Vieillissement, pénibilité, retraite…,
et aussi compétences, adaptation des postes, pérennisation et
transmission des savoirs, anticipation des pénuries de
talents : la question du maintien des séniors dans l’emploi
est au cœur des débats et fera l’objet de plusieurs interventions
sur Prévent’Ouest. Association AINF, ‘quasi-fondation’ experte
dans l’appui, la prévention des risques professionnels et la
promotion de la santé au travail, a placé les problématiques de
vieillissement et d’évolution des aptitudes et capacités au
premier plan de ses interventions sur Prévent’Ouest. Anne-Marie
de Vaivre, Co fondatrice et animatrice du Cercle Entreprise et
santé de l'AINF, directrice du Cabinet Conseil Titane, nous en
explique les enjeux.
Vous animerez dans quelques jours une conférence
intitulée : « Seniors et santé au travail :
comment adapter le travail au vieillissement des
salariés ? » Sujet sensible dans un contexte de réforme
des retraites et d’avancées législatives sur la pénibilité, vous
y apportez votre propre éclairage. Pourquoi est-ce important d’en
parler maintenant ?
38%... C’est le taux d’emploi des seniors en France et il compte
parmi les plus bas d’Europe. C’est vous dire toute l’urgence de
la situation ! On a longtemps considéré que les seniors
coutaient cher à l’entreprise, étaient moins adaptables et moins
adaptés aux réalités d’un marché de plus en plus concurrentiel,
moins motivés, moins flexibles… Dans un contexte économique
difficile, l’utilisation massive des systèmes de préretraites a
semblé par le passé la réponse la plus adaptée pour réguler
l’emploi (notamment dans les secteurs anciennement en
crise : industries minières, du textile, la sidérurgie).
Aujourd’hui, avec une collectivité nationale qui ne peut plus
assumer par le biais de la retraite le financement de tels plans
sociaux déguisés, avec une perspective de pénurie de main-d'œuvre
et de talents, l’éviction des seniors n’est plus ni admissible,
ni possible au plan macroéconomique, comme au vu des besoins du
terrain.
Alors que la notion de pénibilité vient de faire son entrée dans
la sphère législative, avec un cortège de pénalités et aussi de
contentieux judiciaires, le pays est bien obligé de se poser la
question du maintien dans l’emploi des seniors et du management
intergénérationnel des compétences. Plusieurs problématiques ou
défis éclairent et enrichissent le débat : les notions de
restriction d’aptitudes et de handicap, de pénibilité, le besoin
de capitalisation des savoirs et de transfert de compétences
entre plus âgés et plus jeunes. De fait, c’est à la fois
l’organisation des entreprises, les structures de travail et la
conception même des ressources humaines qui sont interpellées,
au-delà, mais aussi via les questions de santé et de sécurité au
travail. Pour aborder et résoudre ces enjeux de génération, d’âge
et de démographie, c’est bien l’ensemble des acteurs de
l’entreprise qu’il faut mobiliser - experts RH et Santé au
travail, dirigeants et préventeurs, salariés et institutions
représentatives du personnel - pour inventer de nouvelles formes
d’entreprise et de travail, laissant la place à tous, à toutes
les aptitudes.
L’AINF est-elle en mesure d’apporter des éléments de
réponse ?
Je crois que personne aujourd’hui n’a LA réponse !
Néanmoins, il est utile de se poser les bonnes questions, d’avoir
un œil critique sur les « plans seniors » déjà mis en
place et surtout de regarder ce qui se fait ailleurs. Nous allons
également baser notre propos sur la notion d’aptitude et plus
précisément de l’évolution de cette dernière : le retour
d’une expérience menée dans un grand groupe français tendra à
prouver qu’il est possible de faire évoluer les emplois vers des
profils seniors et surtout d’accompagner cette catégorie de
travailleurs jusqu’à la fin de son parcours professionnel.
L’occasion aussi de porter l’attention sur la notion
« d’usure » et s’interroger sur la manière de sortir de
ce dilemme par l’intégration de critères de compétences plus
souples.
Le propos de la conférence n’est pas alarmiste, mais plutôt
stratégique : un temps pour réfléchir et montrer qu’il est
possible de sortir de la spirale voulant absolument que le
vieillissement mène à l’inaptitude.
Quel est votre positionnement sur le sujet ?
Je suis persuadée qu’il est urgent de dépasser un certain nombre
de peurs non objectives quant aux plus âgés et pas vraiment
convaincue que la catégorie « senior » du Code du
travail, rassemblant les salariés de 45 à 70 ans, soit la plus
pertinente. À titre personnel, j’aime à regarder du côté du
marketing qui procède à une segmentation différente et plus
précise des catégories d’individus, que l’on n’enferme plus dans
des catégories sociodémographiques du type ‘ménagère de plus (ou
de moins) de 50 ans’, mais que l’on apprécie dans des profils
plus ouverts, de type socioculturels. Dans le même sens,
l’individualisation des parcours professionnels me semble
appropriée pour maintenir les plus âgés dans l’emploi. Mais nous
ne sommes qu’au début de la réflexion et la France est en
retard !
À qui s’adresse votre exposé ?
Tous les acteurs de l’entreprise peuvent être concernés à
différents niveaux : les dirigeants, force de décision, les
experts (médecins du travail, préventeurs, DRH…), apporteurs de
solutions, mais aussi les étudiants, - la génération Y -, les
managers de demain. Les salariés, partenaires sociaux, CHSCT ont
aussi un rôle à jouer dans le débat et doivent participer aux
réflexions telles que celle que nous proposons : leur
expérience du terrain est primordiale.
La question du maintien dans l’emploi des seniors est
transversale à tous les secteurs d’activité et toutes les
entreprises, quelque soit leur taille : paradoxalement, ce
sont peut-être les PME qui s’en sortent le mieux, peut-être en
raison d’une moyenne d’âge plus élevée des dirigeants – ils
connaissent le problème ! - et pour la proximité de
décision.
Pourquoi le choix d’un tel sujet sur
Prévent’Ouest ?
S’il y a bien un endroit pour traiter de sujets un peu brulants
et impulser des réflexions de fond, qui font vraiment avancer les
choses avec tous les profils concernés, c’est bien à
Préventica/Prévent’Ouest. Le Congrès nous a toujours permis de
développer des sujets basés sur une actualité forte. Par
ailleurs, tous les opérationnels du quotidien sont présents sur
l’événement : cette synergie de compétences, universitaires,
expertes, mais surtout de terrain permet d’aller toujours plus
loin dans le débat d’idées.