experts des cabinets qui sont affiliés à la Firps se réunissent ensuite et échangent, travaillent longuement sur ce thème. Un livret est, à l’issue de ces nombreux échanges, publiés et adressé à la fois aux cabinets et aux entreprises clientes.

 

Pourquoi avoir choisi cette année la thématique du harcèlement au travail ?

 

Cette année, c’est la première fois que l‘on est si rapides pour choisir un thème. Tous les cabinets en prévention des risques psychosociaux l’attestent, jamais nous n’avons autant traité de sujets relationnels dans les entreprises : allégations de harcèlements, tensions relationnelles, etc. En échangeant, nous avons constaté qu’il y a une pluralité énorme des pratiques, des façons d’aborder les situations en fonction des entreprises et des cabinets impliqués. À la Firps, nous sommes convaincus que c’est un enjeu, un sujet contemporain, concret qui se pose immédiatement ; et il faut accompagner les entreprises, trouver les bons réflexes, établir de grands principes méthodologiques. Les cabinets ont donc travaillé - en tables rondes - sur le sujet pour produire une typologie de bons gestes (stratégies d’enquêtes, recommandations, ndlr).  L’ensemble a été synthétisé dans un document d’une trentaine de pages.

 

Selon vous, d’où vient cette explosion des situations de harcèlement dans le monde professionnel ?

 

Il faut déjà savoir de quoi on parle. Oui, nous sommes confrontés aux situations de harcèlement moral ou sexuel, mais également à des rapports de force entre certains collègues, à de la violence organisationnelle. Nous accompagnons des collectifs aux relations dégradées, souvent rongés par des désaccords claniques. Nous avons constaté une explosion de ces situations, une recrudescence. Jamais les cabinets n’ont été mobilisés à ce point pour travailler sur ces sujets. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : un effet Metoo, l’hybridation des modes de communication ou encore la loi Waserman qui a récemment réaffirmé la protection des lanceurs d’alerte en entreprise. La parole se libère. Les travailleurs ne veulent plus prendre sur eux les sujets relationnels. Ils attendent que leur entreprise soit éthique. Les comportements inappropriés tolérés de force autrefois ne le sont plus du tout aujourd’hui.

 

À quelles conclusions aboutissez-vous dans ce livret ?

 

Les DRH peinent à jouer des rôles de médiateurs et les problèmes se cristallisent très vite, peu importe leur degré de gravité. Aujourd’hui, les entreprises essayent de traiter ces sujets, mais n’ont pas toujours conscience de l’enjeu. Il faut professionnaliser les acteurs clés de l’intervention, car il n’y a pas de solution miracle. Il faut une méthodologie claire et efficace qui protège l’entreprise, le cabinet qui intervient et bien sûr les personnes qui témoignent. Il faut mettre de l’ordre dans ce processus de traitement des alertes. Concrètement, il faut que les entreprises outillent les acteurs de la prévention interne. Parfois, on laisse passer des signaux d’alerte qui, quand on les connait, sont visibles à l’œil nu. Il y a un manque de formation. On ne fait pas assez de prévention, on attend le clash pour se mettre en ordre de marche. C’est un énorme enjeu de sensibilisation, un travail énorme à faire sur la détection des cas et la conduite à tenir.

 

Concrètement, que faut-il changer rapidement pour mieux traiter les situations de harcèlement au travail ?

 

Ne faites pas semblant de ne rien voir. Quand une entreprise met les choses sous le tapis, au bout d’un moment, le tapis a une bosse qui se voit. Un jour, lors d’un conflit quelconque, les vrais problèmes ressortent. Ne laissez pas bouillir la cocotte minute. Des entreprises se retrouvent dans les journaux parce qu’elles n’ont pas su gérer ces situations, sans compter que les réseaux sociaux jouent également leur part. Des entreprises perdent parfois le contrôle. Il faut donc, dans leur intérêt comme dans celui des victimes et des collaborateurs, qu’elles se structurent, qu’elles structurent leur politique de prévention des risques psychosociaux.

 

 

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