En quoi consiste le projet 41-21 ?
C’est un projet de recherche qui ambitionne d’engager 1 000
entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activités
dans une démarche qui met l’écoute des travailleurs au cœur du
management. La finalité est d'améliorer la façon dont ils vivent
et font leur travail. Le nom provient de l’incontournable article
du Code du Travail : « l’entreprise assure la sécurité et protège
la santé physique et mentale des travailleurs ». L’idée, pour
l’entreprise engagée, est d’évaluer les problèmes que peuvent
avoir ses salariés, de chercher avec eux des solutions. Nos trois
piliers sont : « Écouter, Évaluer, Agir » ensemble. Une fois ce
travail avancé, nous pourrons en mesurer les effets sur trois
niveaux : la santé physique et mentale des travailleurs ; la
santé physique et mentale des dirigeants ; et enfin
l’attractivité et la santé financière des entreprises.
Pourquoi axer le projet sur l’écoute des travailleurs
?
À la base, j’ai été ouvrier, puis chef d’équipe et directeur
d’usine. Je me suis passionné pour l’écoute des travailleurs dans
la recherche de la performance qu’on attendait de nous. J’ai
découvert le monde de la santé au travail. On leur dit souvent
quoi faire mais on écoute peu les travailleurs. Beaucoup trop de
gens ont des problèmes d’équipement pour travailler, y compris
numérique. D’autres ont des problèmes de charge, d’organisation
ou de relations au travail. Certains ne parviennent plus à se
projeter dans leur entreprise. Tout cela les blesse physiquement
et mentalement, leur fait mal. On constate effectivement que la
santé physique et mentale des travailleurs se dégrade. Selon
Santé publique France, la souffrance psychique professionnelle a
doublé entre 2007 et 2019. Selon la Dares, 800 000 accidents du
travail par an entraînent un arrêt de travail et génèrent 40 000
handicaps. En parallèle, l’attractivité des entreprises se
dégrade elle-aussi. En 2019, 71 % des employeurs disaient avoir
du mal à recruter. La cause racine de tous ces maux, ce sont les
conditions de travail. Il faut les améliorer, on n’a pas le
choix. Mais pour cela, il faut impliquer les salariés dans ce
renouveau.
Comment l’expérience se déroulera-t-elle concrètement
?
Il faut traiter la santé mentale comme l’on traite la santé
physique. L’action sur les équipements de travail seuls ne suffit
plus, il faut réfléchir à comment on organise le travail. Les
entreprises qui prennent part à ce projet auront un référentiel à
suivre. C'est une démarche opérationnelle pour y parvenir. Nos
quatre grands principes sont : la gratuité du projet (aucun
argent ne passe entre la Fondation Projet 41-21 et les
entreprises, ndlr); la transparence (tout le monde pourra
consulter en ligne les résultats, ndlr) ; le respect du dialogue
social ainsi que le respect du référentiel. Ce dernier a été
construit en collaboration avec de grands préventeurs pour
emmener les entreprises vers une meilleure écoute des
travailleurs. C’est universel, l’écoute sera toujours
essentielle.
Comment les entreprises participantes pourront
s’approprier le référentiel ?
Ce mode d’emploi, structuré autour de nos piliers « Écouter,
Évaluer, Agir », est constitué de blocs de compétence remplis
d’exigences et d’objectifs précis ainsi que de bonnes pratiques
associées (des conseils concrets organisationnels, ndlr) pour les
mettre en place. Ces blocs se déclinent sur diverses thématiques
: Écoute des salariés, des nouvelles recrues ; participation aux
projets etc. Le chef d’équipe travaille dessus avec son équipe,
le cadre avec son chef d’équipe, et le dirigeant avec ses cadres.
Ce qui cimente les blocs, c’est l’envie d’intégrer une
horizontalité à la façon de penser l’organisation du travail.
Redonner des marges de manœuvre pour que les collaborateurs
participent aux décisions qui les concernent. Nous voulons en
finir avec le management uniquement descendant. Pour aider les
entreprises participantes, nous avons lancé un appel à des
préventeurs pour devenir des référents bénévoles qui
accompagneront les entreprises. 80 se sont déjà manifesté,
d’autres nous rejoindront.
Le monde du travail est-il sur la bonne voie selon vous
?
Il y a un changement culturel qui dépasse les entreprises. Avant,
l’idée était de mettre sa vie personnelle au service de sa vie
professionnelle pour ensuite en profiter plus tard. Aujourd’hui
tout a changé. Des gens, nombreux, n’en ont en fait jamais
profité. La jeune génération veut tout de suite protéger ses
équilibres. Mais de façon générale, beaucoup de travailleurs
ayant subi le Covid-19 ont réfléchi au sens de leur travail. Il y
a eu une désaffection de nombreux métiers aux conditions de
travail difficiles. Les attentes des salariés ont évolué. Le
projet 41-21 est unique, une telle étude n’a jamais été menée.
Mais nous sommes convaincus que c’est le bon moment pour la
faire. L’entreprise d’aujourd’hui doit se construire avec les
travailleurs. Il faut parler du travail, dans le travail, avec
celles et ceux qui font le travail, pour le
transformer.