Les obligations de l’employeur
Le Code du travail impose à l’employeur l’obligation de
santé et de sécurité envers ses salariés (article L.
4121-1). Par conséquent, si des conduites addictives peuvent
avoir pour conséquence le non-respect de cette obligation,
l’employeur doit prendre des dispositions. Il doit inscrire le
risque dans le Document unique, définir les mesures pour le
prévenir et éventuellement interdire certains comportements ou
certaines substances dans son règlement (à condition, suivant
l’entreprise, de soumettre celui-ci au CHSCT puis de le faire
valider par l’inspecteur du travail).
Certaines interdictions sont d’ores et déjà
inscrites dans le Code du travail :
- « Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail » (R.4228-20).
- Il est « interdit de faire entrer ou laisser séjourner
une personne en état d’ivresse » (R.4228-21).
Il est également du devoir de l’employeur que de définir l’organisation des secours pour permettre à chacun d’avoir la réaction appropriée (R.4224-16) : la personne à prévenir, le comportement à adopter, etc.
Le non-respect de ses obligations a des conséquences plus ou moins graves pour l’employeur. Parmi les infractions pénales, figurent la mise en danger de la vie d’autrui, la non-assistance à personne en danger, la transgression d’une prescription d’hygiène et de sécurité ou encore les atteintes involontaires à la vie, à l’intégrité physique de la personne, l’imprudence et la négligence.
En plus de son devoir de prévention, l’employeur a un devoir de contrôle qui doit s’exercer dans le respect des droits des salariés (de leur dignité, de leur vie privée). Pour cela, il peut avoir recours à de la surveillance vidéo, audio ou même GPS, de la surveillance des courriels ou des connexions internet, des fouilles de vestiaires ou même des tests de dépistage.
Cependant, il doit toujours respecter les principes suivants :
- justification : le contrôle doit reposer sur des faits objectifs (flagrant-délit de consommation, erreurs professionnelles),
- proportionnalité,
- transparence : ne doivent pas être constatées des atteintes aux droits des personnes, ni aux libertés individuelles et collectives sauf si ces restrictions sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, proportionnées au but recherché comme pour les postes dans la sécurité (art. L. 1121-1 C.T).
Ce devoir de contrôle s’accompagne d’un devoir de
répression. Mais celui-ci doit toujours s’inscrire dans
une démarche globale de prévention, dans l’accompagnement, et ne
doit pas être utilisé de façon isolée et désolidarisée.
Le dépistage
L’arrêt CE
n°34/9365 du 12 novembre 2012 interdit d’interdire
l’alcool de manière globale dans un établissement. En
effet, par simplicité, certaines entreprises avaient eu recours à
ce genre d’interdiction mais sans préciser, dans leur règlement,
la raison d’une telle interdiction, à savoir les conséquences
possibles de la consommation des alcools encore autorisés par la
loi (la bière, le vin ou le cidre). En revanche, il n’est pas
interdit de dépister une consommation d’alcool visiblement
excessive chez les salariés d’une entreprise occupant des postes
« à risque ».
Les questions de réglementation en matière de dépistage ont longtemps tourné au débat tant nous ne savions pas exactement quels procédés pouvaient être utilisés et par qui. Plus particulièrement, personne n’arrivait à trouver de réponse législative satisfaisante à la question suivante : l’employeur peut-il effectuer directement les tests de dépistage salivaires de substances illicites en entreprises ? Ces tests étant les plus répandus.
Un arrêt du 11 juin 2013 a été pris dans le cadre de
l’article L. 6211-3 du Code de la santé publique pour répondre
enfin à cette question. Celui-ci a amené une liste de
tests, recueils et traitements de signaux biologiques qui ne
constituent pas un examen biologique. De plus, il a déterminé les
catégories de personnes pouvant les réaliser ainsi que les
conditions de leur réalisation.
