Anthony Gentelet - Pidiem : Considérer le handicap au travail

Considérer le handicap au travail

MANAGEMENT RH / QVT ||
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22/05/2024
Anthony Gentelet  - Pidiem
Anthony Gentelet
directeur
Pidiem

Chaque année au mois de mai, les entreprises doivent remettre leur déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH). Sur cette base sera calculée leur contribution AGEFIPH, réduite pour la dernière fois cette en 2024. Les entreprises doivent ajuster dès maintenant leur politique d’emploi des personnes en situation de handicap, mais aussi considérer ceux qui, dans leurs effectifs, pourraient être accompagnés.

En quoi consiste la DOETH ? Pourquoi est-ce important pour les entreprises ?
Chaque entreprise de plus de 20 salariés doit employer des personnes en situation de handicap, à hauteur de 6 % de son effectif. Chaque année, elle doit déclarer ces personnes et ces postes, sinon, elle doit verser une contribution annuelle (DOETH). Il y a beaucoup de stigmatisations vis-à-vis des personnes en situation de handicap, qu’elles aient un handicap lourd ou invisible. Or, 80 % des handicaps sont invisibles. Les gens souffrent d’une pathologie, qui les handicape au quotidien, mais vivent et travaillent avec. Pour faire avancer les choses, pour forcer les entreprises à s’emparer du sujet, le législateur a mis en place cette contrainte financière pour créer un cercle vertueux entre la contribution et les aides.

À quels enjeux font face les employeurs au moment de mettre en place une politique d'emploi des personnes en situation de handicap ?
Les employeurs avaient peur de reconnaitre le handicap de leurs salariés car cela nécessiterait des aménagements et donc de l’investissement financier. Ils craignaient que ce soit lourd à gérer, qu’un effet boule de neige survienne. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche, les préjugés n’ont pas lieu d’être. Car de fait, ne rien faire finissait par coûter justement à l’entreprise. Enfin, il subsistait une méconnaissance sur le sujet. C’est pourquoi il faut sensibiliser.

Quid des salariés concernés ?
Les employés avaient souvent peur de se déclarer, par peur du regard des autres (employeur, collègues). Ils craignaient de se montrer « affaiblis », et de ne plus pouvoir évoluer dans leur entreprise. Alors que quand on aménage autour d’une problématique, l’on répond à un besoin, l’être humain est en capacité d’être pleinement performant. Il existe des aménagements organisationnels, bienveillants (aménagements d’horaire, le télétravail, ndlr), qui peuvent avoir un effet hyper positif. En soulageant ce poids, le salarié est plus efficace et donc reconnaissant. Tout le monde est gagnant.

Des conseils pour les entreprises qui souhaitent améliorer leur engagement ?
Aujourd’hui, à peine 15 % des personnes reconnues en situation de handicap ont besoin d’aménagements matériels. Or, des financements existent (AGEFIPH, CMS, ndlr). Lorsque l’on considère les problèmes de santé d’une personne, on considère la personne. Le travailleur voit qu’il n’est pas qu’un salarié. Alors il se réengage dans l’entreprise. Mettre en place une politique handicap permet aussi de lutter contre l’absentéisme au travail. Pour commencer à agir, l’employeur doit mesurer la perception du sujet dans l’entreprise. Il doit sonder ses salariés pour connaître leurs besoins et leurs attentes. L’essentiel c’est l’écoute, la bienveillance. Prenons un exemple qui marche régulièrement : donner la possibilité aux collaborateurs concernés de pouvoir se libérer pour leurs rendez-vous médicaux. En termes d’équité vis-à-vis de quelqu’un qui n’a pas de problèmes de santé, c’est plus juste. Et ça montre qu’on a pris en considération le salarié et ses inquiétudes.

Avec la fin de la réduction de la contribution en 2025, que devraient faire les entreprises pour s'adapter ?
Dans la même logique, beaucoup d’idées d’aménagements pour le handicap viennent des salariés eux-mêmes. Cela prend du temps à agglomérer, mais c’est essentiel. Il faut impliquer tous les collaborateurs pour forger  l’envie de co-construire une politique handicap. Nous sommes dans la dernière année d’écrêtement pour les contributions. Il faut l’anticiper, regarder ce qui est déjà fait dans l’entreprise, aller à la rencontre des salariés pour savoir ce qui peut être amélioré. Mais surtout, il faut déjà en parler. Des choses ont déjà évolué dans le bon sens, continuons, il faut y croire.

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