Pourquoi avoir mené cette étude ? 

Notre démarche est de contribuer à la transformation du monde du travail. Nous avons donc développé des outils dont le thermomètre burnout disponible en open source. Grâce à lui, les salariés peuvent mesurer régulièrement leur niveau de souffrance au travail dont la mesure s’appuie sur des symptômes que l’on peut éprouver. Si des symptômes physiques et psychologiques sont récurrents, il est probable que vous soyez dans une zone de risques de burnout, un épuisement professionnel lié à un surinvestissement, ou de bore-out qui est un désengagement lié à l’ennui. Avec cet outil, nous voulions recueillir des données pour voir les symptômes principaux et les croiser avec des données telles que le secteur d’activité, l’âge, le sexe… Et déterminer ainsi quelles populations sont les plus à risques.


 

L’étude se base sur les résultats de 2010 répondants de ce test entre avril et décembre 2023. Quels sont les principales conclusions tirées de cette étude ? 

Les proportions habituellement estimées sont corroborées par cette étude : 40% des salariés sont dans une situation de souffrance au travail. Les jeunes salariés (18-25 ans) ont une surreprésentation par rapport à des salariés plus expérimentés. Ils ont +12% de chance d’avoir des symptômes de souffrance au travail. Dans cette population, le désengagement représente 24%. Sur l’ensemble des managés, on est à +20% de symptômes. Quant au niveau de désengagement, celui-ci atteint 28%. Nous constatons aussi que les femmes sont plus sujettes au risque de souffrance au travail avec +19%. Pour ce groupe, cela se traduit par un plus grand épuisement et une plus grande distance émotionnelle pouvant avoir comme source le manque de confiance en soi. Enfin, il semble qu’il y ait une corrélation entre la souffrance au travail et la taille de l’entreprise. Plus l’entreprise est grande plus le risque est important. Mais il existe des risques aussi dans les petites. Plus l’entreprise est petite, moins la division du travail est importante et donc la charge de travail augmente.

 

 

Quelles sont les différences significatives entre le burnout et du bore-out ? 

Souvent les symptômes sont les mêmes avec un sentiment d’épuisement. Mais le bore-out est surtout lié à une fonction de managé qui va avoir tendance à vivre le travail comme une période sur laquelle l’ennui l’emporte sur la capacité à se réaliser. Alors que le burnout est souvent lié à des profils qui vont se surinvestir dans leurs missions. C’est le cas des managers. La transformation progressive des métiers avec plus de division du travail a conduit un certain nombre à effectuer des tâches répétitives. C’est générateur de bore-out. On est qu’un boulon dans le processus de production. Concernant les managers, on leur demande d’avoir des postures de dirigeants même s’ils n’en ont pas toujours les ressources. Ça se traduit par une perte de liberté sur le travail. Nous avons un autre outil qui s’appelle le baromètre d’alignement professionnel qui mesure le décalage entre les valeurs des collaborateurs, leurs leviers de motivation et ce qu’ils vivent en entreprise. Les proportions se retrouvent de la même façon. Ce sont près de 40% des salariés qui sont désalignés, c’est-à-dire que l’entreprise ne répond pas à leur motivation principale. Et cela se traduit par du désengagement.

 

 

Existe-t-il des secteurs d'activité et groupes particulièrement touchés ?


Les secteurs du transport, de l’administration et de la santé sont très impactés. Dans ces métiers, les collaborateurs ont une tâche très découpée et une reconnaissance sociale faible. En revanche, il y a des métiers où la souffrance au travail est sous représentée comme ceux de la culture et de l’art. Ce sont -26% de risques par rapport à la moyenne salariés interrogés. Et dans les start-up, les risques chutent à -55%.

 

 

Comment envisagez-vous que ces résultats puissent être utilisés pour améliorer les conditions de travail et le bien-être des salariés ? Que peut mettre en place une entreprise pour prévenir de pareils risques ? 


Pour les entreprises, il faut ré-humaniser le travail, lui redonner du sens. Ça passe par un travail de fond RH qui permet de créer un socle de confiance et des relations vertueuses. Il est aussi important de mesurer de façon régulière le niveau de satisfaction du collaborateur quitte à perdre en productivité. Car le rôle de l’entreprise c’est aussi de s’assurer que les salariés puissent être plus heureux au travail. On estime à 10 000 euros le coût par salarié lié aux arrêts de travail et au désengagement. Quant au salarié, il ne faut pas hésiter à chercher des activités professionnelles dans lesquelles on aura plus d’épanouissement. Il faut préciser que plus le salarié est diplômé, plus il dispose d’un capital social élevé, plus il sera facile pour lui de prendre cette décision.