Pour quelle raison alertez-vous sur la santé visuelle de nos concitoyens ? Est-ce un phénomène récent ?
Romain Nicolau : Nous côtoyons quotidiennement les problèmes de santé visuelle avec nos patients. Et il se trouve que nous constatons l’impact des écrans sur leurs yeux. Un nouveau syndrome a récemment émergé : le syndrome de vision artificielle. Il s’agit de la fatigue visuelle liée aux écrans du fait d’y être exposé quotidiennement pendant des heures. Nous sommes hyper connectés, les écrans sont des outils de travail, un outil de loisir et un moyen de s’informer. Nous ne pouvons plus nous en passer.
Beaucoup d’idées reçues circulent sur l’impact des écrans sur la vision. Quels effets concrets ont-ils sur nos yeux ?
RN : Le principe c’est qu’un écran demande de la concentration. C’est tout bête mais on cligne moins des yeux lorsqu’on en regarde. Pourtant, les paupières ont un rôle d’essuie-glace. Les larmes restent collées sur l’œil et se cassent. Cela entraîne des sécheresses oculaire, des picotements, brulures, ou encore les yeux rouges le soir. En fait, l’on diminue de moitié le clignement des yeux. Cela ne tue pas les yeux, mais entraîne leur utilisation excessive. Même si cela est valable pour tout le monde, cela peut faire apparaître la myopie chez les jeunes ou encore la cataracte. Les hypermétropes, eux, se fatiguent plus car ils forcent d’avantage et sollicitent trop leurs yeux (cela peut causer une vision floue ou des maux de tête, ndlr). Cette utilisation et ses conséquences peuvent aussi se répercuter sur le corps et entraîner des douleurs dans le cou, une tension dans les épaules ou accroître votre sensibilité à la lumière.
Vous prônez la sensibilisation sur les effets des écrans sur nos yeux. Pourquoi cela vous semble-t-il si important ?
RN : Jusqu’en 2008 on écrivait tout à la main. Aujourd’hui, on passe notre vie sur les écrans.
Camille Rambaud : Il y a 20 ans, on n’utilisait pas les ordinateurs. Maintenant, il y a des journées où je me rends compte où je suis tout le temps en train de regarder un écran. La fatigue visuelle, l’inconfort, les effets, se répandent. C’est aussi notre quotidien professionnel. 90 % de nos patients, passé un certain âge, ont des symptômes que l’on a évoqués précédemment. Il n’y a pas assez de prévention sur ce sujet, alors que ça peut vraiment avoir un impact sur la vie des gens. C’est déjà un défi majeur, un enjeu économique et fonctionnel de premier plan : en 2050, la moitié de la planète sera myope.
Comment se prémunir de ces difficultés visuelles, au travail comme à la maison ?
RN : Il est important de consulter un ophtalmologue de façon régulière. Jusqu’à 40 ans c’est un contrôle tous les 3 ans ; après c’est tous les deux ans et tous les ans à partir de 65 ans.
CR : Il y a la règle des 3 – 20. C’est un exercice très important à connaître : regarder toutes les 20 minutes à plus de 20 mètres pendant 20 secondes. Cela nous force à cligner des yeux, et permet de retrouver de la netteté. Une bonne hydratation est importante également, ne serait ce que pour la qualité de nos larmes.
RN : L’hydratation peut être double : en buvant un litre et demi d’eau par jour ou en se mettant des gouttes à base de solution hyaluronique. C’est d’autant plus important pour les personnes qui ont déjà des symptômes.
CR : Enfin, un employeur doit être particulièrement vigilant à l’ergonomie de ses postes de travail. Il ne faut pas avoir le nez dans l’écran, mais plutôt à la distance du bras. La tête doit être plus haute que l’écran, éclairé par une lumière plafonnier ainsi qu’une lampe d’appoint sur le côté. Ces mesures préventives évitent d’arriver aux mesures thérapeutiques.
En savoir plus :
- Site internet de l’Institut Voltaire
- Les risques liés au travail sur écran