Qu’avez-vous pu exprimer lors de votre participation à la
table ronde « Les nouveaux modes de travail et de management »
?
J’ai été sollicité par cette délégation aux entreprises du Sénat
en tant que connaisseur du monde de l’entreprise, aux côtés
d’experts d’autres domaines, afin d’entretenir un dialogue riche
et concret. Pour ma part, j’avais réfléchi à l’impact de la crise
sanitaire sur le travail et le management, en faisant trois
constats.
Le premier, c’est que les managers de proximité ont démontré
qu’ils occupent un rôle primordial pour assurer la continuité de
l’activité au fil des confinements et déconfinements. S’il n’y
avait pas eu ces médiateurs de proximité, je pense que de
nombreuses entreprises n’auraient pas réussi à tenir le corps
social ensemble.
Mon deuxième constat, c’est le retard de la France dans la
transition managériale. C’est-à-dire que les modèles tayloriens
et fordiens, sur lesquels repose encore en grande partie
l’organisation du travail à la française, ne tiennent plus. Et la
crise a accéléré ce mouvement.
Mon troisième constat, c’est que cette période a amené de
nombreux travailleurs à se poser de nouvelles questions
fondamentales sur leur rapport au travail, à l’entreprise, au
collectif… Dans certaines entreprises, ces interrogations ont
très bien été traitées, mais dans d’autres elles ont été
complètement occultées.
Aujourd’hui, quels sont les grands enjeux et les
évolutions à prévoir pour le management ?
Actuellement, 75% des salariés sont en contact direct avec les
clients. Le travail peut de moins en moins être prévu à l'avance.
L’idée d’un management de prescription et de contrôle fonctionne
donc de moins en moins, surtout en distanciel où nous sommes
obligés de faire confiance. Beaucoup d’organisations ne sont pas
au point sur le « management de soutien professionnel » ; un
modèle où les managers sont au service de leurs équipes.
Le deuxième grand enjeu, c’est la place qu’occupent les
dirigeants. Les dirigeants en France sont relativement peu
intéressés par la question du management, qu’ils considèrent
n’être pas vraiment leur affaire. Et on le voit bien dans le
manque de formations proposées aux managers.
Enfin, on constate également que les salariés ne souhaitent plus
devenir managers. Il y a une désaffection très forte pour ces
postes. Pour moi, c’est un signal d’alerte extrêmement important
car une entité qui n’est plus capable de générer ses élites est
menacée à terme.
Quelles seraient les solutions pour résoudre cette
situation ?
De façon générale, je mets en avant l’approche du « dialogue
professionnel ». Je considère que le meilleur moyen de prévenir
les RPS, c’est d’être capable de créer un environnement où le
dialogue sur le travail est libéré. Cela repose souvent sur la
qualité des dirigeants et leur capacité à prendre à bras le corps
ces thématiques. C’est aussi le fait de la capacité des managers
intermédiaires à rester mobilisés pour être en appui des
collaborateurs. Aller au bout du dialogue professionnel, c’est
enfin créer des espaces sécurisés où les salariés sont en
confiance pour pouvoir s’exprimer, à l’abri de la chaîne
hiérarchique. Une solution est d’animer les réunions d’échange
avec un manager qui ne soit pas dans la ligne hiérarchique du
groupe de travail concerné, pour que chacun puisse s’exprimer
librement.
Enfin, selon moi, une des clés de responsabilisation du
management, c’est de réintégrer le travail dans tous les
processus de l’entreprise. De le remettre au centre, et notamment
dans la relation managériale.
