Parlez-nous de l’approche normative en Europe et au
niveau international. Comment s’articule-t-elle par rapport
aux travaux menés en France ?
Je vais vous parler plus spécifiquement de la sécurité incendie
puisque c’est la spécialité de la commission AFNOR que je
préside.
Notre commission X65A « coordination sécurité au feu »
est une commission de coordination transversale des activités de
normalisation dans le domaine du feu. Elle réunit des
spécialistes issus de divers organismes tels que le LNE,
l’INERIS, l’IFTH, l’IRSN, le CNPP mais aussi des représentants
des grandes entreprises de transports ou de fabricants des
matériaux concernés par nos travaux.
La commission X65A est une commission chapeau, c’est à dire
qu’elle n’a pas pour mission principale d’élaborer en son sein
des normes mais interagit avec les sous-commissions
associées, en l’occurrence les commissions X65M sur la sécurité
incendie dans le transport maritime, X65T sur la toxicité des
fumées d’incendie, X65G sur les gaz de combustion.
Les travaux menés par ces sous-commissions ont pour objectif de
réaliser à l’échelle nationale ou participer au niveau
international à l’élaboration de référentiels fiables et reconnus
dans le domaine de la sécurité incendie. Egalement et surtout
dirais-je, nous représentons la voix officielle de la France dans
les instances normatives internationales, dans les divers
sous-comités du comité technique ISO TC92 chargé de la
normalisation incendie.
La commission X65A est le pendant français de la commission ISO
TC92 SC3 qui centre ses travaux sur les menaces du feu sur les
personnes et l’environnement.
Quels sont les sujets en incendie proposés par la France
au comité ISO ?
Les travaux peuvent être lancés sur soumission d’une commission
nationale ou directement par les comités ISO concernés.
L’identification de nouveaux sujets d’intérêt pour une démarche
de normalisation peuvent émerger, par exemple en France, des
journées techniques en relation avec la sécurité incendie
réunissant tous les membres des commissions afin de faire le
point sur les thèmes émergents. Nous avons ainsi identifié dans
un passé récent trois sujets prioritaires qui ont été soumis et
retenus par le comité ISO TC92 SC3. Le premier sujet concerne la
mesure des aérosols émis dans les incendies, c’est à dire toutes
les particules fines solides ou liquides qui peuvent pénétrer
dans les poumons et donc affecter la santé des personnes en
environnement incendie. Le deuxième se rapporte à la
détermination des précisions et incertitudes dans la mesure des
composés toxiques émis lors d’un incendie. Un troisième a traité
de la question des bassins de rétention pour prévenir les
pollutions accidentelles liées aux eaux d’extinction produites
lors de sinistres majeurs
Très concrètement, quel chemin vont prendre ces
propositions avant de devenir une norme
publiée ?
Le parcours est long et très codifié… entre une idée de sujet et
sa concrétisation en norme internationale, il va s’écouler en
moyenne 5 ans, même si une tendance à la réduction de ces délais
est constatée!
La première étape est la réalisation du Preliminary New Working
Item. Ce document est soumis au vote puis devient un sujet de
travail pour les commissions nationales concernées. Si le
Preliminary New Working item ne donne lieu à aucune publication
de norme une fois le délai de 5 ans écoulé, le sujet sera
définitivement abandonné, ou devra être relancé à un stade plus
mature.
Après le Preliminary New Working Item, c’est au Working Document
d’entrer en scène. Littéralement Document de Travail, qui de
version en version atteindra une première maturité technique et
consensuelle. C’est cette première ébauche de la norme définitive
qui deviendra ensuite CD (Committee Draft) qui sera soumis à
l’avis de l’instance supérieure.
Enfin, le Comitee Draft est la version projet de norme qui est
soumise à enquête publique. Puis des procédures de votes sur
projet de norme (stade DIS, tenant compte des remarques reçues au
niveau de l’enquête) et projet de norme final (FDIS) terminent le
processus de publication.
Bien évidemment, entre ces différentes étapes, de nombreux
allers-retours et négociations ont lieu entre le comité ou
sous-comité ISO concerné et les commissions miroirs nationales
des différents pays membres des comités ISO pour peser et valider
tous les termes de la norme en temps utile.
C’est une procédure lourde et complexe mais toutes les instances normatives fonctionnent plus ou moins de cette manière sur les sujets importants, sauf cas d’espèce. C’est le prix à payer pour garantir efficacité du travail et approche consensuelle. Lors de l’émergence de risques nouveaux associés à un développement technologique rapide (exemple batteries au lithium de forte puissance), ceci pose parfois problème pendant la période transitoire où le manque de normes de référence se fait sentir.