Tout d’abord, pourquoi ce colloque dédié aux risques professionnels du secteur de la conservation et de la restauration du patrimoine ?
Les métiers de la conservation-restauration du patrimoine sont particulièrement exposés aux risques professionnels : risque mécanique, fréquemment illustré par des coupures, risque TMS avec la manutention de charges lourdes et l’absence de postes de travail ergonomiques, risque oculaire dû notamment à l’utilisation intensive des microscopes, risque chimique avec l’emploi de produits dangereux pouvant contenir des agents CMR, risque biologique lorsque nous devons manipuler des objets composites susceptibles d’être attaqués par des agents biologiques… Aujourd’hui on voit également émerger de plus en plus le risque psychosocial ainsi que le risque routier, dans un contexte où nous sommes amenés à parcourir des dizaines de kilomètres du fait de l’éloignement de nos clients et de leurs exigences de plus en plus fortes sur un service « à domicile ».
Or ces risques ont souvent été minimisés voire carrément occultés.

Pourquoi le secteur de la conservation-restauration du patrimoine a-t-il si peu mis en œuvre des actions de prévention des risques professionnels ?
Pour de multiples raisons. La première tient à la diversité des statuts des professionnels du secteur : peu sont sous statut salarié de droit privé, la majorité est non salariée avec un statut artisan ou libéral. Cette hétérogénéité est clairement un frein pour identifier un groupe sectoriel de personnes soumises aux mêmes risques professionnels et engager un suivi médical approprié.
Deuxième raison, un secteur traditionnellement masculin jusque dans les années 1970 et donc avec des pratiques et des outils typiquement masculins et une minimisation des moyens de prévention. Aujourd’hui la tendance est totalement inversée avec plus de 80% de femmes dans les métiers de la conservation-restauration du patrimoine mais des pratiques qui ont peu évolué.
Enfin, les structures sont toutes de très petite taille avec de petits moyens. Quand le professionnel doit choisir entre un investissement qui servira la prévention et un investissement en production, il aura tendance à privilégier la production.

Quelles sont vos préconisations pour améliorer la prévention des risques professionnels dans les métiers de la conservation-restauration du patrimoine?
Au-delà de la sensibilisation des professionnels eux-mêmes, nous devons engager une réflexion avec les donneurs d’ordres pour que les règles de santé et de sécurité au travail soient plus intégrées aux appels d’offres et missions. Leur faire connaître le quotidien de nos activités leur permettrait de mieux comprendre les risques auxquels nous sommes exposés et nos exigences en termes de conditions de travail.
Nous participons au programme européen "JOCONDA / Leonardo da Vinci – Lifelong Learning Programme" (2011-2013) qui regroupe 8 pays européens en tant que chef de file français dont la thématique porte précisément sur la santé au travail en conservation-restauration du patrimoine.
Par ailleurs, il y a tout un travail de recherche et d’innovation à engager sur les matériels/outils avec lesquels nous travaillons qui sont, la plupart du temps, inadaptés par rapport à nos besoins et donc potentiellement générateurs de risques pour la santé et la sécurité.
Prenons l’exemple des opérations de dégangage d’objets divers (petites pièces, fibules, miroirs…). Nous sommes amenés à utiliser des micropercuteurs pneumatiques. Ces derniers sont particulièrement inadaptés à un temps de travail de trois à sept heures en continu. Le risque vibratoire est élevé et génère des affections potentielles au bras et à l’épaule.
Nous attendons des fabricants qu’ils nous proposent des solutions ergonomiques adaptées aux spécificités de notre métier.

Interview réalisée avec la participation de Françoise Mielcarek, Conservatrice-Restauratrice métal/matériaux composites, LC2R


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