En quoi la qualité de vie au travail des infirmiers en
psychiatrie est-elle particulièrement mise à mal ?
Les patients traités en psychiatrie souffrent de pathologies
chroniques, sévères et invalidantes. Le sentiment d'échec est
patent car il n'y a parfois, malgré la prise en charge, aucune
amélioration de l'état de santé du patient. Par conséquent, plus
que certaines autres catégories d'infirmiers, les infirmiers en
psychiatrie sont potentiellement sujets au sentiment d'épuisement
professionnel.
La souffrance psychologique peut devenir insupportable. Le taux
d'absentéisme et le turn-over dans ces services sont élevés, ce
qui entraîne des problèmes d'organisation, de qualité des soins,
et une pression encore plus forte sur les personnels soignants :
un cercle vicieux dont il faut sortir.
Quels sont les objectifs de l'enquête sur la qualité de
vie au travail que vous coordonnez ?
L'objectif principal est d'examiner les déterminants individuels,
organisationnels et managériaux de la qualité de vie au travail
des infirmiers en psychiatrie. L'influence des facteurs
organisationnels et managériaux sur la QVT a déjà fait l'objet
d'études précédemment. Nous souhaitons compléter ces approches en
étudiant dans quelle mesure les facteurs individuels ont une
influence sur la QVT des soignants.
Notre enquête s'appuie sur deux mécanismes explicatifs issus des
théories de psychologie motivationnelle. En premier lieu, la
théorie de l'autodétermination nous apprend que le bien être au
travail dépend de la satisfaction de trois besoins dits
« fondamentaux » : le besoin d’autonomie, le besoin de
compétence et le besoin d’appartenance sociale. Par ailleurs,
nous nous référons au concept d'autoefficacité qui détermine que
la réussite est intimement liée aux croyances en nos capacités
d'atteindre un objectif.
Le deuxième objectif de l'étude est d'évaluer en quoi la QVT des
infirmiers en psychiatrie a un impact sur la qualité des soins.
Comment se déroule votre programme d'étude ?
Il est important de souligner que cette étude est menée par une
équipe de recherche pluri-professionnelle : Nicolas Gillet,
Maître de Conférence à l’Université François Rabelais de Tours,
Amélie le Gouge, Biostaticienne au CIC de Tours, Rémi Pierre,
Infirmier, Justin Bongro Kre, Aide-soignant, Véronique Méplaux,
Cadre Supérieur de Santé, Ellen Hervé, Directrice des soins,
Catherine Frémont, ARC, Christelle Meunier, Chargé d’étude
clinique.
Nous en sommes actuellement au stade du recueil des données. Le
questionnaire a été élaboré en collaboration avec des
universitaires spécialisés en psychologie et en études
statistiques. Il doit être administré courant novembre auprès de
400 infirmiers en psychiatrie exerçant dans 7 centres
hospitaliers différents. Ces soignants seront réinterrogés un an
après sur les mêmes bases afin d'étudier l'évolution du niveau de
QVT et les facteurs qui ont pu l'influencer.
Les résultats que nous obtiendrons seront restitués auprès des
participants et feront l'objet de publications dans des revues
spécialisées et lors de congrès.
Au delà, nous souhaitons que cette analyse permette d'ouvrir des
pistes de réflexion sur les pratiques organisationnelles et
managériales pour améliorer la qualité de vie au travail.