Dialogue social en santé-sécurité-environnement : tour d’horizon d’évolutions à venir

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19/05/2023 - Sébastien MILLET

A mi-parcours du 4e plan santé au travail (PST4), les grands acteurs se mobilisent pour développer la prévention des risques professionnels.



Les propositions foisonnent actuellement, notamment au travers d’un dialogue social soutenu entre patronat et syndicats, qui contraste avec une certaine rupture du dialogue social ressentie à l’occasion de la séquence sur la réforme de retraites par la loi du 14 avril 2023 (laquelle au passage va avoir des effets non négligeables en matière de pénibilité et de prévention de l’usure professionnelle). 

Cela s’inscrit dans le cadre de l’ANI du 14 avril 2022 relatif à un paritarisme ambitieux et adapté aux enjeux d'un monde du travail en profonde mutation.

Plusieurs textes essentiels viennent ainsi d’aboutir :

 

  1. Sur la branche ATMP et l’évolution du couple prévention/ réparation des risques professionnels

Tout d’abord, l’ANI du 15 mai 2023 sur la Branche AT/MP de la Sécurité sociale, qui exprime l’ambition de renforcer tous azimuts son action et ses moyens à la fois sur le terrain de la prévention des risques professionnels et de la réparation « juste » pour les victimes d’ATMP.

Ainsi, le compromis historique de 1898 qui a fondé cette branche de la Sécurité sociale est réaffirmé, avec une volonté d’évolution vers une gouvernance strictement paritaire pour renforcer son autonomie.

Il faut dire que la branche jouit d’excédents et de réserves qui lui permettent d’avoir des moyens pour ses ambitions.

Au menu des mesures à destination des entreprises, et sans rentrer dans le détail des dispositions, citons entre autres la volonté de développer les référentiels de prévention opérationnels, de faire évoluer la politique d’octroi de subventions et d’incitations financières, de renforcer la prévention de la désinsertion et de l’usure professionnelle (PDP), d’agir sur la sous-déclaration des accidents, d’améliorer l’information, de développer la formation, de favoriser la résolution amiable des litiges, d’étudier l’intérêt d’une future extension de la prévoyance complémentaire, etc.

Côté assuré sociaux, l’un des axes les plus marquants porterait sur l’amélioration du dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles.
Pour l’heure, à la date où sont écrites ces lignes, le texte est ouvert à la signature des organisations syndicales, en vue ensuite d’une transposition législative et réglementaire, dont il est demandé qu’elle soit fidèle.  

De la même manière, rappelons que la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail était venue « transposer » au plan législatif le consensus des partenaires sociaux issu de l’ANI du 9 décembre 2020.

 

  1. Un nouveau mouvement de fond pour le monde du travail, en vue de la transition écologique et de la prévention des risques en santé environnementale

Ici, un autre ANI du 14 avril 2023 vient mettre le dialogue social au service de la transition écologique.

Sans être prescriptif pour les entreprises *, il constitue plus une boîte à outils permettant aux acteurs des entreprises de s’approprier les enjeux et mécanismes juridiques pouvant être mobilisés, en vue de contribuer aux efforts de transition impulsés par les pouvoirs publics.

*Cela fait écho avec l’ANI du 26 novembre 2020 pour une mise en oeuvre réussie du télétravail, sous forme de recueil de bonnes pratiques.

A noter également l’ANI du 10 février sur le partage de la valeur, qui prévoit des dispositions visant à « verdir » les dispositifs de rémunération, notamment en matière d’épargne salariale avec des critères aléatoires de performance RSE.    

Mais la question environnementale est duale pour les entreprises : si elle nécessite de prévenir les atteintes et réduire l’empreinte environnementale liée aux activités, l’urgence écologique et climatique pose aussi de nouveaux enjeux en termes de risques professionnels pour les travailleurs, face auxquels les entreprises doivent agir sur un double axe : prévention et adaptation.

Dans ce cadre, le CESE vient de rendre le 25 avril 2023 un avis sur la thématique « Travail et santé environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ? », qui comporte certaines propositions assez novatrices pour faire évoluer l’état du droit.
Par mis ses 17 recommandations, on retiendra ici notamment :

  • Inscrire l’écoute des salariés sur la liste des principes généraux de prévention du Code du travail (n°10), ce qui constitue en effet un levier essentiel pour la prévention des risques professionnels ;
  • Faire de l’établissement et de l’actualisation du DUERP une des conditions d’attribution et de maintien des aides et exonérations dont bénéficient les employeurs ;
  • Renforcer les droits à la formation des élus et mandatés dans toutes les instances de dialogue social pour leur permettre d’exercer leurs compétences sur les thématiques environnementales et de santé environnement 
  • Faire des conséquences environnementales des orientations stratégiques de l’entreprise un thème des consultations récurrentes obligatoires du CSE ;
  • Intégrer la santé-environnement dans la BDESE en prévoyant les thèmes précis qui devront y être traités et en invitant les partenaires sociaux à négocier des accords dans les entreprises sur le sujet ;
  • Intégrer l’impact du dérèglement climatique dans les négociations et en veillant à ce que les mesures négociées contribuent à l’effort général de sobriété ;
  • Intégrer par voie réglementaire le risque canicule en tant qu’intempéries (BTP et autres secteurs) ;
  • Intégrer les conséquences du dérèglement climatique sur l’organisation et les conditions de travail dans les obligations de négociation périodique de branche et mieux mobiliser les fonds versés au titre des garanties présentant un degré élevé de solidarité auprès des complémentaires santé recommandées par la branche.

Certaines préconisations « choc » issue de ce débat démocratique institutionnel, telles que la conditionnalité des aides publiques à la conformité en matière de DUERP, recevront-elles in fine une traduction législative ?

L’avenir le dira.

On peut ici se livrer à un parallèle avec les 149 propositions de la Convention Citoyenne sur le Climat : à date, selon les statistiques du Ministère de la transition écologique, 100 mesures sont déjà mises en œuvre en totalité ou en partie, et 46 sont en cours de mise en œuvre.