En quoi la loi de 1983 est-elle un texte fondateur pour
le secteur de la sécurité privée ?
C’est suite à un fait divers très grave, la mort d’un sans
domicile fixe battu à mort par des vigiles au Forum des Halles en
1981, que l’Etat a pris conscience de l’absence d’encadrement
législatif des activités de
sécurité privée. La loi du 12 juillet 1983 a pour la première
fois identifié et défini les missions de sécurité privée.
Pourquoi ce texte est-il aujourd’hui remis en
cause ?
Ce texte ne correspond plus du tout à l’environnement
socio-économique de la sécurité privée aujourd’hui.
En 1983, le législateur avait pris en compte quatre branches de
la sécurité privée : le gardiennage, le transport de fonds,
la sûreté aéroportuaire et la télésurveillance. Aujourd’hui le
périmètre des activités s’est considérablement élargi, notamment
avec la sécurité électronique, la formation et le conseil en
sécurité.
D’autre part, les frontières entre sécurité publique et sécurité
privée ont évolué, par exemple dans le domaine de la sûreté
aéroportuaire où depuis les années 2000, l’Etat s’est
complètement désengagé des activités de contrôle des bagages et
des passagers au profit des sociétés de sécurité privée.
Enfin, les risques eux-mêmes ont évolué, avec l’émergence de la
menace terroriste, qui nécessite de redéfinir les missions de
sécurité privée et de sécurité publique, pour mieux protéger
aussi bien les bâtiments que les populations.
Quels sont les enjeux de la refonte de la loi de
1983 ?
Au-delà des lacunes de la loi de 1983 énoncés précédemment, il
s’agit en tout premier lieu de réguler un secteur d’activités qui
a pris un poids économique considérable : pour citer
quelques chiffres, En Toute Sécurité estime le chiffre d’affaires
en 2012 de la sécurité privée -dans sa définition la plus large-
à 21 milliards d’euros, soit 5 fois plus qu’en 1983. Cette
croissance rapide a engendré de nombreuses dérives : environ
20% des entreprises de gardiennage exerceraient dans des
conditions illégales, selon nos estimations !
Par ailleurs, l’ambition du futur texte est de permettre
l’instauration d’une relation de confiance entre les forces de
l’ordre et les sociétés de sécurité privée afin de favoriser une
meilleure coopération entre tous les acteurs de la sécurité.
Quels sont donc les principaux points d’évolution de
cette nouvelle loi ?
Tout d’abord, définir un périmètre plus large de la sécurité
privée en l’étendant à l’installation de sécurité électronique
(alarme, contrôle d’accès, vidéosurveillance...) et au conseil en
sécurité afin que ces entreprises entrent dans le même champ
réglementaire que les autres missions de sécurité privée, et
notamment en ce qui concerne les autorisations d’exercer.
Ensuite, la question de la formation fait partie des réflexions
majeures autour de cette refonte. Beaucoup d’organismes de
formation se sont créés et délivrent des diplômes en sécurité
privée, sans réel contrôle sur la validité des enseignements
dispensés. Là aussi, il va falloir « faire le
ménage » !
Enfin, une disposition importante concernera la création d’un
statut de Directeur Sécurité, avec des conditions d’accès et
d’agrément pour exercer cette fonction.
Jean-Louis Blanchou, Délégué Interministériel à la
Sécurité Privée, annonçait début 2012 le projet de loi pour la
fin de l’année. Nous sommes déjà en 2013. Que voyez-vous en
termes de calendrier ?
Le changement de présidence en mai 2012 a certes ralenti le
processus mais Manuel Valls a annoncé en octobre dernier qu’il
donnait 4 mois à la Délégation Interministérielle à la Sécurité
Privée et au CNAPS (Conseil National des Activités Privées de
Sécurité) pour donner les premières orientations. L’échéance est
donc proche.
La loi devrait être ensuite présentée à l’Assemblée vers l’été
prochain et votée à l’automne, voire fin 2013. Avec les délais
nécessaires à la promulgation des arrêtés d’application et le
laps de temps indispensable à la mise en conformité des
entreprises, la nouvelle loi devrait réellement entrer en
application en 2014 et pour certains aspects nécessitant des
temps d’adaptation pour 2015-2016. On peut donc espérer qu’à
cette échéance, la sécurité privée se sera largement
professionnalisée et moralisée.
En savoir plus :
- En Toute Sécurité, le spécialiste de l’analyse stratégique : http://www.security-info.com
- Loi 83/629 du 12/07/83 réglementant les activités privées de sécurité
- Dossier décembre 2012 « La sécurité privée en France : zoom sur un secteur en profonde mutation »