En quoi le confinement a-t-il changé notre rapport au
travail ?
Autant pour les managers que les collaborateurs, le confinement
et l’expérience du télétravail nous ont amenés à réfléchir sur
notre relation au travail et sur ce que nous en attendions. Le
fait, pour certains, d’être privés de travail durant plusieurs
semaines les a fait prendre conscience de leurs attentes de sens
par rapport à ce qui occupe une grande partie de nos journées.
Beaucoup sont sortis du confinement avec une revendication claire
« Mon travail doit avoir du sens ».
Cette quête de sens avait émergé depuis une petite dizaine
d’années avec l’arrivée de nouvelles générations sur le marché du
travail. Des jeunes qui ne veulent plus vivre le travail comme
uniquement une source de revenus mais qui en attendent une
utilité « on travaille pour servir une cause qui nous dépasse, on
s’inscrit dans un grand mouvement «. Aujourd’hui, cette recherche
de sens dépasse le seul cercle de ces jeunes et il appartient à
l’entreprise de répondre à ces nouvelles exigences. Ce point que
François Duvergé et moi avions présenté dès 2014 comme l’un des
fondamentaux du management dans l’ouvrage « Management : en finir
avec les idées reçues » prend toute sa dimension.
Vous défendez l’idée que le confinement est une
expérience positive en termes de management, comment
?
Dans l’entreprise, on réfléchit parfois longtemps sur les
changements de mode d’organisation avant d’oser les mettre en
œuvre. Avec le confinement, on n’a pas eu le temps de réfléchir,
il a fallu agir. Ce qui n’était pas possible avant : déléguer,
faire confiance, responsabiliser est devenu possible en 48h avec
le recours massif au télétravail.
A cette occasion, les salariés ont pris goût à l’autonomie et les
managers ont découvert de nouvelles manières de manager. Les
petits chefs d’avant le confinement sont restés avec leurs
travers mais pour beaucoup, cette situation de travail inédite
les a poussés à passer d’un management contrôlant à un management
responsabilisant. Les études réalisées à l’issue du confinement
ont d’ailleurs montré que cette période avait permis de renforcer
les relations de confiance entre managers et managés.
Autre enseignement de cette expérience : l’importance du lien
social. L’homme est un animal social et sans relations, il
s’étiole. Privé de liens sociaux durant ces semaines de
confinement, nous avons dû mettre en place de nouveaux modes de
communication avec les réunions zoom ou les points téléphone,
l’occasion de rappeler que le lien est essentiel pour faire
fonctionner une équipe.
Ces enseignements du confinement vous paraissent-ils
désormais ancrés dans les pratiques des entreprises
?
Il est encore trop tôt pour le dire. Il est certain qu’il
faudrait capitaliser sur tout ce que nous avons appris durant
cette période, ce regain de confiance, ces nouvelles pratiques de
management pour que l’entreprise d’après ne soit pas celle
d’avant.
Mais ces bonnes résolutions vont se heurter au mur de la réalité
de la crise économique ? Comment les entreprises vont-elles se
comporter face à l’environnement économique ? Je n’ai pas encore
la réponse.
Le contexte actuel avec les peurs entretenues par les médias est
générateur de beaucoup d’anxiété. La priorité pour les managers
est d’entendre ces peurs et de calmer le jeu. Après, il faudra
tirer les leçons de l’expérience : évaluer ensemble ce qui a
fonctionné et ce qui ne l’a pas pour développer un management
plus participatif, plus collaboratif, plus épanouissant pour les
managers et les collaborateurs.
