La vulnérabilité est un sujet de QVCT et de leadership

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04/12/2023

La vulnérabilité touche aussi bien les organisations que les individus et les collectifs. C’est donc un sujet de QVCT et de leadership à traiter en tant que manager ou dirigeant. 


La loi santé de 2021 et le Plan Santé 4 intègrent dans leur logique la prise en considération de la vulnérabilité. Elles incitent également à davantage de prévention primaire. Néanmoins les managers et dirigeants habitués à exercer leur leadership n’intègrent pas forcément la prise en compte de la vulnérabilité à leurs us et coutumes professionnels. Et pourtant il en va d’une potentielle remise en cause de leur propre légitimité si cette vulnérabilité devient hors de contrôle.

 

Chaque nouvelle crise est en effet un révélateur des forces et des fragilités de chacun, qu’il s’agisse des êtres humains ou des organisations. Tout préventeur est bien conscient de cela et au regard des résultats d’un programme de recherche lyonnais de l'Agence nationale de la recherche (ANR) sur cette thématique de la vulnérabilité, sa définition rappelle la définition de la résilience (la capacité d’un matériau à reprendre sa forme initiale après un choc) mais elle désigne pour autant également la capacité d’un individu à s’adapter à un environnement changeant, à dépasser ses blessures et même à se remettre d’un stress post-traumatique. La vulnérabilité renvoie donc à la résilience et réciproquement. Néanmoins, la difficulté du préventeur est parfois de convaincre les managers et dirigeants qu’ils doivent eux aussi s’emparer de cette logique de la vulnérabilité car leurs organisations sont elles-mêmes vulnérables, et in fine c’est leur légitimité, celles des organisations mais aussi la leur, en tant que dirigeants ou managers, qui sera remise en question. 

Comme le processus organisationnel de la vulnérabilité peut vite devenir hors de contrôle, cette vulnérabilité organisationnelle peut rapidement devenir celle des managers et dirigeants. Certes, parmi les différents maux dont nos organisations peuvent souffrir, il y a bien entendu les dysfonctionnements produits par les structures elles-mêmes mais il existe également des anomalies sans oublier des erreurs, des négligences ou tout simplement des lacunes engendrées par chacun. C’est ce que certains chercheurs appellent des « imperfections organisationnelles ». 

Christophe Roux-Dufort, Professeur en gestion de crise de l’Université de Laval, classe ces imperfections organisationnelles selon quatre degrés différents d’imperfections : les anomalies, les vulnérabilités, les ruptures et les crises :

  • le 1er degré d’imperfection rassemble toutes les imperfections qui existent inévitablement dans les organisations : les négligences, les erreurs et les incidents auxquels les managers n’accordent pas d’importance car elles ne menacent pas l’organisation.
  • le 2ème degré correspond aux vulnérabilités qui résultent d’une accumulation et d’une combinaison d’anomalies pas ou peu maîtrisées.
  • le 3ème degré d’imperfection organisationnelle survient quand les vulnérabilités ont atteint un niveau de saturation sur lequel les individus n’ont plus de pouvoir. C’est ce que l’on appelle les ruptures. Le danger devient alors important car non seulement la défaillance est à son maximum et sa maîtrise hors de contrôle mais ces ruptures constituent également un catalyseur de crise.
  • le 4ème et dernier degré d’imperfection organisationnelle est la crise en elle-même. A ce moment-là, toutes les défaillances de l’organisation sont révélées au grand jour et rendues visibles même au dehors de l’organisation qui se voit alors remise en question dans sa légitimité propre. 

 

Comment alors ne pas envisager que cette crise de légitimité organisationnelle, qui est directement issue de la vulnérabilité organisationnelle laissée prospérer, peut aussi atteindre la légitimité de ses dirigeants et managers dans l’exercice de leurs propres responsabilités ? Dès lors, mieux vaudrait considérer que la prise en considération de la vulnérabilité au travail n’est pas que l’affaire de considérations individuelles ou celles des préventeurs ou des partenaires sociaux car cela pourrait se révéler être une grave erreur pour ces mêmes dirigeants et managers et avoir des conséquences individuelles, collectives et organisationnelles non négligeables : voilà un « passage de leadership » à ne pas rater (cf. ma précédente chronique).

 

Pour aller plus loin :

  • Roux-Dufort, C. (2007). « A Passion for Imperfections. Revisiting Crisis Management », in C. Pearson, C. Roux-Dufort and J. Clair (dir.), International Handbook of Organizational Crisis Management, Thousand Oaks, Sage.