Sous quels statuts les navigateurs exercent-ils
?
Tout d’abord, il y a une grande différence entre un skipper d’un
bateau de plaisance, qui a généralement un statut de salarié,
mais surtout un diplôme délivré par la marine marchande, et des
skippers de course au large. Ces derniers n’ont pas besoin de
diplôme. Pour ma part, je pratique ce métier depuis 37 ans avec
différentes casquettes, mais je n’ai le droit à aucune validation
des acquis de l’expérience (VAE) par rapport à cela. Il y a un
véritable vide juridique : la marine marchande ne reconnaît pas
notre activité et cela complique les choses.
La plupart du temps, les skippers de course au large sont gérants
de leur propre société, qui va facturer une prestation auprès
d’un sponsor, qui est généralement propriétaire du bateau. Il
arrive aussi que les skippers soient salariés de la société. La
plupart du temps, ils sont donc soumis au régime général de
l’assurance maladie, sous l’égide de la délégation de plaisance
professionnelle. C’est une sorte de fourre-tout, dans lequel vous
retrouvez aussi bien des fabricants de bateaux en polyester que
des mécaniciens navals, des électriciens navals, etc. C’est une
sorte de melting pot, dans lequel nous sommes intégrés. Pour les
déclarations, cela peut donc être relativement simple et
standard. Mais en général, lorsqu’on est en mer, s’occuper des
déclarations peut attendre quelques jours voire quelques
semaines, ce qui est clairement lié à notre fonction.
Quels sont les risques professionnels majeurs que
rencontre votre métier ?
Le risque majeur, c’est la disparition pure et simple, en passant
par-dessus bord sans pouvoir être récupéré. Malheureusement, dans
ma carrière, j’ai perdu beaucoup de confrères comme cela.
Ensuite, notamment pour les multicoques, il y a un risque de
chavirage qui peut conduire à un choc physique. Cela amène
parfois à l’amputation d’un doigt, l’ouverture d’arcades ou
encore à se casser les dents. Notre profession est également très
concernée par les rhumatismes ; le fait d’être dans le froid en
permanence crée des traumatismes articulaires. On se foule assez
régulièrement les poignets et les chevilles également, car nous
sommes toujours sur des sols glissants ou mouvants. Enfin il y a
un point peut-être plus difficile à être reconnu, c’est le stress
que l’on subit. Sur un multicoque, il y a un stress quasi
permanent, car nous sommes sur des machines qui vont très vite et
demandent une attention constante.
Comment se prémunir de ces risques ?
Il faut d’abord savoir qu’au départ de chaque course on oblige
les skippers à suivre une formation dans laquelle sont rappelés
les gestes de premiers secours, mais aussi des informations pour
bien agir dans une situation de survie. Donc cela garantit un
socle de connaissance, même si cette formation est un peu large
et pas forcément très ciblée.
Au sein de notre écurie, nous sommes tous équipés d’un petit kit
que nous portons en permanence qui contient notamment une balise
AIS, une lampe frontale, un bâton Cyalume, un sifflet, un
couteau… Ce qui permet au moins à un homme à la mer de se faire
repérer.
Après il y a les équipements de base. On navigue toujours avec
des chaussures fermées. Certains utilisent également des gants.
Il faut se protéger face aux intempéries, au froid et à
l’humidité donc sélectionner des vêtements adaptés et de qualité.
Choisir des lunettes adaptées pour protéger ses yeux de l’air
marin et de la réverbération. Le précepte de base, pour tous les
métiers de la navigation, c’est « une main pour soi, une main
pour le bateau ». C’est-à-dire que lorsque l’on doit se déplacer
sur le bateau, une main travaille tandis que l’autre garantit la
tenue et la sécurité.
De manière plus générale, j’aimerais bien que notre profession
soit plus reconnue au niveau des instances, pour permettre aux
sportifs que nous sommes d’avoir accès à des VAE, à des
professions proches de nos affinités, à une meilleure prise en
charge de nos spécificités.