Il en résulte que les tests de dépistage salivaire de substances
illicites ne figurent pas dans l’arrêté relatif aux tests qui ne
constituent pas un examen de biologique médicale. Or, ils ne sont
pas non plus inscrits dans l’arrêté fixant la liste des
actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des
médecins, ce qui est assez logique étant donné que cet
arrêté date du 6 janvier 1962.
Devant ce vide juridique, certains considèrent que l’employeur peut effectuer ce test salivaire. D’autres soulèvent des questions éthiques quant à ce procédé. Malgré les demandes envoyées par les parties prenantes au Ministre chargé des affaires sociales et de la santé ainsi qu’au directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la problématique n’est toujours pas résolue.
Des questions sont également soulevées quant à la fiabilité du test salivaire. La consommation d’un chewing-gum, d’une cigarette ou d’un café aurait des effets sur le résultat du test salivaire. C’est pourquoi une contre-expertise peut-être demandée afin de compléter ces tests par des tests de dépistage sanguins ou urinaires.
C’est dans ce contexte que des dépistages sont menés au
sein des entreprises. Mais pour ce faire, celles-ci
doivent respecter l’article L. 1121-1 du Code du travail qui
stipule que « nul ne peut apporter aux droits des personnes
et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui
ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à
accomplir ni proportionnées au but
recherché ». C’est dans cet esprit que les
entreprises se permettent de recourir à des tests de dépistage
pour des postes dits « à risque ».
Bien qu’aucune circulaire n’établisse de liste de ces postes, le
Comité consultatif national d’éthique a donné son aval en 2011
pour que les employeurs établissent eux-mêmes cette
liste pour leur entreprise, en concertation avec le
CHSCT et le Comité d’entreprise. Nous trouvons généralement ceux
concernant le transport des personnes, la manipulation de
machines ou de substances dangereuses ou encore les postes de
conduite d’engins à moteur. Les métiers liés à la sécurité sont
également concernés. Ce dépistage ne sera possible que s’il est
préalablement inscrit dans le règlement intérieur, si le salarié
est informé et qu’il est d’accord pour s’y soumettre. Il doit
également être informé des conséquences en cas de test positif,
ce qui nous amène aux questions de sanction.
Les sanctions
Selon la Direction générale du
travail, le test salivaire ne peut jamais entraîner de
sanction pour l’employé : il doit être effectué
dans un esprit de prévention au même titre que d’autres maladies.
Les résultats sont d’ailleurs couverts par le secret médical et
l’employeur ne peut donc en prendre connaissance. Une sanction
pour cause d’inaptitude à cause d’une consommation illicite
serait considérée comme une discrimination, cette consommation
étant perçue comme une maladie aujourd’hui.
En revanche, consommer une substance illicite sur son lieu de travail alors que c’est interdit par le règlement ou la loi est passible d’un licenciement (arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2008) voire de sanctions disciplinaires si cette consommation est incompatible avec les fonctions occupées (directeur d’agence qui ternit l’image de l’entreprise par exemple). En effet, chaque salarié a une obligation de santé et de sécurité vis-à-vis de lui-même et des autres (clients ou salariés) ainsi que de l’entreprise (article L. 4122-1). En découlent les interdictions de fumer dans les lieux de travail (L. 3511-7 et s) et de consommer de la drogue sur son lieu de travail (article L. 3421-1).
Prenons l’exemple de la SCNF. Les agents déclarés inaptes même temporairement sont orientés vers une cellule de reclassement mobilité. Selon l’avocat Sylvain Niel, il existe une « inégalité manifeste de traitement entre alcooliques et drogués », les droits des premiers sont, en effet, « beaucoup moins bien préservés » que ceux des seconds. Un alcootest qui révèle un état d'ébriété peut résulter en une faute grave alors qu’être sous l'emprise de stupéfiants ne conduit qu'à un avis d'inaptitude dont l’employeur n’a même pas à connaître la cause. Toutefois, des sanctions peuvent être possibles en cas de multi-récidive.